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28/01/2025 | FRANCE | N°22NC01494

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 22NC01494


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision en date du 6 mars 2020 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a rejeté sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires effectuées en 2015 à 2019 et à l'indemnisation du préjudice en ayant découlé, et, d'autre part, de condamner le Service départemental d'incendie et de secours de la Moselle

à lui verser la somme de 203 065 euros en paiement des heures supplémentaires pour lesq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision en date du 6 mars 2020 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle a rejeté sa demande tendant au paiement d'heures supplémentaires effectuées en 2015 à 2019 et à l'indemnisation du préjudice en ayant découlé, et, d'autre part, de condamner le Service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à lui verser la somme de 203 065 euros en paiement des heures supplémentaires pour lesquelles il était d'astreinte pour les années 2015 à 2019 ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du travail effectué en méconnaissance des règles applicables au temps de travail.

Par un jugement n° 2005206 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2022 et un mémoire enregistré le 26 septembre 2024, M. B..., représenté par Me Ponseele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision en date du 6 mars 2020 ;

3°) de condamner le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle à lui verser la somme de 203 065 euros en paiement des heures pour lesquelles il était d'astreinte en 2015 à 2019 ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du travail effectué en méconnaissance des règles applicables au temps de travail ;

4°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision CA/PRH/2017-102 relative à la mise en œuvre du temps de travail adoptée le 19 décembre 2017 par le conseil d'administration du SDIS de la Moselle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) aurait dû être préalablement consulté ;

- les décisions n°52/2007 du 13 décembre 2007, n° 82/2014 du 15 décembre 2014 et CA/PRH/2017-102 du 19 décembre 2017 méconnaissent, s'agissant des agents logés, le droit de l'Union européenne dans la mesure où les 21 astreintes annuelles qu'ils sont tenus d'effectuer doivent être qualifiées de temps de travail effectif au sens de l'article 2 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et partant, être rémunérées car excédant le seuil annuel de 2 256 heures qui aurait permis de respecter le plafond de 48 heures par semaine fixé par l'article 6 de cette même directive ;

- les heures qu'il a effectuées au-delà du seuil de 2 256 heures doivent être rémunérées en application de l'article 4 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) :

- il a effectué 8 semaines d'astreinte en 2015, 9 semaines en 2016 et 10 semaines de 2017 à 2019, chaque semaine d'astreinte comportant 46 heures supplémentaires, 63 heures supplémentaires de nuit à taux majoré et 24 heures supplémentaires le dimanche à taux majoré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2022, le président du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle, représenté par Me Keller, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le décret n° 90-850 du 25 septembre 1990 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ponseele, représentant M. B... ainsi que celles de Me Keller, représentant le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... est lieutenant sapeur-pompier professionnel et bénéficie d'un logement en caserne. Il exerce ses fonctions au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Moselle. Par un courrier en date du 30 décembre 2019, il a demandé au président du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle le paiement des heures pour lesquelles il était d'astreinte pour les années 2015 à 2019 ainsi que la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du travail effectué en méconnaissance des règles applicables au temps de travail. Cette demande préalable ayant été rejetée par une décision du 6 mars 2020, il a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours de Moselle au versement d'une somme de 203 065 euros en paiement des heures supplémentaires pour lesquelles il était d'astreinte pour les années 2015 à 2019 ainsi que de la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du travail effectué en méconnaissance des règles applicables au temps de travail. Il relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. S'il reprend, devant la cour, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision ayant rejeté sa réclamation indemnitaire préalable, il ne relève pas de l'office du juge de plein contentieux indemnitaire de connaître de telles conclusions, cette décision ayant eu pour seul effet de lier le contentieux.

Sur la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle :

En ce qui concerne la régularité de la décision CA/PRH/2017-102 relative à la mise en œuvre du temps de travail adoptée le 19 décembre 2017 par le conseil d'administration du SDIS de la Moselle :

2. Aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des services (...) ". Aux termes de l'article 36 du décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Le comité technique est consulté pour avis sur les sujets d'ordre général intéressant l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail. / Le comité technique bénéficie du concours du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans les matières relevant de sa compétence et peut le saisir de toute question (...) ". Aux termes de l'article 38 de ce même décret : " Conformément à l'article 33-1 de la loi du 26 janvier 1984, et sous réserve des compétences des comités techniques mentionnés à l'article 36 du présent décret, le comité a pour mission : / 1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des agents et du personnel mis à la disposition de l'autorité territoriale et placé sous sa responsabilité par une entreprise (...) ". Enfin, l'article 45 du même décret prévoit que : " Le comité est consulté : / 1° Sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une question ou un projet de dispositions ne doit être soumis à la consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que si le comité technique ne doit pas lui-même être consulté sur la question ou le projet de disposition en cause. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne doit ainsi être saisi que d'une question ou projet de disposition concernant exclusivement la santé, la sécurité ou les conditions de travail. En revanche, lorsqu'une question ou un projet de disposition concerne ces matières et l'une des matières énumérées à l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, seul le comité technique doit être obligatoirement consulté. Ce comité peut, le cas échéant, saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de toute question qu'il juge utile de lui soumettre. En outre, l'administration a toujours la faculté de consulter le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

4. La décision CA/PRH/2017-102 portait au sens des dispositions de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 précité sur l'organisation et le fonctionnement des services mais non exclusivement sur la santé, la sécurité et les conditions de travail. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle n'était pas tenu de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement au vote de la délibération du 19 décembre 2017 par laquelle son conseil d'administration a adopté la décision litigieuse. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que cette décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant du dépassement du plafond horaire annuel :

5. Aux termes de l'article 1er de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail : " 1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail. / 2. La présente directive s'applique : a) (...) à la durée maximale hebdomadaire de travail (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : 1. "temps de travail" : toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales ; (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette même directive : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, (...) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. ". Aux termes de l'article 16 de cette même directive : " Les États membres peuvent prévoir : (...) b) pour l'application de l'article 6, une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / Les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le calcul de la moyenne ; (...) ". Aux termes du paragraphe 3 de l'article 17 de cette même directive : " Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (...) c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : (...) iii) (...) des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile ; ". Aux termes de l'article 19 de cette même directive : " La faculté de déroger à l'article 16, point b), prévue à l'article 17, paragraphe 3, et à l'article 18 ne peut avoir pour effet l'établissement d'une période de référence dépassant six mois. / (...) ".

6. Aux termes du premier alinéa de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001, pris pour l'application de cet article et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000, relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 du même décret : " L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / (...) ".

7. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 31 décembre 2001, relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels : " La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels (...) comprend : 1. Le temps passé en intervention ; 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manœuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation (...), et les services de sécurité ou de représentation ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale ". Aux termes de l'article 3 du décret du 18 décembre 2013, relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, modifiant le décret du 31 décembre 2001: " Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois. Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er n'excède pas huit heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à accomplir les interventions ".

8. Le congé annuel des sapeurs-pompiers professionnels étant de cinq semaines par an, il résulte notamment des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, fixées par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que le nombre maximal d'heures de travail pour chaque période de six mois, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 1 128 heures par semestre, soit 2 256 heures par an. Si cette directive, qui n'a pas vocation à s'appliquer aux questions de rémunération, ne fait pas obstacle, pour la rémunération des gardes de 24 heures effectuées par les sapeurs-pompiers professionnels, à l'instauration d'équivalences en matière de durée du travail, afin de tenir compte des périodes d'inaction que comportent ces périodes de garde, l'application d'un tel dispositif ne saurait conduire, en revanche, à une inobservation des seuils et plafonds prescrits par la directive pour 1'appréciation desquels les périodes de travail doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération.

S'agissant de la détermination du dépassement de la limite d'un temps de travail annuel de 2 256 heures :

9. Il résulte de la délibération du service départemental d'incendie et de secours de la Moselle 82/2014 du 15 décembre 2014 que les sapeurs-pompiers professionnels logés devaient au titre des années 2015 à 2017 en litige effectuer annuellement en plus de leurs gardes, 21 astreintes à domicile d'une durée de 24 heures, astreintes dites " astreintes logement ". La note de service du 22 décembre 2014 et le compte-rendu de la réunion du 25 février 2015 précisent que ces astreintes s'effectuent à domicile avec départ immédiat après l'alerte et que les personnels d'astreinte ont un délai de réponse de 5 minutes. Il résulte de ce qui précède que les astreintes en litige doivent être regardées comme constituant en totalité du temps de travail, et qu'il y a lieu de les prendre en compte comme telles pour apprécier le respect de l'objectif de l'article 6 de la directive du 4 novembre 2003.

10. Il est constant que M. B... a effectué, au titre des années en litige, des gardes de commandement pour un volume de 1 309 heures en 2015, 1 477 heures en 2016 et 1 645 heures en 2017, 2018 et 2019. Il est également constant qu'il a effectué au cours des mêmes années, des astreintes opérationnelles de 24 heures pendant 7 jours consécutifs, à hauteur de 8 semaines en 2015, correspondant à 1 309 heures de travail, de 9 semaines en 2016, correspondant à 1 477 heures de travail et 10 semaines lors des années 2017 à 2019 correspondant à 1 645 heures de travail. Le temps de travail annuel de M. B... s'établit dès lors à 2 618 heures en 2015, 2 954 heures en 2016 et 3 290 heures en 2017, 2018 et 2019, soit un total de 4 152 heures en dépassement du plafond de 2 256 heures imposé par le droit de l'Union européenne

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir qu'au cours des années 2015 à 2019 il a effectué 4 152 heures de travail en sus du plafond annuel de 2 256 heures résultant de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 et à demander l'indemnisation du préjudice qui en résulte.

S'agissant du montant de l'indemnisation :

12. En premier lieu, le dépassement des limites maximales horaires fixées par la directive précitée ne peut ouvrir droit par lui-même qu'à l'indemnisation des préjudices résultant de l'atteinte à la santé et à la sécurité ainsi que des troubles subis dans les conditions d'existence. Dès lors que le dépassement des limites maximales horaires fixées par la directive du 4 novembre 2003 ne saurait ouvrir droit, par lui-même, à l'indemnisation d'un préjudice patrimonial compensant l'absence de rémunération des heures effectuées au-delà de ces limites, les conclusions de M. B... tendant au versement d'une indemnité représentative des indemnités horaires pour travaux supplémentaires effectuées entre 2015 et 2019, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

13. En second lieu, le dépassement de la durée maximale de travail est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des intéressés en ce qu'il les prive du repos auquel ils ont droit et peut leur causer, de ce seul fait, un préjudice, indépendamment de leurs conditions de rémunération ou d'hébergement. Il y a lieu d'évaluer ce préjudice en fonction des circonstances de l'espèce, notamment, de la réalité, de la répétition et de l'amplitude des dépassements effectués, dès lors que l'atteinte portée à la sécurité et à la santé du travailleur est susceptible de s'accroitre de manière par l'effet d'accumulation de la fatigue qui en découle. M. B... fait valoir que du fait du dépassement de la durée maximale annuelle de travail autorisée, il a subi un surcroît de fatigue, ainsi qu'une diminution de son temps de récupération entre deux périodes de garde et de son temps disponible pour ses activités extraprofessionnelles. Eu égard aux dépassements mentionnés aux points 10 et 11 concernant les années 2015 à 2019, il sera fait une juste appréciation des troubles subis par M. B... dans ses conditions d'existence du fait de ces dépassements, et notamment de l'atteinte portée à sa santé et à sa vie privée et familiale, en condamnant le service départemental d'incendie et de secours à lui verser, en réparation, la somme de 10 000 euros qu'il réclame à ce titre.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du défendeur le versement au requérant d'une somme de 500 euros en application à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2005206 du 31 mars 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle est condamné à verser à M. B... la somme de 10 000 euros.

Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle versera à M. B... une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L.761 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le service départemental d'incendie et de secours de la Moselle en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de la Moselle

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. C...

Le président,

Signé : A. Durup de Baleine Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 22NC01494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01494
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Axel BARLERIN
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : M & R AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;22nc01494 ?
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