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27/12/2024 | FRANCE | N°23NC00786

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 27 décembre 2024, 23NC00786


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 mars 2021 par lequel la maire de la commune de Schiltigheim a refusé de lui délivrer un permis de construire un ensemble immobilier d'habitation de soixante logements, d'une surface de plancher de 3 375 m² sur un terrain

situé 4-6, rue de l'Aar.



Par un jugement n° 2103182 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a

annulé cet arrêté et enjoint à la maire de la commune de Schiltigheim de délivrer à la SCI Est le perm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 23 mars 2021 par lequel la maire de la commune de Schiltigheim a refusé de lui délivrer un permis de construire un ensemble immobilier d'habitation de soixante logements, d'une surface de plancher de 3 375 m² sur un terrain

situé 4-6, rue de l'Aar.

Par un jugement n° 2103182 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et enjoint à la maire de la commune de Schiltigheim de délivrer à la SCI Est le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2023, la commune de Schiltigheim, représentée par Me Dangel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 janvier 2023 ;

2°) de rejeter la requête présentée par la SCI Est ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Est une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet méconnaît le programme d'orientations et d'actions du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de l'Eurométropole de Strasbourg (EMS), lequel fixe, dans les communes de la première couronne, un objectif de densité de 80 logements par hectare, très largement dépassés par le projet en cause qui créerait une densité par hectare de près de 380 logements ; le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) aborde également la problématique de la densité en indiquant qu'elle doit réduire en s'éloignant du cœur de la métropole et met en corrélation la densité des projets avec le respect de la qualité de vie des habitants ; or, l'impact du projet sera très important pour les riverains de la rue de l'Aar et la rue de Longchamps, tant en ce qui concerne la vue que la circulation et le stationnement ; le projet est dès lors incompatible avec ces documents qui constituent des pièces du PLUi nécessaires à la mise en œuvre des politiques d'habitat, de transports et de déplacement ;

- le projet méconnaît dans son ensemble l'article 11 du règlement du PLUi ; le motif de refus opposé est double et concerne tant la démolition que la future construction ; le projet porte atteinte aux caractéristiques du quartier situé entre la route de la Lauter et la rue de l'Aar, qui forme une typologie de bâtis homogène, de plus en plus menacée par la construction de grands ensembles collectifs, et permet de conserver une transition douce avec les petits collectifs situés rue de la Moder ;

- le projet n'est pas conforme aux prescriptions générales édictées pour la collecte des déchets figurant dans le règlement approuvé par un arrêté du 10 juillet 1998 ; le service compétent de l'EMS a émis un avis défavorable au projet le 17 février 2021 ; il n'est pas susceptible de correction par de simples prescriptions car cela nécessiterait de revoir le projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, la SCI Est, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Schiltigheim une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le motif tiré de la surdensité du projet procède de dispositions non opposables aux demandes d'autorisations d'urbanisme ;

- s'agissant de la méconnaissance alléguée de l'article 11.1.1 applicable à toutes les zones du règlement du PLUi, la décision en cause ne mentionne que l'impact de la partie démolition, c'est donc à bon droit que le tribunal a pu écarter ce moyen en tant que cet article ne s'applique qu'aux constructions ; en tout état de cause, les deux maisons dont la démolition est envisagée ne présentent aucun intérêt en termes de protection ou de mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti ; le site sur lequel la construction est projetée ne présente aucune qualité particulière ; subsidiairement, le projet de construction n'opère aucune rupture avec le tissu bâti ;

- ni l'arrêté attaqué, ni l'avis défavorable du service collecte et valorisation des déchets de l'EMS du 17 février 2022 ne précisent quel texte directement opposable au projet aurait été méconnu en l'espèce ; le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés approuvé par arrêté du 10 juillet 1998 ne constitue pas une norme opposable à la demande de permis de construire ; le règlement du PLUi ne comporte par ailleurs aucune disposition relative au dimensionnement des locaux poubelles ; la requérante ne démontre, en tout état de cause, pas que des prescriptions assortissant le permis n'auraient pas été à même d'assurer le respect des obligations en matière de collecte de déchets.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Amizet pour la commune de Schiltigheim et de Me Erkel pour la SCI Est.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Est a déposé, le 30 octobre 2020, un dossier de demande de permis de construire valant démolition des deux maisons individuelles existantes, en vue de réaliser un immeuble d'habitation collectif de 60 logements, sur un terrain situé au 4-6 rue de l'Aar à Schiltigheim (Bas-Rhin), classé en zone UD2 du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de l'Eurométropole de Strasbourg (EMS). Par un arrêté du 23 mars 2021, la maire de Schiltigheim a refusé la délivrance du permis de construire sollicité. La SCI Est a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cette décision. Par la présente requête, la commune de Schiltigheim relève appel du jugement du 12 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif a annulé le refus de permis de construire litigieux et enjoint sa délivrance dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ". Aux termes de l'article L. 152-1 du même code : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ".

3. Pour refuser le permis, la maire de Schiltigheim a d'abord estimé que le projet, qui prévoit la création de soixante logements sur un terrain de 1 582 mètres carrés, soit une densité de 379 logements à l'hectare, méconnaît les dispositions du PLUi de EMS prévoyant, pour les communes de la première couronne de l'agglomération comme Schiltigheim, une densité de 80 logements par hectare.

4. Il est constant que la référence à une densité de 80 logements par hectare est issue du programme d'orientations et d'actions du PLUi de EMS, lequel ne constitue pas une norme directement opposable aux autorisations d'urbanisme, non plus que le projet d'aménagement et de développement durables. A défaut pour la commune de justifier de l'existence dans le règlement du PLUi ou dans les orientations d'aménagement et de programmation d'une règle imposant aux projets de construction de respecter une densité maximale, la surdensité invoquée ne pouvait fonder légalement le refus opposé à la demande de permis de construire de la SCI Est. Il s'ensuit que le moyen de la commune tiré de la méconnaissance d'une telle règle par le projet litigieux doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 451-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque la démolition est nécessaire à une opération de construction ou d'aménagement, la demande de permis de construire ou d'aménager peut porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. Dans ce cas, le permis de construire ou le permis d'aménager autorise la démolition ". L'article R. 431-21 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque les travaux projetés nécessitent la démolition de bâtiments soumis au régime du permis de démolir, la demande de permis de construire ou d'aménager doit : / a) Soit être accompagnée de la justification du dépôt de la demande de permis de démolir ; / b) Soit porter à la fois sur la démolition et sur la construction ou l'aménagement. ". Il résulte de ces dispositions que, si le permis de construire et le permis de démolir peuvent être accordés par une même décision, au terme d'une instruction commune, ils constituent néanmoins des actes distincts comportant des effets propres.

6. Aux termes de l'article 11, applicable à toutes les zones, du PLUi de l'EMS, reprenant les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " 1.1. Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

7. Il ressort de la décision de refus de permis de construire litigieuse que la méconnaissance de ces dispositions n'a été opposée qu'au projet de démolition, auquel l'article 11 précité du règlement du PLUi, qui concerne exclusivement les constructions, n'est pas applicable.

8. A supposer même que la commune de Schiltigheim puisse être regardée comme ayant également entendu opposer les dispositions de l'article 11 précité au projet de construction lui-même, il appartient au juge, pour rechercher l'existence d'une atteinte aux lieux avoisinants, d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et vues versés aux débats, que le projet est situé dans un quartier sans unité architecturale, essentiellement composé d'immeubles collectifs et comportant également quelques maisons isolées, sans harmonie ou cohérence particulière et ne bénéficiant d'aucune protection spécifique. Le projet litigieux, qui porte sur la construction d'un immeuble collectif de 60 logements de type R+5, n'est donc et en tout état de cause pas de nature à porter atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 11 du règlement du PLUi doit également être écarté.

10. En dernier lieu, la maire a opposé à la demande de la société pétitionnaire un motif tiré de ce que les dimensions et la position du local à poubelles ne seraient pas en adéquation avec les besoins du projet et de ce que le projet ne comporte pas d'aire de présentation des bacs pour la collecte des déchets, en se fondant sur l'avis défavorable du service de la collecte et la valorisation des déchets de l'EMS émis le 17 février 2002. Dans cet avis, le service compétent a estimé que les dimensions du local à poubelles devaient être revus pour accueillir seize bacs de 770 litres au lieu des quatorze prévus, que le dénivelé existant entre le local et la voie publique imposait de revoir l'emplacement de celui-ci et qu'enfin le projet devait prévoir une aire de présentation des bacs sur un espace privé directement accessible depuis la voie publique.

11. Toutefois, en se bornant à se référer à cet avis ainsi qu'au règlement du 10 juillet 1998 relatif à la collecte des déchets ménagers sans autres précisions, la commune n'établit pas que le projet litigieux méconnaîtrait une prescription directement opposable aux autorisations d'urbanisme. Au surplus et en tout état de cause, il ne ressort pas de cet avis, qui formule au contraire à l'attention du pétitionnaire des recommandations de modifications, que le permis sollicité ne pourrait être délivré assorti de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance par le projet des prescriptions relatives à la collecte des déchets doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Schiltigheim n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le refus opposé à la demande de permis de construire de la SCI Est.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Schiltigheim, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il y a lieu en revanche de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Est.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Schiltigheim est rejetée.

Article 2 : La commune de Schiltigheim versera à la SCI Est une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Est et à la commune de Schiltigheim.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC00786 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00786
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;23nc00786 ?
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