Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer, chacun en ce qui les concerne, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis, en droits et pénalités, au titre des années 2013 et 2014.
La société de fait " C... B... et A... " a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement no 2001103, 2001104, 2001105 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2022, MM. C... et la société de fait " C... B... et A... ", représentés par Me Bos, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions mises à leur charge, en droits et pénalités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration a estimé qu'ils étaient associés d'une société créée de fait ;
- c'est à tort que l'administration leur a fait application des pénalités prévues à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
- dans l'hypothèse où l'existence d'une société de fait serait écartée, il est demandé, d'une part, que les bénéfices industriels et commerciaux initialement imposés entre les mains de M. B... C... au titre des années 2013 et 2014 et de M. A... C... au titre de l'année 2014 sur le fondement de la quote-part du bénéfice réalisé par la société de fait soient imposés en tant que bénéfices individuels directement perçus par chacun d'entre eux et, d'autre part, qu'une compensation soit opérée, s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. A... C... au titre de l'année 2013, pour tenir compte de l'insuffisante déclaration des bénéfices réalisés ;
- dans l'hypothèse où l'existence d'une société de fait serait écartée, il y aurait lieu de réduire les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. B... C... de 39 % pour l'année 2013 et de 34 % pour l'année 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,
- les observations de Me Bos, avocat de MM. C... et de la société de fait " C... B... et A... ".
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... est immatriculé, à titre individuel, depuis le 1er janvier 1981, pour diverses activités commerciales et artisanales, en dernier lieu de vente de matelas et de literie au détail. Son fils, M. A... C..., est également immatriculé, à titre individuel, depuis le 18 juillet 2007, pour diverses activités commerciales et artisanales, dont celle de vente de matelas et de literie au détail. Ils ont chacun déclaré relever du régime de la franchise en base " taxe sur la valeur ajoutée " prévu par les dispositions de l'article 293 B du code général des impôts et du régime des micro-entreprises au titre des bénéfices industriels et commerciaux prévu par les dispositions du 1 de l'article 50-0 du même code. Après avoir été informée d'une enquête diligentée par la gendarmerie nationale pour travail dissimulé, blanchiment de travail dissimulé et fraude fiscale, l'administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité, au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, de l'activité de MM. C.... Par une proposition de rectification du 7 juin 2016, l'administration fiscale a estimé que MM. C... avaient entendu constituer entre eux une société de fait afin d'exercer une activité de négoce de matelas et éléments de literie. En conséquence, et après les avoir mis en demeure de déposer les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée et de résultats imposables, le service a, selon la procédure de taxation d'office prévue au 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, reconstitué les bénéfices imposables de cette société selon le régime simplifié d'imposition et, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, déterminé les droits de taxe sur la valeur ajoutée dus, selon le régime simplifié d'imposition. Par des propositions de rectification du 28 juin 2016, le service a informé les deux associés de la société de fait des conséquences en résultant pour eux en matière d'imposition de leurs bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2013 et 2014. En l'absence d'observation présentée par les intéressés, les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement le 15 septembre 2016, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu le 31 octobre 2016. Les réclamations préalables présentées par MM. C... et la société de fait ont fait l'objet de décisions de rejet le 18 juin 2020. MM. C... et la société de fait " C... B... et A... " relèvent appel du jugement 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur l'existence d'une société de fait :
2. L'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise soumise aux impôts commerciaux résulte tant des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes, que de la participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire, ainsi qu'aux bénéfices et aux pertes. Il incombe à l'administration de rapporter la preuve de l'existence d'une telle société de fait qui serait redevable à ce titre, à raison de ses opérations, de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts et dont les associés seraient imposables à l'impôt sur le revenu à raison de leur part dans les bénéfices sociaux en application de l'article 8 du même code.
3. Il résulte de l'instruction, en particulier des auditions de MM. C... lors de leurs gardes à vue du 2 avril 2015, que le père et le fils exercent une activité de vente de matelas et de literie aux particuliers pour laquelle ils ont tous deux déclaré travailler ensemble et disposer, pour ce faire, de deux surfaces de vente, l'une dans un magasin de la galerie commerciale Leclerc à Noidans-lès-Vesoul, qui leur serait mise à disposition à titre gratuit, l'autre dans un entrepôt à Lure, dont le fils précise qu'il appartient à la SCI MS dont ils sont tous deux les associés. Il ressort également de leurs déclarations dans le cadre de la procédure judiciaire qu'ils stockent l'intégralité de leur matériel dans le local situé à Lure, que le fils procède aux commandes de matelas et éléments de literie et qu'ils tiennent le magasin de Noidans-lès-Vesoul ensemble, indiquant l'un ou l'autre de leur numéro de téléphone quand ils sont absents et redirigeant les clients vers celui qui est alors le moins éloigné du local. M. A... C... indiquait dans son audition du 2 avril 2015 qu'ils étaient présents dans ce magasin de 10h à 12h et de 15h30 à 18h30, puis précisait, lors de ses entretiens avec le vérificateur, qu'il s'y trouvait les après-midis, vendant généralement sur les marchés les matins. L'administration fiscale souligne qu'ils n'ont pas de personnel salarié pour l'exploitation de cette activité et que la manutention des matelas et sommiers nécessite deux personnes. Il résulte également de l'instruction que MM. C... pouvaient procéder de manière indistincte à la facturation et à l'encaissement des commandes, des chèques en paiement de factures émises par B... étant encaissés par A... et réciproquement, que certaines factures comportaient leurs deux numéros de téléphone tandis qu'un carton de facturiers de A... a été retrouvé dans la maison de son père qui a indiqué se charger de ses factures. Il est également établi que des chèques remis par les clients, souvent sans ordre, servaient à payer leurs fournisseurs. L'administration établit ainsi que MM. C... participaient tous les deux effectivement à la gestion et à la direction de leur entreprise de vente de literie à des particuliers, qu'ils avaient d'ailleurs envisagé de prolonger en ouvrant ensemble un local de matelas à Saint-Dizier sur Chalaronne dans l'Ain.
4. Quant aux deux autres conditions, non contestées dans leurs écritures par les requérants, l'administration a retenu que les intéressés avaient mis en commun leur travail et leurs compétences techniques et qu'ils participaient aux résultats bénéficiaires dans des proportions globalement proportionnelles au cours des années vérifiées, soit autour de 60 à 65 % pour B... C... et 35 à 40 % pour A... C.... Par suite, elle doit être regardée comme ayant rapporté la preuve de l'existence d'une société de fait entre B... et A... C....
5. Si, afin de combattre ces éléments de preuve, les requérants soutiennent qu'ils pratiquaient la vente de literie au détail selon des stocks et des modes de distribution différents, ils ne produisent pas le moindre élément pour en justifier. L'absence de compte bancaire professionnel commun n'est pas de nature à écarter l'existence d'une gestion commune de l'activité pas plus que l'absence de convention écrite ne fait obstacle à une répartition commune des résultats. Enfin, si les requérants se prévalent du jugement du tribunal correctionnel de Vesoul du 23 juillet 2019 et de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 7 mai 2021 statuant sur les intérêts civils, qui ont considéré qu'il n'existait pas de société créée de fait entre eux, faute pour la condition tenant à l'affectio societatis d'être remplie, cette qualification, qui a notamment permis au juge judiciaire d'écarter toute fraude fiscale à raison d'une société de fait, ne lie ni l'administration ni le juge de l'impôt.
6. Il résulte de ce qui précède que l'administration a rapporté la preuve de l'existence d'une société de fait entre les requérants, la rendant redevable de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de ses opérations de livraison de biens meubles au cours de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et justifiant l'imposition des bénéfices de la société de fait entre leurs mains au titre de chacune des années 2013 et 2014. Par suite, le moyen tiré de l'inexistence d'une société de fait doit être écarté. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'examiner les demandes de substitution de base légale et de compensation sollicitées par le ministre en défense.
Sur les pénalités de 40 % :
7. Aux termes de l'article L. 80 D du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " (...) / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D précité, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations.
8. Il résulte de l'instruction, d'une part, que les propositions de rectification du 28 juin 2016, par lesquelles les pénalités de 40 % pour manquement délibéré ont été mises à la charge de MM. B... et A... C... en application de l'article 1729 du code général des impôts, ont été notifiées à chacun des contribuables plus de trente jours avant la mise en recouvrement de ces impositions, qui est intervenue le 31 octobre 2016. D'autre part, la proposition de rectification du 7 juin 2016, qui a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la pénalité de 40 % prévue à l'article 1728 b du code général des impôts, a également été notifiée à la société de fait " C... B... et A... " plus de trente jours avant l'avis de mise en recouvrement des impositions du 15 septembre 2016. Ces documents comportaient la motivation des pénalités que l'administration envisageait d'appliquer. Aucun des contribuables n'a présenté d'observations dans le délai de trente jours qui leur avait été laissé pour ce faire. Par suite, et sans qu'ils puissent utilement soutenir que l'administration aurait dû leur adresser un nouveau document pour confirmer les pénalités mises à leur charge, le moyen tiré de ce que les pénalités de 40 % seraient irrégulières au regard de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par MM. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. A... C..., à la société de fait " C... B... et A... " et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Rousselle, présidente,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier La présidente,
Signé : P. Rousselle
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 22NC02289