Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 31 juillet 2020 par laquelle la présidente du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne a prononcé son licenciement pour inaptitude physique d'une part, et de condamner le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne à lui verser la somme de 11 500 euros en réparation des préjudices subis et la somme de 1 110,58 euros au titre du rappel de son traitement d'autre part.
Par un jugement n° 2002022, 2100132 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 31 juillet 2020 prononçant le licenciement de Mme B... pour inaptitude physique, enjoint à la présidente du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne de réintégrer Mme B... dans les cadres à compter du 5 août 2020, condamné le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne à verser à Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral, et renvoyé Mme B... devant le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne pour qu'il soit procédé à la liquidation de la créance à laquelle elle a droit au titre du rappel de son traitement dû pour la période entre le 5 août 2016 et le 31 janvier 2017, dans la limite de 1 110,58 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2021, 21 décembre 2021 et 3 mars 2022 ainsi qu'un dernier mémoire non communiqué enregistré le 9 février 2023, le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne, représenté par la SELAS Devarenne associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 septembre 2021 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir permis à Mme B... de consulter son dossier dès lors que cette dernière ne s'est pas déplacée ;
- la consultation du dossier par un agent préalablement à une mesure de licenciement pour inaptitude physique ne saurait exercer une quelconque influence sur le sens de la décision ou constituer une garantie ;
- le dossier ne comporte que des éléments médicaux en rapport avec la décision qui a été prise ;
- une attestation de la caisse primaire d'assurance maladie démontre que Mme B... a perçu des indemnités journalières pour la période du 8 août 2016 au 31 janvier 2017 ;
- la somme de 1 000 euros allouée en réparation du préjudice moral n'est justifiée ni dans son quantum ni dans son principe est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- le tribunal ne pouvait qu'enjoindre au réexamen de la demande de Mme B....
Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 2 juin et 8 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Roger conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en contrepartie de quoi son conseil s'engage à renoncer à l'aide juridictionnelle qui lui a été octroyée.
Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi de finances du 22 avril 1905, notamment son article 65 ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée par le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne en qualité d'agent contractuel à temps non complet le 6 mai 2002 pour assurer des fonctions d'agent d'entretien. Elle a été titularisée le 1er janvier 2006 dans le grade d'agent des services techniques. A la suite de la suppression de ce cadre d'emplois, elle a accédé au grade d'adjoint technique territorial à compter du 1er janvier 2007. Elle a été placée en congé de maladie à plusieurs reprises, à compter du 14 janvier 2015 et jusqu'à l'expiration de ses droits statutaires à congé le 4 août 2017. Par un arrêté du 25 août 2017, elle a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 5 août 2017 pour une période de trois mois, renouvelée à plusieurs reprises jusqu'au 4 août 2020. A la suite de l'avis du 4 juin 2020 émis par le comité médical, qui a estimé que Mme B... était inapte physiquement de manière définitive et absolue à l'exercice de toutes fonctions, la présidente du syndicat intercommunal, par arrêté du 31 juillet 2020, l'a licenciée pour inaptitude physique avec effet à compter du 5 août 2020. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, au versement du rappel des traitements dus pour la période comprise entre les 5 août 2016 et 31 janvier 2017 et à l'indemnisation des préjudices subis. Par un jugement du 28 septembre 2021, le tribunal a annulé la décision du 31 juillet 2020, enjoint à la présidente du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne de réintégrer Mme B... dans les cadres à compter du 5 août 2020, condamné le syndicat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et renvoyé Mme B... devant le syndicat afin que soit procédé à la liquidation de la créance à laquelle elle a droit au titre du rappel de son traitement dû pour la période entre le 5 août 2016 et le 31 janvier 2017, dans la limite de 1 110,58 euros. Le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté du 31 juillet 2020 :
2. En vertu de l'article 104 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet sont soumis aux dispositions de cette loi et aux décrets pris pour son application, sous réserve des dérogations prévues par le décret du 20 mars 1991 susvisé. Il est constant que Mme B... assurait un service hebdomadaire de dix-sept heures et trente minutes, et en conséquence, sa situation statutaire est régie par les dispositions spéciales du décret précité.
3. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 41 du décret du 20 mars 1991 : " Le fonctionnaire qui est définitivement inapte physiquement à l'exercice de ses fonctions à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, pour invalidité imputable au service, de maternité, de paternité ou d'adoption ou de la période de disponibilité accordée au titre de l'article 40 ci-dessus et qui ne peut être reclassé en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé est licencié. (...) ".
4. D'autre part, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de consulter son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause.
5. La décision prononçant le licenciement d'un agent public pour inaptitude physique étant nécessairement prise en considération de la personne de l'intéressé, elle doit être précédée de la communication du dossier prévue à l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.
7. Il ressort des pièces du dossier que, après avoir été informée le 20 juillet 2020 par la présidente du syndicat intercommunal de son intention de la licencier en raison de son inaptitude physique définitive et absolue à l'exercice de toutes fonctions, Mme B... a demandé la communication de son dossier par un courrier du 23 juillet 2020 adressé à la présidente du syndicat intercommunal par la voie de son conseil. Le syndicat intercommunal, qui ne conteste pas avoir reçu ce courrier préalablement à la décision de licenciement du 31 juillet 2020, n'a toutefois mis Mme B... en mesure de prendre connaissance de son dossier que le 30 septembre 2020, soit postérieurement à la décision de licenciement. Contrairement à ce que soutient le syndicat, il ne saurait être reproché à l'agent de ne pas avoir sollicité la communication de son dossier avant même qu'elle ne soit informée de la procédure de licenciement. Par ailleurs, la circonstance que le dossier ne comporte aucun élément médical est sans incidence. Enfin, et alors même que la présidente du syndicat intercommunal aurait pris la même décision si elle avait prononcé le licenciement de Mme B... après lui avoir communiqué son dossier, cette circonstance est sans influence dès lors que cette dernière a été privée de la garantie prévue par les dispositions de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905. Cette irrégularité entache d'illégalité la décision du 31 juillet 2020 prononçant le licenciement pour inaptitude physique de Mme B....
En ce qui concerne le rappel de traitement :
8. Aux termes des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". Il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 35 du décret du 20 mars 1991, lequel régit la situation statutaire des fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, que les dispositions précitées de la loi du 26 janvier 1984 s'appliquent à ces derniers.
9. Aux termes des dispositions de l'article 38 du décret du 20 mars 1991 : " Les prestations en espèces ainsi que les pensions d'invalidité versées par la caisse primaire d'assurance maladie viennent selon le cas en déduction ou en complément des sommes allouées par les collectivités ou établissements en application du 2°, premier alinéa, et 5° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 précitée et en application des articles 36 et 37 du présent décret. / La collectivité territoriale ou l'établissement public concerné est subrogé le cas échéant dans les droits éventuels du fonctionnaire au bénéfice de ces prestations. ".
10. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté du 17 janvier 2017, Mme B... a été placée en congé de maladie du 5 août 2016 au 31 janvier 2017 inclus et que, à ce titre, elle a bénéficié d'un demi-traitement que le syndicat intercommunal s'est abstenu de lui verser au motif que, pour la même période, l'intéressée aurait perçu de la caisse primaire d'assurance maladie des indemnités journalières. Si le syndicat intercommunal justifie en appel que, pendant la période en cause, Mme B... a perçu de la caisse primaire d'assurance maladie des indemnités journalières dues en sa qualité d'assurée sociale, il résulte de l'instruction que certaines de ces indemnités ont été versées au syndicat en sa qualité de subrogé alors que d'autres ont été versées à Mme B.... En conséquence, les seuls documents produits par le syndicat ne sont pas de nature à remettre en cause le fait que Mme B... a droit, pour la période entre le 5 août 2016 et 31 janvier 2017, au versement effectif du demi-traitement qui lui était dû, déduction faite, d'une part, des prestations en espèce qui, sur cette période, ont été versées par la caisse primaire d'assurance maladie à Mme B... et, d'autre part, des sommes qui lui ont été indument versées par le syndicat intercommunal au titre de son traitement dû pour la période du 25 avril 2016 au 4 août 2016 puis répétées par compensation avec son traitement dû au titre de la période du 5 août 2016 au 31 janvier 2017.
En ce qui concerne les dommages et intérêts :
11. Eu égard aux circonstances dans lesquelles la présidente du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne a prononcé le licenciement pour inaptitude physique de Mme B..., et notamment à l'absence d'information à la suite de la visite médicale auprès d'un médecin agréé le 9 mars 2020 et de l'avis du comité médical du 4 juin 2020 d'une part et à l'absence de réponse à sa demande de communication de son dossier avant que ne soit pris l'arrêté d'autre part, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral de l'intimée en lui allouant à ce titre une indemnité de 1 000 euros.
En ce qui concerne l'injonction :
12. L'annulation de la décision prononçant le licenciement de Mme B... impliquait nécessairement que cette dernière soit réintégrée juridiquement à la date de son éviction du service, soit à compter du 5 août 2020 avant qu'il ne soit procédé par l'administration à un réexamen de sa situation administrative à compter de cette date. Par suite, le moyen tiré de ce qu'à tort les premiers juges ont prescrit cette réintégration doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 31 juillet 2020 prononçant le licenciement pour inaptitude physique de Mme B..., enjoint à la présidente du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne de réintégrer Mme B... dans les cadres à compter du 5 août 2020, condamné le syndicat à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et renvoyé Mme B... devant le syndicat afin que soit procédé à la liquidation de la créance à laquelle elle a droit au titre du rappel de son traitement dû pour la période entre le 5 août 2016 et le 31 janvier 2017, dans la limite de 1 110,58 euros.
Sur les frais d'instance :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
15. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Roger, avocat de la défenderesse, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne le versement à Me Roger la somme de 1 500 euros. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne est rejetée.
Article 2 : Le syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne versera à Me Roger la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Roger et au syndicat intercommunal de la Vallée de la Semoigne.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : N. A...Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 21NC03054 2