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28/01/2025 | FRANCE | N°23NC01534

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 23NC01534


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2201235 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 16 mai 2023 et des pièces enregistrées le 18 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Dravigny, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201235 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023 et des pièces enregistrées le 18 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Dravigny, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 HT euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les observations contenues dans le rapport de la police aux frontières ne permettent pas de renverser la présomption d'authenticité des documents d'état civil ;

- la lettre de dénonciation de son employeur ne suffit pas à démontrer qu'il ne suivait pas sa formation de manière réelle et sérieuse dès lors que le licenciement dont il a fait l'objet est contesté devant le conseil des prud'hommes ;

- le préfet n'a pas précédé à un examen global de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 16 juin 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 17 mars 2016 portant création de la spécialité " cuisine " du certificat d'aptitude professionnelle et fixant ses modalités de délivrance ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien déclare être né le 22 juillet 2003 et entré en France le 1er octobre 2019. Placé à l'aide sociale à l'enfance du département du Doubs le 16 octobre 2019, il a sollicité, le 6 juin 2021, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir ce placement et en produisant notamment une inscription au certificat d'aptitude professionnelle " cuisine ". Par un arrêté du 7 juin 2022, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 11 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. D'une part, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour délivré à titre exceptionnel portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale notamment au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur les motifs de refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Les dispositions précitées de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Il lui appartient, en particulier, à cet égard, d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Pour refuser à M. C... le bénéfice de l'admission au séjour prévue par les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs a retenu que l'intéressé n'en remplit pas les conditions dès lors que, s'il allègue avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, un rapport de la police aux frontières précise que les documents d'identité de M. C... présentant toutes les caractéristiques de faux en écriture publiques, d'une part, et que le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation qualifiante n'est pas établi, d'autre part.

7. A cet égard, M C... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour la photocopie d'un acte de naissance ainsi qu'une carte d'identité consulaire délivrée par l'ambassade du Mali en France et établie sur le fondement de cet acte de naissance. Après avoir constaté qu'un examen technique ne pouvait être réalisé sur ce support, les services de la fraude documentaire de la police aux frontières de Pontarlier ont toutefois relevé que ce document présentait " toutes les caractéristiques de faux au regard de l'article 441-4 du code pénal " en se fondant, en particulier, sur le fait qu'il s'agissait d'une simple photocopie d'un document original, sur l'absence de production du jugement supplétif intégral à l'appui duquel l'acte de naissance a été établi, sur l'absence de mentions obligatoires sur l'acte de naissance comme le numéro fiduciaire et sur la présence d'une faute d'orthographe dans l'un des bandeaux verticaux du document. Contrairement à ce que soutient le requérant, le rapport mentionne expressément qu'aux termes de l'article 50 du code civil malien : " Lorsqu'un événement devant être déclaré à l'état civil ne l'a pas été dans le délai déterminé par la loi ou lorsque l'acte n'a pas été retrouvé, il y est suppléé par un jugement supplétif. ", et en dépit de cette mention, l'intéressé ne présente aucun jugement supplétif à l'appui de l'acte de naissance. En conséquence, l'ensemble de ces indices permettent de constater une contrefaçon et le préfet du Doubs a pu légalement estimer que les informations dont il disposait étaient suffisamment précises pour considérer que le document produit était dépourvu de valeur probante. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet du Doubs a pu, sans commettre d'erreur de fait ni entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, estimer que M. C... ne justifiait pas de son identité et ne relevait pas des dispositions de l'article L. 435-3 précité.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 337-1 du code de l'éducation : " Le certificat d'aptitude professionnelle est un diplôme national qui atteste d'un premier niveau de qualification professionnelle. (...) ". Aux termes de l'article D. 337-4 du même code : " Une période de formation en milieu professionnel est organisée par l'établissement de formation. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 17 mars 2016 portant création de la spécialité " cuisine " du certificat d'aptitude professionnelle et fixant ses modalités de délivrance : " La préparation à cette spécialité du certificat d'aptitude professionnelle comporte une période de formation en milieu professionnel de quatorze semaines définie en annexe II au présent arrêté. ". Aux termes de l'annexe II du même arrêté : " La formation [des candidats relevant de la voie de l'apprentissage] fait l'objet d'un contrat conclu entre l'apprenti ou son responsable légal et son employeur conformément aux dispositions du code du travail. La période de formation en entreprise auprès du maître d'apprentissage et les activités effectuées respectent les objectifs définis ci-dessus. (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., inscrit en CAP cuisine pour les années 2020-2021 et 2021-2022 auprès du centre de formation d'apprentis (CFA) du Pays de Montbéliard, était, dans le cadre de sa formation, embauché en qualité d'apprenti par un restaurant à Montbéliard. Alors même que M. C... fait état d'appréciations très positives de la part des professeurs du CFA, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une attestation de son ancien employeur par ailleurs responsable de la formation en milieu professionnel du requérant en sa qualité de maître d'apprentissage, que son contrat d'apprentissage a été rompu à l'initiative de son employeur qui lui reprochait, notamment, des retards réguliers non justifiés, une absence injustifiée ainsi qu'un manque d'initiative et de motivation. Si M. C... soutient que ce licenciement fait l'objet d'une contestation devant le conseil des prud'hommes, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, le préfet du Doubs n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant que le manque de sérieux du suivi de la formation de M. C... ressortait de son comportement lors de sa formation en milieu professionnel.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen global de la situation de M. C..., et n'aurait notamment pas examiné l'avis de la structure d'accueil, au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Dravigny et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : N. B...Le président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC01534


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01534
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23nc01534 ?
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