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28/01/2025 | FRANCE | N°21NC02475

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 21NC02475


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... et la société Duho Immobilier ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la délibération du 24 avril 2019 par laquelle le conseil municipal de Kuntzig a approuvé le plan local d'urbanisme et, d'autre part, la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté leur recours gracieux présenté le 24 juin 2019.



Par un jugement n° 1906880 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasb

ourg a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... et la société Duho Immobilier ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, la délibération du 24 avril 2019 par laquelle le conseil municipal de Kuntzig a approuvé le plan local d'urbanisme et, d'autre part, la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune a rejeté leur recours gracieux présenté le 24 juin 2019.

Par un jugement n° 1906880 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2021 et des mémoires enregistrés les 27 octobre 2021, 24 mai 2022 et 30 avril 2024, M. B... et la société Duho Immobilier, représentés par la SAS Drouot Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 24 avril 2019 et la décision du 11 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Kuntzig a rejeté leur recours gracieux ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 24 avril 2019 en ce qu'elle approuve le classement en zone Aa d'une partie des parcelles cadastrées section 9 n°s 280, 80, 82, 83, 84, 85 et 75, de la parcelle cadastrée section 34 n° 58, en zone A des parcelles cadastrées section 34 n°s 17, 57, 58 et 59 et des parcelles cadastrées section 38 n°s 20, 21, 131, 31, 286 et 287 et en zone Nj d'une partie des parcelles cadastrées section 2 n°s 293, 296 et 297 et des parcelles cadastrées section 17 n°s 235, 236 et 237 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Kuntzig la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- la délibération en litige méconnaît le droit à l'information des conseillers municipaux ;

- le plan d'aménagement et de développement durable est insuffisant dès lors qu'il ne fixe aucun objectif chiffré de modération de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ;

- le rapport de présentation est insuffisant en ce qui concerne les prévisions démographiques et les besoins en matière de logement, ainsi que les prévisions économiques et les besoins en matière de développement économique ;

- le classement des parcelles cadastrées section 9 n°s 280, 80, 82, 83 et 75 et de la parcelle cadastrée section 34 n° 58 en zone Aa est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement des parcelles cadastrées section 34 n°s 17, 57, 58 et 59 et des parcelles cadastrées section 38 n°s 20, 21, 131, 31, 286 et 287 en zone A est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement des parcelles cadastrées section 2 n°s 293, 296 et 297 et de la parcelle cadastrée section 17 n° 235 en zone Nj est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'absence de création d'un emplacement réservé sur la parcelle cadastrée section 1 n° 39 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la suppression de l'emplacement réservé sur les parcelles cadastrées section 9 n°s 220 à 223 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le projet d'aménagement et de développement durable et le règlement sont incohérents ;

- le classement des parcelles constitutives des périmètres des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) " Cœur du Village " et " Entrée Route de Distroff " en zone 1AU est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le plan local d'urbanisme méconnaît le principe d'équilibre fixé à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ;

- le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisants ;

- le plan local d'urbanisme est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération thionvilloise.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2022, la commune de Kuntzig, représentée la SELARL Axio Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... et de la société Duho Immobilier la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur l'intérêt à agir des requérants ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 10 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens tirés de l'insuffisante information des conseillers municipaux, de l'insuffisance du rapport de présentation et de l'insuffisance du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur, dès lors que ces moyens procèdent d'une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposaient les moyens soulevés en première instance dans le délai de recours.

M. B... et la société Duho Immobilier ont présenté des observations, enregistrées le 17 septembre 2024, en réponse à ce moyen relevé d'office.

Ils soutiennent que ce moyen est sans fondement, dès lors qu'un moyen de légalité externe a été soulevé en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Lagarde, avocat de M. B... et de la société Duho Immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 27 novembre 2014, la commune de Kuntzig a prescrit la révision du plan d'occupation des sols de cette commune valant transformation en plan local d'urbanisme. L'enquête publique s'est tenue du 7 janvier au 23 février 2019 et le rapport du commissaire enquêteur a été déposé le 4 avril 2019. Par une délibération du 24 avril 2019, le conseil municipal de Kuntzig a approuvé le plan local d'urbanisme. Par une décision du 11 juillet 2019, le maire de Kuntzig a rejeté le recours gracieux dirigé contre cette délibération, présenté le 24 juin 2019 par M. B... et la société Duho Immobilier. Par le jugement du 15 juillet 2021 dont M. B... et la société Duho Immobilier relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. M. B... et la société Duho Immobilier soutiennent que la délibération du 24 avril 2019 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en raison d'une insuffisante information des conseillers municipaux, d'une insuffisance du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur et d'une insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme qu'elle approuve. Toutefois, ces moyens, procédant d'une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient les moyens développés devant les premiers juges dans le délai de recours contentieux, constituent une demande nouvelle, irrecevable en appel. Par suite, ils doivent être écartés comme irrecevables.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Le projet d'aménagement et de développement durables / (...) / fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de Kuntzig énonce que : " Kuntzig prévoit la construction d'une dizaine de logements par an en moyenne pour une surface consommée d'environ 0.4 hectares par an en moyenne ". Ce faisant, ce projet fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, conformément à ce que prévoit l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme. Il en résulte que le moyen tiré de l'absence d'une telle fixation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir mais sans être lié par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. La légalité des dispositions du règlement d'un plan local d'urbanisme s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables. L'appréciation des auteurs du plan sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif que si elle est fondée sur des faits matériellement inexacts ou entachée d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir.

6. Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme dans sa version application au litige : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles (...) ". Le plan local d'urbanisme en litige prévoit que : " Sont classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles " Les constructions sont interdites au sein du sous-secteur Aa.

7. Une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Si, pour apprécier la légalité du classement d'une parcelle en zone A, le juge n'a pas à vérifier que chaque parcelle en cause présente, par elle-même, le caractère d'une terre agricole et peut se fonder sur la vocation du secteur auquel cette parcelle peut être rattachée, en tenant compte du parti urbanistique retenu ainsi que, le cas échéant, de la nature et de l'ampleur des aménagements ou constructions qu'elle supporte, ce classement doit cependant être justifié par la préservation du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles de la collectivité concernée.

8. D'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les parcelles cadastrées section 9 n°s 280, 80, 82, 83 et 75 et section 34, n° 58 consistent en des prés et champs ouverts sur une vaste zone agricole au Nord-Ouest, sur une zone inondable à l'Est et à proximité d'une zone naturelle au Nord. Ainsi, bien que situées en limite de zone bâtie, ces parcelles, qui présentent un potentiel agronomique, ne sauraient être regardées comme constituant des " dents creuses ". Par suite, au vu du parti d'urbanisme et d'aménagement poursuivi par la commune en termes notamment de préservation des espaces agricoles et de maîtrise de l'étalement urbain, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en classant ces parcelles en zone Aa, les auteurs du plan local d'urbanisme auraient commis une erreur manifeste d'appréciation.

9. D'autre part, en se bornant à soutenir que les parcelles cadastrées section 34 n°s 17, 57, 58 et 59 sont desservies par les réseaux nécessaires et qu'une aire de retournement a été envisagée pour pallier les difficultés liées à la desserte d'un lotissement, les requérants n'établissent pas que le classement de ces parcelles en zone A serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section 38 n°s 20, 21, 131 et 31 sont ouvertes à l'est sur de vastes zones agricoles et au sud sur une vaste zone naturelle. Dans ces conditions, la seule circonstance que ces parcelles fassent l'objet d'un permis de construire en cours d'exécution n'est pas de nature à établir que les auteurs du plan local d'urbanisme, qui ne sont pas tenus par les modalités existantes d'utilisation des sols, auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en classant ces parcelles en zone A, dès lors qu'ils poursuivent un objectif de maîtrise de l'étalement urbain tout en préservant les espaces agricoles.

10. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N, peuvent seules être autorisées : / les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. : (...) ". Le plan local d'urbanisme contesté prévoit que : " sont classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels ". Le sous-secteur Nj correspond à des zones de jardin en continuité d'une habitation.

11. Il ressort de la consultation du site Géoportail de l'urbanisme, librement accessible par chacune des parties, que les parcelles cadastrées section 2 n°s 293, 296 et 297 sont classées pour partie en zone Ub, à l'est, et pour partie en zone Nj, à l'ouest, jouxtant une zone Ux. Par ailleurs, si une partie de ces parcelles fait l'objet d'un permis de construire, le classement d'une partie de celles-ci en zone Nj ne fait pas obstacle à sa réalisation. Si la parcelle cadastrée section 17 n° 235 se situe effectivement en limite d'une zone UB à l'est et d'une zone 1AU à l'ouest, le but de la zone Nj consiste précisément à préserver les jardins afin de conserver des espaces verts au sein du tissu urbain. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en classant lesdites parcelles en zone Nj, les auteurs du plan local d'urbanisme auraient commis une erreur manifeste d'appréciation.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles ". Aux termes de l'article L. 151-7 du même code : " I. - Les orientations d'aménagement et de programmation peuvent notamment : / 1° Définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain, favoriser la densification et assurer le développement de la commune ; / (...) / 4° Porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager ; / (...) ".

13. D'une part, l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) OAP 1 " Cœur du Village " consiste à urbaniser le cœur du village dans un souci de proximité des services mais également d'utilité publique pour assurer la reconstruction de l'école " énergivore ". L'école située à côté de la mairie serait aménagée en local périscolaire. Ce secteur doit également permettre de compléter l'offre de logement par une offre pour les " séniors ". Il garantit en outre une amélioration de la sécurité par un désenclavement de tout le secteur construit rue des Romains. D'autre part, l'OAP 2 " Entrée Route de Distroff " prévoit, outre l'aménagement d'un secteur à destination principale d'habitat, de sécuriser le carrefour entre la route de Distroff et la rue de la Bibiche en créant une voie de desserte supplémentaire par l'aménagement d'un nouveau secteur d'urbanisation.

14. Il ressort des pièces du dossier que les secteurs couverts par ces OAP ont été classés en zone à urbaniser 1AU, consistant en une zone d'urbanisation future non-équipée, regroupant des espaces non-bâtis, destinée à recevoir les extensions urbaines de l'agglomération, à vocation d'habitat, de service, d'activités diverses et d'équipements collectifs. Les parcelles composant ces OAP consistent en des prairies permanentes dont les ressources fourragères ligneuses sont absentes ou peu présentes et se situent en continuité de l'urbanisation existante. Si le préfet suggérait une suppression de la zone 2AU instaurée sur l'OAP 2 et que la mission régionale d'autorité environnementale regrettait, dans son avis du 10 janvier 2019, le manque de prise en compte des " dents creuses " et des possibilités de remise sur le marché de logements vacants, il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation achevé au mois d'avril 2019 a recensé un potentiel très faible de " dents creuses " et vingt-six logements vacants et que le secteur a finalement été classé en zone 1AU. Les auteurs du plan local d'urbanisme ont ainsi tenu compte des recommandations émises par le préfet et la mission régionale d'autorité environnementale. Dans ces conditions, il ne ressort pas du dossier qu'en classant en zone 1AU les secteurs des OAP 1 et 2, les auteurs du plan local d'urbanisme auraient commis une erreur manifeste d'appréciation.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; / 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques ; / 4° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des emplacements réservés en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit ; / 5° Dans les zones urbaines et à urbaniser, des servitudes interdisant, sous réserve d'une justification particulière, pour une durée au plus de cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement. Ces servitudes ne peuvent avoir pour effet d'interdire les travaux ayant pour objet l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes. / En outre, dans les zones urbaines et à urbaniser, le règlement peut instituer des servitudes consistant à indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements ".

16. La possibilité pour les auteurs d'un plan local d'urbanisme de grever un terrain d'une servitude d'emplacement réservé constitue une faculté. L'appréciation à laquelle ils se livrent lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Enfin, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.

17. D'une part, il ressort des pièces du dossier que si la parcelle cadastrée section 1 n° 39 supportait initialement un ancien cimetière, une délibération du 7 novembre 1975 a décidé sa transformation en place publique. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en ne grevant pas cette parcelle d'une servitude d'emplacement réservé.

18. D'autre part, si M. B... soutient que la suppression de l'emplacement réservé institué sur les parcelles cadastrées section 9 n°s 220 à 223, l'empêcherait d'accéder à l'un de ses terrains, il ressort des pièces du dossier que ces parcelles n'appartiennent pas à la commune et qu'elle ne souhaite pas les acquérir. Par ailleurs, dans un courrier adressé à l'intéressé, le sous-préfet de Thionville rappelle que si le propriétaire desdites parcelles a effectivement ajouté une porte, elle n'est jamais fermée à clé. Il indique en outre que le terrain de M. B... est également accessible par le chemin d'exploitation n° 63 et la parcelle n° 10. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la parcelle de M. B... serait enclavée et que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient commis une erreur manifeste d'appréciation en supprimant l'emplacement réservé inscrit sur ces parcelles.

19. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

20. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durable, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le plan d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du plan d'aménagement et de développement durable ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

21. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Kuntzig comporte notamment un objectif de préservation des espaces agricoles en minimisant des surfaces agricoles consommées par les terrains affectés à l'urbanisation, en limitant le développement résidentiel à proximité des bâtiments agricoles existants et en identifiant les espaces agricoles et un objectif de limitation de l'étalement urbain et de maîtrise des extensions urbaines.

22. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section 39 n°s 51 et section 12 n°s 21 à 28 et n°s 63, 64 et 66 ont été classées en zone 1AU, qui consiste en un secteur d'extension urbaine à court ou moyen terme ou en un secteur d'extension à vocation d'équipement. Si ces parcelles étaient auparavant classées en zone agricole, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agit de prairies permanentes dont les ressources fourragères ligneuses sont absentes ou peu présentes. Par ailleurs, ces parcelles représentent 3,07 hectares de terrain en continuité de l'existant, ce qui implique que l'ouverture à l'urbanisation reste circonscrite et que les zones agricoles restent largement dominantes. Dans ces conditions, le classement desdites parcelles en zone 1AU n'est pas, par lui-même, incohérent avec l'objectif de préservation des espaces agricoles prévu par le plan d'aménagement et de développement durables.

23. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section 38 n°s 20, 21, 131, 31 ont été classées en zone A, qui consiste en des secteurs équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Seules sont autorisées dans cette zone les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et à des équipements collectifs ou à des services publics. Il ressort de la consultation du site internet Géoportail de l'urbanisme, librement accessible par chacune des parties, que les parcelles en cause ne supportent actuellement aucune construction et sont soumises à un traitement environnemental et paysager particulier en raison d'arbres à protéger. Si les requérants soutiennent que ces parcelles font l'objet de travaux en raison d'un permis de construire en cours d'exécution, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas, à elle seule, de nature à remettre légalement en cause le classement desdites parcelles en zone A. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section 9 n°s 280, 80, 82, 83, 84, 85 et 75 et section 34 n° 58 ont été classées en zone Aa par le règlement du plan local d'urbanisme, qui correspond à des secteurs en limite de zone urbanisée dans lesquels les constructions agricoles sont interdites. Ils permettront, à très long terme, l'urbanisation des quartiers ou de préserver les secteurs à proximité de la zone inondable. Si les requérants soutiennent que lesdites parcelles font l'objet d'un projet d'aménagement, il ressort des pièces du dossier qu'une demande de permis de construire a fait l'objet d'un sursis à statuer par un arrêté du maire du 20 mars 2017, en raison de l'impact que pourrait avoir le projet sur le potentiel de développement de la commune. Ainsi, ils ne sont pas fondés à soutenir que cette circonstance remettrait légalement en cause le classement de ces parcelles en zone Aa. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les zones Nj ont été créées pour préserver les jardins existants en arrière de parcelles ou pour créer des espaces de transition. Ainsi, en soutenant que ce classement est de nature à créer des " dents creuses " et conduire à une extension de l'urbanisation, alors qu'il s'agit uniquement de zone de jardin, les requérants ne démontrent pas que ce classement serait incohérent avec les objectifs du plan d'aménagement et de développement durables. Dans ces conditions, le classement des parcelles susmentionnées en zone A, Aa et Nj n'est pas incohérent avec l'objectif de limitation de l'étalement urbain et de maîtrise des extensions urbaines. Le moyen tiré de l'incohérence entre le règlement du plan local d'urbanisme et son plan d'aménagement et de développement durables doit, par conséquent, être écarté.

24. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; / e) Les besoins en matière de mobilité ; (...) ".

25. Ces dispositions imposent seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. Le juge administratif exerce un contrôle de compatibilité entre les règles fixées par le plan local d'urbanisme et les dispositions précitées de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

26. Il ressort du rapport de présentation que la commune de Kuntzig a ouvert à l'urbanisation 6,05 hectares de son territoire contre 19,68 sous l'empire du plan d'occupation des sols antérieur. L'ouverture du territoire à l'urbanisation a, ainsi, été fortement réduite. Ainsi, en se bornant à faire état de l'avis de la direction départementale des territoires, au demeurant favorable à l'adoption du plan local d'urbanisme, en tant qu'il insiste sur une réduction des zones à urbaniser en raison d'une surestimation des besoins en logements, les requérants n'établissent pas que le document litigieux serait incompatible avec les dispositions précitées et notamment l'objectif d'utilisation économe des espaces agricoles, naturels et forestiers. S'il ressort des pièces du dossier que la commune a effectivement décidé d'ouvrir à l'urbanisation des parcelles initialement agricoles, ce choix ne concerne que 3,87 hectares situés en continuité du bâti existant. Par ailleurs, le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération thionvilloise a émis un avis favorable à propos du projet au regard des objectifs qu'il fixe en termes de consommation économe de l'espace. En outre, si les requérants soutiennent que les réseaux projetés seront insuffisants pour desservir les parcelles ouvertes à l'urbanisation, ils n'apportent aucun élément au soutien de leurs allégations. Enfin, la commune rappelle, sans être contredite, que la capacité de mutation des espaces bâtis est très faible. Par suite, et alors que la commune a classé en zone agricole des parcelles préalablement constructibles, le moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme de Kuntzig avec les objectifs énumérés à l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

27. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ".

28. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

29. Il ressort du rapport du commissaire enquêteur, que le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération thionvilloise a émis un avis favorable au projet de plan local d'urbanisme en considérant que les densités minimales prescrites par le document alors en vigueur, fixées à 26 logements/ha en extension et 38 logements/ha en renouvellement urbain sont prises en considération dans le projet avec une consommation limitée d'espaces à 6 ha. En effet, il ressort du plan d'aménagement et de développement durables que " Kuntzig prévoit la construction d'une dizaine de logements par an en moyenne pour une surface consommée d'environ 0,4 hectares par an en moyenne ". Si les requérants soutiennent que le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération thionvilloise a été annulé en raison de prévisions démographiques et de besoins en logements surestimés, impliquant nécessairement une surestimation des besoins au niveau du plan local d'urbanisme, cette circonstance, alors même que l'annulation porte sur la version du document révisée le 24 février 2020, postérieure à l'adoption de la délibération en litige est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du plan local d'urbanisme en litige, qui n'a pas pour base légale le schéma ainsi approuvé après cette délibération, qui n'en constitue pas non plus une mesure d'application.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la société Duho Immobilier ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Kuntzig, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... et la société Duho Immobilier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de la société Duho Immobilier ensemble une somme globale de 1 500 euros à verser à cette commune à ce même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et de la société Duho Immobilier est rejetée.

Article 2 : M. B... et la société Duho Immobilier verseront à la commune de Kuntzig la somme globale de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Duho Immobilier et à la commune de Kuntzig.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : A. C...L'assesseur le plus ancien,

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 21NC02475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02475
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : AXIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;21nc02475 ?
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