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27/12/2024 | FRANCE | N°23NC00235

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 27 décembre 2024, 23NC00235


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le maire de Thionville a accordé à la SARL Le domaine du château un permis de construire un bâtiment d'habitation de 59 logements, pour une surface de plancher de 3 824 mètres carrés, sur un terrain situé 1-3-5 rue des Puisatiers, ainsi que la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté son recours gracieux du 23 septembre 2021.



Par

un jugement n° 2200570 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le maire de Thionville a accordé à la SARL Le domaine du château un permis de construire un bâtiment d'habitation de 59 logements, pour une surface de plancher de 3 824 mètres carrés, sur un terrain situé 1-3-5 rue des Puisatiers, ainsi que la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté son recours gracieux du 23 septembre 2021.

Par un jugement n° 2200570 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 janvier 2023, 7 juin 2023 et le 24 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me De Zolt, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le maire de Thionville a accordé à la SARL Le domaine du château un permis de construire, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 23 septembre 2021 ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Thionville et de la SARL Le domaine du château la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que

- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'incompatibilité des essences non locales prévues avec les objectifs de l'OAP ;

- la prescription imposant le respect des prescriptions de l'ABF devait faire l'objet d'un permis modificatif ;

- la notice paysagère est incomplète dès lors qu'elle ne mentionne pas les modalités d'exécution des travaux en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme ;

- le projet méconnaît l'article 1AU 7 du règlement du PLU ;

- le projet est incompatible avec l'OAP n° 18 " Thionville- Manom " ;

- il méconnaît le PPRI de Thionville.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2023, la SARL Le domaine du château, représentée par Me Ambrosi, conclut au rejet de la requête, demande à la cour, à titre subsidiaire, de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2023, 5 décembre 2023 et le 15 mars 2024 la commune de Thionville, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2024 à 12 heures.

M. A..., représenté par Me De Zolt a produit un mémoire enregistré le 6 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Barbier-Renard, représentant M. A..., de Me Erkel, représentant la commune de Thionville et de Me Ambrosi, représentant la SARL Le domaine du château.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le domaine du château a présenté le 12 avril 2021 une demande de permis de construire en vue d'édifier un bâtiment d'habitation de cinquante-neuf logements, pour une surface de plancher de 3 824 mètres carrés, sur un terrain situé 1-3-5 rue des Puisatiers à Thionville. Par un arrêté du 2 août 2021, le maire de Thionville a délivré le permis sollicité. M. A... a formé, le 23 septembre 2021, un recours gracieux qui a été implicitement rejeté. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 novembre 2022 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 août 2021 et de la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Le requérant soutient que les premiers juges n'ont pas répondu par une motivation suffisante au moyen tiré de l'incompatibilité des essences non locales prévues par le projet avec les objectifs de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 18 " Thionville-Manom " du plan local d'urbanisme de Thionville. Toutefois, il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment précisé, au point 15 du jugement, les motifs pour lesquels ils ont estimé que le permis de construire contesté n'était pas incompatible avec cette OAP. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, l'article 5 du permis contesté prescrit que les places de stationnement situées en dehors du bâtiment au rez-de-chaussée doivent être supprimées. M. A... soutient que cette prescription, issue de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, aurait dû faire l'objet d'un permis de construire modificatif. Toutefois, les pièces complémentaires apportées au dossier de demande de permis de construire le 9 juillet 2021 par la SARL Le domaine du château ne comportaient plus lesdites places de stationnement, sans que la mention " parking " qui était restée par erreur sur le plan de masse avec une altimétrie ne soit source d'ambiguïté. Cette modification a eu pour effet de rendre le projet conforme à ladite prescription qui s'avère ainsi superfétatoire. Le moyen doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur des travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4 ou sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques, sur un immeuble situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, la notice mentionnée à l'article R. 431-8 indique en outre les matériaux utilisés et les modalités d'exécution des travaux. ". Aux termes de l'article 1AU-11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Thionville relatif à l'aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords : " 1. L'autorisation d'occupation du sol peut être refusée ou n'être accordée que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur, les bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. (...) ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Si M. A... soutient que l'absence d'indication dans la notice du dossier de demande des modalités d'exécution des travaux a nécessairement eu une incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet aux dispositions précitées de l'article 1AU-11 du règlement du PLU, la SARL Le domaine du château a précisé dans sa demande initiale les caractéristiques du projet, notamment les matériaux et les couleurs choisis et a produit l'ensemble des pièces permettant de montrer son insertion dans son environnement, notamment une notice paysagère, des photographies et un document graphique. En outre, si la construction doit prendre place dans les abords du château La Grange, protégé au titre des monuments historiques, ce dernier est situé à plusieurs centaines de mètres du projet. L'architecte des bâtiments de France a, par ailleurs, estimé avoir été suffisamment informé sur la nature et l'incidence du projet sur ce monument et a émis un avis favorable le 21 juin 2021 sous réserve de prescriptions reprises dans l'arrêté contesté. Dans ces conditions, les lacunes qui entachent la notice n'ont pas été de nature, en l'espèce, à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-14 du code de l'urbanisme doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 1AU 7 du règlement du PLU : " 1. L'implantation est mesurée par rapport à tout point du bâtiment. 2. A moins que le bâtiment ne jouxte la limite séparative, la distance comptée horizontalement du bâtiment au point de la limite du terrain qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la hauteur sous égout du bâtiment projeté, sans pouvoir être inférieure à 3 mètres ".

8. Le requérant soutient que cette disposition doit être comprise comme imposant, à défaut d'implantation en limite séparative, une distance d'implantation en tout point de la construction au moins égale à la moitié de la hauteur maximale de l'édifice. Toutefois, alors que la rédaction des articles 7 applicables dans les différentes zones ne permettent d'en dégager aucune interprétation littérale cohérente, elle ne peut être interprétée en l'espèce que comme imposant une distance par rapport aux limites séparatives calculée non pas au regard de la hauteur de la construction en son point le plus élevé, mais de manière glissante, en tout point de la construction. M. A..., qui ne conteste la distance d'implantation que calculée par rapport à la hauteur maximale, ne conteste pas qu'en tout point de l'immeuble la distance par rapport aux limites séparatives est inférieure à la moitié de la hauteur au droit de ce point. Son moyen doit par suite être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 151-7 du code de l'urbanisme : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : / 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification et assurer le développement de la commune ; (...) / 5° Prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics ; (...) ". Aux termes de l'article L. 152-1 de ce même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée si les travaux qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) du plan local d'urbanisme et, en particulier, s'ils en contrarient les objectifs. La compatibilité de l'autorisation d'urbanisme doit s'apprécier au regard des caractéristiques concrètes du projet et du degré de précision de l'orientation d'aménagement et de programmation.

11. L'OAP n° 18 " Thionville-Manon " du PLU fixe comme enjeux et comme objectifs la densification de l'offre en logements par la restructuration d'emprises inoccupées au sein du tissu urbain et une urbanisation de ce secteur marquant l'entrée nord de la ville à travers une écriture architecturale qualitative autour d'une place centrale. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux s'intègre dans un projet plus large, formalisé dans une convention de projet urbain partenarial conclue entre la SARL Le domaine du château, la commune de Thionville et la société CCORP, qui s'inscrit lui-même pleinement dans cette orientation. Il en respecte en outre les prescriptions en matière de qualité architecturale, de déplacements et d'accessibilité et de traitement qualitatif des espaces verts, ainsi que les orientations environnementales, notamment en matière d'énergie et d'eau. Par ailleurs, les types de logements prévus, à savoir trente-quatre T2, vingt-trois T3 et deux T4, permettent, en tout état de cause, d'assurer le respect de la prescription de l'OAP imposant de proposer des logements adaptés à tous âges. Enfin, alors que M. A... ne remet pas en cause la qualité de l'aménagement paysager de l'entrée de secteur située à l'Est de l'emprise, le seul fait que certaines essences plantées en partie Nord du projet ne seraient pas locales, en méconnaissance d'une de ses prescriptions, n'est pas de nature à contrarier la réalisation de l'OAP. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec l'OAP n° 18 " Thionville-Manon " du PLU doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 151-43 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme comportent en annexe les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation du sol et figurant sur une liste dressée par décret en Conseil d'État. ". Figurent notamment, sur la liste à laquelle il est ainsi renvoyé, les plans de prévention des risques naturels prévisibles établis en application de l'article L. 562-1 du code de l'environnement.

13. M. A... ne saurait utilement soutenir que le projet méconnaîtrait les dispositions de l'article 2.4 du règlement du plan de prévention du risque naturel d'inondations de la commune de Thionville, qui ne constituent que de simples recommandations. En tout état de cause, l'article 4 du permis de construire litigieux en prescrit le respect. Le moyen tel qu'articulé par le requérant ne peut par suite qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée en défense que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le maire de Thionville a accordé à la SARL Le domaine du château un permis de construire, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 23 septembre 2021.

Sur les frais de l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Thionville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Thionville et non compris dans les dépens et une somme de 1 500 euros à ce même titre au bénéfice de la SARL Le domaine du château.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Thionville la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. A... versera à la SARL Le domaine du château la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SARL Le domaine du château et à la commune de Thionville.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC00235 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00235
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : COSSALTER, DE ZOLT & COURONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;23nc00235 ?
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