Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2304406 du 24 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, renvoyé à l'examen d'une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour et les conclusions accessoires à celles-ci, d'autre part, admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et, enfin, rejeté le surplus de sa demande.
Par un jugement n° 2304406 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2023 en tant qu'elle lui refusait la délivrance d'un titre de séjour et les conclusions accessoires.
Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023 sous le n° 2303282, Mme B..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans le même délai, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, contesté par voie d'exception : en effet, le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation quant à l'ancienneté de son séjour en France ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 novembre 2023.
II.) Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2023 sous le n° 2303281, Mme B..., représentée par Me Bohner, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans le même délai, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation quant à l'ancienneté de son séjour en France ;
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante turque née en 1984, est entrée sur le territoire français en mars 2014 selon ses déclarations pour rejoindre un compatriote résidant en France. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet a refusé de procéder à sa régularisation et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Accompagnée depuis le 8 novembre 2021 par le centre d'information sur les droits des femmes et des familles (C..., et à la suite des violences subies de la part de son ex-compagnon le 15 février 2022, elle a, de nouveau, sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 20 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2304406 du 24 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a notamment rejeté les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023 en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixait le pays de destination. Par un jugement n° 2304406 du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023 en tant qu'il refusait à l'intéressée la délivrance d'un titre de séjour. Par ses requêtes n° 23NC03282 et 23NC03281, qui concernent la situation d'une même ressortissante étrangère et qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, Mme B... relève appel de ces deux jugements en tant qu'ils ont rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
3. Il ressort de la décision en litige que, pour refuser de l'admettre au séjour à titre exceptionnel, le préfet a notamment tenu compte de ce qu'elle ne démontrait pas vivre en France depuis mars 2014, les documents fournis pour justifier de sa présence étant peu nombreux et peu probants particulièrement pour les années 2017, 2018 et 2020, de ce qu'elle tenait la durée de son séjour à sa volonté de s'y maintenir irrégulièrement à la suite d'une précédente mesure d'éloignement, de l'absence de résidence personnelle et stable, de ce qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales en Turquie, où résident son fils, sa sœur et ses parents et enfin de ce qu'elle parle et comprend très difficilement le français, n'a jamais travaillé en France et ne joint aucune promesse d'embauche.
4. D'une part, en dehors de la relation qu'elle a entretenue avec son ex-compagnon entre avril 2014 et février 2022, Mme B... ne dispose d'aucune attache familiale en France et n'établit pas non plus avoir noué des attaches personnelles. Si elle a suivi des cours de français, entre septembre 2018 et mars 2020 puis à partir de mai 2021, il ressort de son audition par les services de la préfecture du Haut-Rhin qu'elle parle et comprend très difficilement la langue. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'elle serait, à l'issue de ses neuf années de séjour sur le territoire, insérée dans la société française. S'il ne peut être contesté que Mme B... a été victime de violences de la part de son ex-compagnon, qui a fait l'objet à cet égard de deux condamnations, dont la dernière, en comparution immédiate le 18 février 2022, à une peine de douze mois d'emprisonnement dont six mois assortis d'un sursis probatoire de deux ans, cette circonstance n'ouvre toutefois pas, en tant que telle, de droit au séjour à l'intéressée. La circonstance qu'elle aurait été empêchée de s'intégrer par son ex-compagnon alors qu'elle bénéficie à la date de la décision en litige d'un accompagnement par le C... depuis novembre 2021 et d'une place d'hébergement dans le cadre du dispositif dédié aux femmes victimes de violences auprès de l'association ACCES, ne suffit pas à caractériser, au regard du reste de sa situation, des motifs exceptionnels justifiant la délivrance d'un titre de séjour.
5. D'autre part, si, ainsi qu'il a été dit, Mme B... justifie résider en France depuis mars 2014, il ressort de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin aurait pris la même décision à son encontre s'il n'avait pas, à tort, estimé qu'elle ne démontrait pas la durée de son séjour depuis cette date. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme B... résidait, à la date de la décision en litige, depuis presque neuf ans sur le territoire français. Elle ne justifie, ainsi qu'il a été dit précédemment, d'aucune intégration sociale ou professionnelle en France en dépit de la durée de son séjour. Sa prise en charge par une structure d'accompagnement des femmes victimes de violences et ses débuts d'apprentissage de la langue française ne suffisent pas à établir qu'elle aurait désormais noué en France l'essentiel de sa vie privée. Dans les circonstances de l'espèce, en dépit de la durée de son séjour en France, le refus de délivrer à Mme B... un titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
8. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 4 et 7 du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour. Le moyen, soulevé par voie d'exception d'illégalité, doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2023. Par suite, ses requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bohner et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- Mme Stenger, première conseillère,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC03281, 23NC03282