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28/01/2025 | FRANCE | N°23NC01812

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 28 janvier 2025, 23NC01812


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300329 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, M. C..., représenté par Me Issa, demande à la cour :



1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300329 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, M. C..., représenté par Me Issa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou à tout le moins de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de ce réexamen, de le mettre immédiatement en possession d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- la décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait la jurisprudence relative à l'appréciation du caractère réel et sérieux des études ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée et doit faire l'objet d'une motivation spécifique ;

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour.

Par un mémoire enregistré le 18 juillet 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité marocaine, est entré en France en 2018 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il a été mis en possession d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 5 novembre 2019 au 4 novembre 2021. Le 3 novembre 2021 il en a demandé le renouvellement. Faute d'avoir produit les justificatifs demandés par les services de la préfecture dans le délai imparti, l'instruction de sa demande a été clôturée et par un arrêté du 23 décembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

2. L'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, s'il est loisible au préfet, saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait, il n'y est pas tenu. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de la décision en litige, ni des pièces du dossier que cette décision aurait été prise sans examen de la situation personnelle de l'intéressé, telle qu'elle a été portée à la connaissance du préfet.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. ". Ces dispositions permettent à l'administration d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies. Ensuite, aux termes de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le demandeur d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " doit produire au préfet un " justificatif de moyens d'existence suffisants (sauf pour les titulaires du visa de court séjour " étudiant concours "). Si l'étranger est " boursier du gouvernement français ou bénéficiaire de programmes européens ", il doit fournir : " un justificatif de cette situation " et s'il est boursier dans son pays d'origine : " l'attestation de bourse de l'organisme payeur du pays d'origine précisant le montant et la durée de la bourse ". Si l'étrange travaille, il doit transmettre ses trois dernières fiches de paie. S'il est pris en charge par un tiers, il doit produire le " justificatif d'identité du tiers ; les attestations bancaires de la programmation de virements réguliers ou une attestation sur l'honneur de versement des sommes permettant d'atteindre le montant requis (615 € mensuels). Enfin, si l'étranger dispose de ressources suffisantes, il transmet : " l'attestation bancaire de solde créditeur suffisant ".

6. Pour refuser de faire droit à la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. C..., le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur deux motifs tirés de ce qu'il n'attestait pas du caractère réel et sérieux de ses études, d'une part, et du caractère insuffisant de ses ressources, d'autre part.

7. M. C... est entré en France en 2018 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant ". Il n'a suivi aucune formation universitaire pendant l'année 2021-2022. Il a ensuite produit un certificat de scolarité pour l'année 2022-2023 mais il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas effectué de stage lui permettant de valider sa formation en master 2. Si M. C... se prévaut désormais d'une convention de stage conclue le 15 décembre 2022 entre l'Université de Lorraine et le centre national de la recherche scientifique portant sur un stage d'une durée de cinq mois et quatorze jours, relatif à une étude de nanocomposites contenant des nanofils pour applications thermoélectriques, cette convention produite lors de la procédure de première instance, n'a pas été fournie lors de l'instruction de sa demande par le préfet. Par ailleurs, M. C... produit une attestation sur l'honneur du 28 janvier 2023 rédigée par un tiers, les bulletins de salaires de ce dernier et son avis d'imposition ainsi que les gratifications de stage qu'il a perçues entre avril et juillet 2023. Toutefois, outre que l'attestation n'est corroborée d'aucun justificatif de versement au bénéfice de M. C..., ces pièces sont toutes postérieures à la décision en litige. Dans ces conditions, M. C... n'a pas établi le caractère réel et sérieux de ses études en France ni le fait qu'il disposait de moyens d'existence suffisants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de la situation de M. C... doit également être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

9. Si M. C... soutient qu'il est entré en France depuis 2018, y a poursuivi ses études et est parfaitement inséré dans la société française, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait, en France, des liens personnels d'une intensité ou ancienneté particulières de nature à faire regarder la décision de refus de titre de séjour en litige comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ".

11. Il résulte des dispositions précitées que dès lors qu'elle a été prise concomitamment à la décision de refus de titre de séjour qui énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée, la décision par laquelle le préfet a obligé M. C... à quitter le territoire français, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte.

12. En deuxième lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence d'une telle illégalité.

13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

16. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. C....

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ces titres.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Issa.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : N. A...Le président,

Signé : M. D...

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC01812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01812
Date de la décision : 28/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : ISSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-28;23nc01812 ?
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