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30/01/2025 | FRANCE | N°24NC00798

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 30 janvier 2025, 24NC00798


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une carte d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard et, à défaut, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative du deuxième et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2302448 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2024, Mme A..., représentée par Me Abdelli, demande au tribunal :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 21 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 décembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à défaut, dans ce même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation ainsi que, dans l'un ou l'autre cas, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative du deuxième et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué méconnaît sa vie privée et son intégration sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2024, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 25 décembre 1970, est entrée sur le territoire français le 24 décembre 2021 sous couvert d'un visa de type C valable du 21 décembre 2021 au 21 janvier 2022. Le 9 juin 2023, l'intéressée a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 4 décembre 2023, le préfet de la Haute-Saône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire. Mme A... relève appel du jugement du 21 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 décembre 2023 :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

5. Pour refuser d'admettre Mme A... au séjour en raison de son état de santé, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 8 novembre 2023 dont il ressort que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et son état de santé de santé lui permet d'y voyager sans risque. Il est constant que Mme A... est atteinte du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et bénéficie à ce titre d'un suivi au sein du service des maladies infectieuses de l'hôpital Nord Franche-Comté ainsi que d'une trithérapie antirétrovirale par Odefsey. Il ressort toutefois de l'analyse médicale d'un médecin de l'OFII, produit en appel par le préfet de la Haute-Saône, que la base de données MedCOI détaille les possibilités de suivi du VIH au Cameroun et indique qu'y sont référencées les possibilités d'un suivi par médecin infectiologue, la mesure de la charge virale et les tests génotypiques de résistance. Ce médecin relève également que " effectivement le traitement actuel par Odefsey n'est pas disponible mais d'autres alternatives thérapeutiques d'efficacité équivalente sont référencées dans la base de données MedCOI et la liste nationale des médicaments essentiels au Cameroun de 2022 ". Il n'est par ailleurs pas contesté que, comme le fait valoir le préfet de la Haute-Saône en défense, il existe treize types d'antirétroviraux disponibles au Cameroun, selon la liste nationale précitée parmi lesquels l'Emtricitabine et le Ténofovir alafénamide qui sont les substances actives contenues dans l'Odefsey. Dans ces conditions, la requérante, ne démontre pas, par la production des certificats médicaux qu'elle produit, qu'elle n'aurait pas accès à un traitement adapté à son état de santé au Cameroun. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Saône aurait, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., âgée de cinquante-trois ans à la date de l'arrêté attaqué, résidait en France depuis moins de deux années. Elle ne saurait se prévaloir du pacte civile de solidarité (PACS) qu'elle a conclu avec un ressortissant français le 7 janvier 2022, soit quinze jours après son arrivée en France et moins de deux ans avant que ne soit édicté l'arrêté en litige. A cet égard, il n'est pas contesté que, comme le fait valoir le préfet en défense, il a été constaté par la brigade de la gendarmerie de Lure que la requérante ne vivait plus au domicile de son partenaire de pacs, ce dernier ayant déclaré qu'il n'avait plus de contact avec elle depuis son départ, le 29 mars 2024, à la suite de la notification de l'arrêté du préfet de la Haute-Saône l'ayant assignée à résidence. En outre, par les pièces produites au dossier, consistant en des attestations peu circonstanciées, non datées, ou datant de novembre 2022, la requérante n'établit pas qu'elle a transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux alors qu'elle ne conteste pas avoir conservé des attaches familiales au Cameroun où elle a vécu l'essentiel de son existence. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté, eu égard aux buts qu'elle poursuit, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

9. Le présent jugement, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2025.

La rapporteure,

Signé : L. StengerLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 24NC00798

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00798
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ABDELLI - ALVES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;24nc00798 ?
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