Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2300040 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2023, Mme A... B..., représentée par Jeannot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 30 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans ou, à tout le moins, d'un an, dans le mois de la notification du jugement et, sans délai, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation, dans le même délai d'un mois, en lui délivrant sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 30 septembre 2022 est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le a) de l'article 7 de l'accord du 27 décembre 1968 n'est pas applicable à sa situation et qu'en en faisant néanmoins application, il en a méconnu le champ d'application, alors qu'elle n'a jamais travaillé en France en qualité de salariée ;
- elle est en droit de prétendre à un certificat de résidence de dix ans en application des articles 5 et 7 bis de l'accord du 27 décembre 1968 ;
- en lui opposant un niveau de ressources inférieur au salaire minimum de croissance, le préfet a commis une erreur de droit et a rajouté une condition illégale ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le 5 de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968 ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont illégales en conséquence et méconnaissent l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 ;
- le préfet n'était pas tenu de lui faire obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me Jeannot, avocate de Mme B....
Une note en délibéré, enregistré le 7 janvier 2025, a été présentée par Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante algérienne née en 1981, est arrivée sur le territoire français le 8 octobre 2018, munie d'un passeport algérien en cours de validité revêtu d'un visa de long séjour, en vue d'entreprendre des études. Un certificat de résidence d'une durée d'un an portant la mention " étudiant ", lui a été délivré, valable du 9 octobre 2018 au 8 octobre 2019. Elle a, le 1er octobre 2019, demandé la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " artisan ". Des récépissés de cette demande, valant autorisations provisoires de séjour, lui ont été délivrés, valables du 1er octobre 2019 au 31 décembre 2019 et du 20 décembre 2019 au 19 Mars 2020. Un certificat de résidence portant la mention " artisan " d'une durée d'un an, valable du 11 février 2020 au 10 février 2021 lui a été délivré et a été renouvelé pour la période du 30 novembre 2021 au 29 novembre 2022. Le 3 septembre 2022, elle en a demandé le renouvellement, en sollicitant la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'auto-entrepreneur ou de profession libérale ainsi que celle d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans. Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé ce renouvellement et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle fixe le pays à destination duquel Mme B... pourra être reconduite d'office à l'issue de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 30 septembre 2022
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ".
3. Aux termes des stipulations de l'article 7 de cet accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord / a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " ; / (...) c) / Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ; / (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 7 bis du même accord : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées. "
4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., qui n'a pas demandé la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " visiteur ", aurait pris l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation. Sa situation ne relevant ainsi pas, comme elle le fait valoir, des prévisions du a) de l'article 7 de l'accord du 27 décembre 1968, c'est, ainsi que l'ont à bon droit relevé les premiers juges et que le préfet de Meurthe-et-Moselle ne le conteste pas en appel, à tort que, pour refuser de renouveler le certificat de résidence d'une durée d'un an dont Mme B... était titulaire, ce préfet a, notamment, estimé que sa situation relève de ces prévisions.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... exerce, en qualité d'auto-entrepreneuse et depuis le 17 mai 2021, une activité d'accueil de jeunes enfants. C'est l'activité dont elle a fait état dans sa demande de renouvellement de titre de séjour. Cette activité n'étant pas soumise à autorisation et Mme B... ne soutenant pas être titulaire de l'agrément nécessaire pour exercer la profession, salariée, d'assistant maternel ou d'assistant familial prévu par l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, sa situation ne relève pas du cas prévu au c) de l'article 7 de l'accord du 27 décembre 1968.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que Mme B... n'est pas en droit de prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence en application des stipulations du a) ou du c) de l'article 7 de l'accord du 27 décembre 1968.
7. En troisième lieu, il résulte des stipulations de l'article 7 bis de l'accord du 27 décembre 1968 que, pour se prononcer sur une demande tendant à la délivrance, qui n'est pas de plein droit, du certificat de résidence d'une durée de dix ans qu'il prévoit, le préfet statue en tenant compte des moyens d'existence dont peut faire état le demandeur, parmi lesquels les conditions de son activité professionnelle, comme, le cas échéant, des justifications qu'il peut invoquer à l'appui de sa demande. Pour se prononcer sur une telle demande, le préfet peut légalement apprécier ces moyens d'existence sur la période de trois années mentionnée au premier alinéa de cet article.
8. Il ressort des pièces du dossier que, même à admettre qu'elle est une ressortissante algérienne visée à l'article 7 de l'accord du 27 décembre 1968, Mme B... ne justifie pas d'un logement en France qui lui serait propre mais est hébergée à titre gratuit à Nancy depuis le 10 octobre 2020 par un membre de sa famille établi en France. Au titre de l'année 2019, elle n'a déclaré aucun revenu et n'était pas imposable à l'impôt sur le revenu. Au titre de l'année 2020, son revenu imposable était de 1 552 euros et elle n'était pas imposable à cet impôt. Au titre de l'année 2021, son revenu imposable était de 9 318 euros et elle n'était pas imposable à cet impôt. Au titre des trois premiers trimestres de l'année 2022, le chiffre d'affaires de son activité professionnelle s'est élevé à 13 634 euros et, compte tenu des contributions et cotisations assises sur ce chiffre, à 11 184 euros, soit 4 654 euros pour le premier trimestre, 3 899 euros pour le deuxième et 2 631 euros pour le troisième. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des moyens d'existence dont fait état Mme B..., le préfet de Meurthe-et-Moselle ne s'est pas livré à une inexacte application des trois premiers alinéas de l'article 7 bis de l'accord du 27 décembre 1968 en estimant qu'il n'y avait pas lieu de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans. En outre, la situation de Mme B... ne relève pas des cas prévus aux a), b), c) et g) de cet article. Il en résulte qu'elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit de prétendre à un tel titre de séjour.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / ".
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Le séjour de Mme B... en France, remontant au 8 octobre 2018, n'est pas ancien, alors qu'elle est née en 1981 et est arrivée sur le territoire français à l'âge de 37 ans. Célibataire, elle n'a personne à sa charge en France. Les certificats de résidence dont elle a été titulaire portait les mentions " étudiant ", " artisan " ou " commerçant " et ne lui avaient pas été délivrés en considération de la vie privée et familiale. Si elle se prévaut de l'établissement en France de deux frères et de deux sœurs, dont un frère et une sœur de nationalité français, sa vie privée et familiale est toutefois distincte de celles des membres de sa famille établis en France. Elle n'est pas sans attaches personnelles en Algérie, où elle a vécu pendant trente-sept ans et où résident ses parents. Elle ne justifie pas en quoi elle ne pourrait poursuivre sa vie privée et familiale dans le pays dont elle est la ressortissante. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances caractérisant sa situation personnelle, ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Dès lors, en ne lui délivrant pas un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", que Mme B... n'avait d'ailleurs pas sollicité, et en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou le 5) de l'article 6 de l'accord du 27 décembre 1968.
12. En cinquième lieu et compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision refusant de délivrer un certificat de résidence à Mme B..., elle n'est pas fondée à soutenir que celle portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de refus.
13. Du fait du refus de renouveler le titre de séjour dont elle était titulaire, Mme B... se trouve dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que " A l'expiration de la durée de validité de son document de séjour, l'étranger doit quitter la France, à moins qu'il n'en obtienne le renouvellement ou qu'il ne lui en soit délivré un autre. / En cas de refus de délivrance ou de renouvellement de tout titre de séjour ou autorisation provisoire de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire. / (...). ". Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a examiné la situation particulière de Mme B..., aurait estimé qu'il était tenu d'assortir d'une décision portant obligation de quitter le territoire français celle refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'usage de la faculté pour le préfet de ne pas prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français à l'égard d'une ressortissante étrangère tenue de quitter ce territoire du seul fait du refus de de lui délivrer un titre de séjour, comme en conséquence tiré d'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, en tout état de cause, de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doit être écarté, cette décision portant obligation de quitter le territoire français étant régulièrement motivée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 613-1 de ce code.
14. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme B....
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction qu'elle présente ne peuvent, par suite, être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Brigitte Jeannot.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. C...L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02997