Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2200757 du 4 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Dravigny, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros HT au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la situation de l'emploi ne lui est pas opposable et qu'une autorisation de travail lui a été accordée ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est parfaitement intégrée et a noué des liens forts en France ;
- le tribunal a omis de statuer sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi.
Par un mémoire enregistré le 21 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante libanaise née en 1995, est entrée en France le 27 août 2018 sous couvert d'un visa de type D " étudiant " valable jusqu'au 27 août 2019. Elle a obtenu une carte de séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 28 août 2020, puis une carte de séjour portant la mention " recherche d'emploi " valable un an jusqu'au 23 octobre 2021. Le 22 novembre 2021, Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et un changement de statut en qualité de " travailleur temporaire " en se prévalant d'un contrat de travail à durée déterminée conclu avec l'Université de Franche-Comté. Par un arrêté du 5 avril 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 4 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme C... avait demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Le tribunal a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 4 août 2022 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions.
3. En conséquence, il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer sur les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et à la décision fixant le pays de destination par voie d'évocation, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.
Sur la décision portant refus de séjour :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " est délivrée en application du 1° de l'article L. 422-10, son titulaire est autorisé, pendant la durée de validité de cette carte, à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation (...), assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné / A l'issue de cette période d'un an, l'intéressé pourvu d'un emploi ou d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées au 1° de l'article L. 422-10 se voit délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " prévue aux articles L. 421-1 ou L. 421-3 (...), sans que lui soit opposable la situation de l'emploi ". L'article L. 422-9 de ce code dispose que " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1 la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " n'est pas renouvelable (...) ". Aux termes de l'article L. 422-10 du même code : " L'étranger (...) qui justifie (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master (...), se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : / 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur / (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'un étranger, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", qui sollicite, à l'issue de la durée de validité de cette carte de séjour, non renouvelable, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " se voit délivrer cette carte de séjour en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 422-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'il justifie être pourvu à la date d'expiration de son titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'un emploi ou d'une promesse d'embauche en relation avec sa formation régulièrement suivie en France en qualité d'étudiant.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a signé un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'agent contractuel avec l'Université de Franche-Comté. Ce contrat de travail, conclu pour la période courant du 18 octobre 2021 au 18 janvier 2022 a été renouvelé pour la période du 19 janvier au 18 avril 2022. Par une décision du 7 décembre 2021, la direction régionale de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités de Bourgogne-Franche-Comté a délivré à Mme C... une autorisation de travail au titre du contrat conclu à compter du 18 octobre 2021. En revanche, aucune autorisation n'a été délivrée lors du renouvellement du contrat le 18 janvier 2022 en raison de l'absence de justificatif de dépôt de l'offre d'emploi auprès du service public de l'emploi. En conséquence, en refusant de délivrer un titre de séjour en qualité de "travailleur temporaire " à Mme C... au motif que l'intéressée ne justifiait pas d'une autorisation de travail, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
9. Mme C... est entrée en France en 2018 à l'âge de vingt-trois ans. Elle est célibataire et sans charge de famille. Si elle se prévaut de liens fort et d'une parfaite intégration, elle n'apporte pas d'éléments suffisants permettant d'établir l'ancienneté et l'intensité des liens personnels et familiaux qu'elle aurait développés en France d'une part, ni être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine d'autre part. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Doubs aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Le préfet du Doubs n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les décisions obligeant Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi devraient être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux développés au point 10.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour. La demande de Mme C... portant sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ne peut être accueillie.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme C....
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ces titres.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 4 août 2022 est annulé en tant qu'il ne statue par sur les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination du 5 avril 2022 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Dravigny et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : N. B...Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC01315