Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée.
Par un jugement n° 2301755 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2023, Mme B... A..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 21 juillet 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761 -1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2024, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante kosovare, née le 29 novembre 1985, est entrée irrégulièrement en France le 12 novembre 2015. Elle a fait l'objet d'un arrêté de réadmission auprès des autorités allemandes le 4 avril 2016 édicté par le préfet de l'Aube qu'elle n'a pas exécuté. Sa demande d'asile, présentée le 9 janvier 2017 a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 10 juillet 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 février 2018. Aussi, par un premier arrêté du 20 avril 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er août 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour en France pendant une durée d'un an. La requérante s'est soustraite à cette mesure d'éloignement en se maintenant irrégulièrement sur le territoire français. Elle a sollicité, le 28 août 2019, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 21 juillet 2023, la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 21 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus d'admission au séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
3. Mme A... se prévaut de ce qu'elle réside en France depuis huit ans et qu'elle y a transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux dès lors que sa famille est hébergée chez des amis français et qu'elle entretient des relations régulières avec des amis depuis son arrivée en France. Elle fait valoir que bien que des membres de sa famille résident encore au Kosovo, elle n'a plus de contacts avec eux depuis le décès de son père. Elle ajoute que ses deux enfants sont nés sur le territoire français et qu'ils n'ont aucun lien avec le Kosovo. Elle indique qu'elle pourra trouver un emploi aisément puisqu'elle est titulaire d'un master en ingénierie mécanique, domaine dans lequel elle travaillait au Kosovo jusqu'au 10 novembre 2015. Elle ajoute qu'elle a d'importantes activités de bénévolat au sein de l'association pour l'accueil des travailleurs et des migrants de l'Aube auprès de laquelle elle dispense, depuis juin 2021, deux heures par semaine, des cours sous forme d'ateliers socio-linguistiques, et que parallèlement à cette activité, elle continue de perfectionner sa maîtrise de la langue française ainsi qu'en atteste son diplôme d'études en langue française niveau B1 qu'elle a obtenu en octobre 2023. Toutefois, ces éléments ne permettent pas de caractériser une insertion suffisante sur le territoire français alors que, comme l'ont estimé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que la durée du séjour en France de Mme A... n'a été acquise qu'à raison de sa soustraction à l'exécution de décisions successives lui refusant le séjour et décidant de son éloignement. Par ailleurs, il est constant que la requérante, qui est célibataire en France, n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas établi que les enfants de la requérante ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Kosovo, la décision portant refus d'admission au séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité par Mme A..., la préfète de l'Aube n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423 -23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
5. La requérante invoque les mêmes arguments que ceux évoqués au point 3 du présent arrêt. Toutefois, ces seuls éléments ne peuvent être regardés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels permettant la délivrance d'un titre de séjour au sens des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Aube aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas illégale, Mme A... n'est pas fondée à demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Si Mme A... fait valoir que ses enfants sont nés en France et ne connaissent ni la langue ni la culture du Kosovo et qu'un éloignement les priveraient de leur entourage proche, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme méconnaissant l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aube du 21 juillet 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Mainnevret et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- Mme Stenger, première conseillère,
- Mme Brodier première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger
Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 23NC03632