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28/01/2025 | FRANCE | N°23NC01536

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 23NC01536


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2201265 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



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1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2201265 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mai 2023, M. B..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " avec autorisation de travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et immédiatement, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, dans les mêmes conditions, de réexaminer sa situation et de lui délivrer immédiatement, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- le préfet ne pouvait lui opposer la vérification de ses titres d'identité dès lors qu'il s'agissait d'une demande de renouvellement ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle est fondée sur l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions qui ne s'appliquent pas à une demande de renouvellement ;

- le préfet ne pouvait remettre en cause les actes d'état civil alors qu'il lui avait déjà délivré un titre de séjour sur la base des mêmes actes ; il n'a pas tenu compte de la carte consulaire et du passeport délivré par l'ambassade de la république de Côte d'Ivoire en France ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur de droit et méconnait les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est estimé en compétence liée ;

- la mesure d'éloignement a des conséquences excessives sur sa situation personnelle.

Par un mémoire enregistré le 6 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord de coopération en matière de justice conclu entre la République française et la République de Côte-d'Ivoire le 24 avril 1961 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- et les observations de Me Jeannot pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., se déclarant ressortissant ivoirien né en 2001, est entré irrégulièrement en France le 30 septembre 2017 en se prévalant de sa qualité de mineur isolé. Placé à l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle, il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle en boulangerie. Il s'est vu remettre un titre de séjour " travailleur temporaire " valable du 17 janvier 2020 au 18 septembre 2020 portant les mentions " X se disant ". M. B... a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour le 2 décembre 2020. Par un arrêté du 29 mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en désignant le pays dont il a la nationalité comme pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 7 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. Les dispositions précitées de l'article 47 du code civil posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Il lui appartient, en particulier, à cet égard, d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

4. Pour refuser à M. B... le bénéfice de l'admission au séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur le fait que l'intéressé ne remplit pas les conditions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les documents justifiant de son état civil ne permettaient pas de justifier de son identité et de sa nationalité. Contrairement à ce que soutient M. B..., les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, ainsi qu'il résulte de leurs termes mêmes, applicables en cas de demande de renouvellement de titre de séjour. Ensuite, à l'appui de sa première demande de titre de séjour, M. B... a produit un extrait du registre des actes d'état civil de la République de Côte d'Ivoire, une photocopie d'un certificat de nationalité ivoirienne ainsi qu'une autorisation parentale. Dans un rapport du 25 juillet 2018, la police aux frontières a conclu au caractère frauduleux de ces justificatifs en constatant notamment que l'extrait d'acte de naissance produit par M. B... est établi sur un support non sécurisé avec une impression qui n'est pas conforme à un document authentique et un fond d'impression qui comporte des anomalies, que le certificat de nationalité comporte une imitation du numéro de série, un cachet humide et une police de caractère non conformes. Un rapport de la police aux frontières du 14 décembre 2020 constate ensuite le caractère authentique du passeport de M. B.... Toutefois, et alors même que les autorités ivoiriennes ont attesté du caractère authentique de ce passeport, le requérant a admis, lors de son audition par la police aux frontières le 24 août 2020, avoir utilisé les documents dont l'authenticité a été remise en cause pour obtenir ce passeport d'une part, et avoir versé une somme d'argent pour obtenir ces documents d'autre part. En conséquence, si le passeport délivré par les autorités ivoiriennes permet d'établir la nationalité de M. B..., il ne suffit pas à établir son état civil. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu, sans commettre d'erreur de fait ni entacher sa décision d'erreur d'appréciation, estimer que M. B... ne justifiait pas de son identité et ne remplissait pas les conditions de l'article R. 431-10 précité.

5. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision contestée, qu'elle serait fondée sur les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1... ".

7. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis 2017, de ses efforts d'insertion, de son expérience professionnelle et de ses perspectives de travail dans le domaine de la boulangerie. Toutefois, en dépit de ses efforts d'intégration, M. B... ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation d'une part, et les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit doivent être écartés, d'autre part.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. M. B... est entré en France en 2017 dans des conditions irrégulières. Il est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de ses efforts d'intégration, il n'apporte pas d'éléments suffisants permettant d'établir l'ancienneté et l'intensité de liens personnels et familiaux qu'il aurait développés en France, d'une part, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie, d'autre part. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il ne ressort pas des termes de la décision litigieuse que le préfet se serait estimé tenu de prendre une telle mesure d'éloignement.

11. Enfin, et pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9, le moyen tiré de ce que cette décision emporte des conséquences manifestement excessives sur sa situation personnelle doit également être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Jeannot.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : N. A...Le président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC01536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01536
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23nc01536 ?
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