Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A..., née B..., a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 2205734 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mai 2023, Mme C... A..., née B..., représentée par Me Weiss, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2205734 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 29 juillet 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- cette décision est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.
La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., née B..., est une ressortissante biélorusse, née le 8 janvier 1972. A la suite de son mariage avec un ressortissant français le 20 janvier 2018, elle est entrée régulièrement en France, le 2 juillet 2018, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " conjoint de Français " valant titre de séjour du 19 juin 2018 au 19 juin 2019, accompagnée de son fils mineur né le 3 janvier 2008. Le 9 mai 2019, en application des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a été mise en possession d'une carte de séjour pluriannuelle, valable du 20 juin 2019 au 19 juin 2021, dont elle a sollicité le renouvellement le 1er juin 2021. Toutefois, constatant que la communauté de vie avec son époux avait cessé depuis le mois d'octobre 2019, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 29 juillet 2022, a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2022. Elle relève appel du jugement n° 2205734 du 12 janvier 2023, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne résulte ni des motifs de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation Mme A... avant de prononcer à son encontre un refus de renouvellement de son titre de séjour. En particulier, après avoir relevé que la requérante est séparée de son époux depuis octobre 2019 et qu'elle ne justifie plus d'une communauté de vie en France, l'autorité administrative indique qu'elle a déposé trois plaintes contre son conjoint pour violences conjugales entre octobre et décembre 2019, lesquelles ont été classées sans suite par le parquet du tribunal de grande instance de Strasbourg. Dans ces conditions, contrairement aux allégations de l'intéressée, la préfète a pris en compte les violences conjugales dont elle fait état. Par suite, le moyen tiré de défaut d'examen particulier ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui s'est mariée avec un ressortissant français le 20 janvier 2018 à Furdenheim, a déclaré avoir quitté définitivement le domicile conjugal le 26 septembre 2019 et que la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg, après avoir pris une ordonnance de non-conciliation le 11 septembre 2020, a prononcé le divorce entre les époux le 8 décembre 2020. La requérante fait valoir que la rupture de la communauté de vie serait imputable aux violences, physiques et verbales, qu'elle aurait subies de la part de son conjoint. Toutefois, ni les trois plaintes déposées par ses soins à l'encontre de l'intéressé les 26 septembre, 14 octobre et 25 novembre 2019, ni les photographies versées aux débats, lesquelles au demeurant ne permettent pas d'identifier la victime, ni encore sa prise en charge par deux associations ayant pour objet de venir en aide aux femmes victimes de telles violences ne sont de nature à établir la réalité des allégations de Mme A.... Dans ces conditions et alors que le divorce a été prononcé à l'amiable sur requête conjointe des époux, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait sollicité son admission au séjour au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour en France et du droit d'asile. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'ayant pas examiné d'office si elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre sur ce fondement, ainsi qu'il lui était loisible de le faire à titre gracieux, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme A... se prévaut essentiellement de la scolarisation de son fils mineur et de ses efforts d'intégration. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante est arrivée en France, le 20 janvier 2018, à l'âge de quarante-six ans. Divorcée de son conjoint français le 8 décembre 2020, elle ne justifie, en dehors de son fils mineur, d'aucune attache familiale ou même personnelle sur le territoire français. Si son fils aîné, né le 21 janvier 1994 d'une précédente union, a également quitté la Biélorussie pour la France le 17 avril 2022, il est constant que l'intéressé a fait l'objet d'une procédure de réadmission vers la Lettonie aux fins d'examen de sa demande d'asile. Nonobstant le décès de son père, Mme A... n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, où elle a travaillé pendant une vingtaine d'années en qualité d'agent immobilier, puis de professeur de musique. La requérante fait valoir qu'elle a suivi, de façon intensive, des cours de français du 12 novembre 2018 au 31 janvier 2019 et du 2 au 31 juillet 2019, qu'elle dispose de son propre logement depuis le 8 septembre 2021, qu'elle a travaillé comme aide de cuisine du 23 octobre au 31 décembre 2019, puis comme aide à domicile du 10 août 2021 au 6 septembre 2022 et qu'elle est titulaire d'une promesse d'embauche, datée du 27 septembre 2022, de son dernier employeur, qui s'engage à la réembaucher dès qu'elle sera en possession d'un titre de séjour. Elle produit également une dizaine d'attestations, qui mettent en exergue ses efforts d'intégration et ses qualités humaines et professionnelles. Toutefois, le parcours de Mme A... depuis son arrivée sur le territoire français, pour méritoire qu'il soit, ne suffit pas à démontrer qu'elle aurait fixé en France le centre de ses intérêts matériels et moraux. Il n'est pas davantage démontré que l'intéressée serait dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale en Biélorussie, ni que son fils mineur, qui a vécu dans ce pays jusqu'à l'âge de dix ans, ne pourrait y poursuivre une existence et une scolarité normales. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations.
8. En troisième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
9. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 7 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour.
11. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
12. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour, qui énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait en constituant le fondement, est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, la décision en litige n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
13. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison en l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 29 juillet 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., née B..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01338 2