Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 mars 2024 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2402948 du 22 juillet 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Boukara, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, ou, à titre subsidiaire, dans le même délai de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé et stéréotypé en ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- à titre principal, elle est entachée d'une erreur de fait ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à la durée et aux conditions de son séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît les dispositions de l'article 2.1.3 de la circulaire dite " Valls " du 28 novembre 2012 ;
- à titre subsidiaire, elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour qui en constitue le fondement légal ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 12 septembre 2024, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de Mme Stenger.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née en 2001, est entrée en France, selon ses déclarations, le 3 mars 2018. Elle a présenté, le 22 février 2024, une demande de titre de séjour. Par un arrêté du 25 mars 2024, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 22 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments de la requérante ont répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures produites par l'intéressée y compris le moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté en litige :
Sur le moyen commun aux décisions attaquées :
4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a notamment pris en compte les conditions de l'entrée et la durée du séjour en France de la requérante, son handicap ainsi que la présence sur le territoire français de sa mère et de ses demi-frères et sœurs. Il indique que l'intéressée ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'en 2018. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Haut-Rhin a entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Par conséquent, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens spécifiques à la contestation de la décision refusant de lui octroyer un titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
6. Les dispositions précitées ne garantissent pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En outre, pour apprécier l'atteinte à la vie privée et familiale, il y a lieu de prendre en considération la durée et l'intensité des liens familiaux dont la personne se prévaut. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée irrégulièrement en France le 3 mars 2018, à l'âge de seize ans. Ce n'est que six ans après, le 22 février 2024, alors qu'elle était âgée de 23 ans, qu'elle a fait une demande de titre de séjour afin de régulariser sa situation. Si elle se prévaut de la présence en France de sa mère, de son beau-père et de ses demi-frères et sœurs, il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme l'ont estimé les premiers juges, la mère de la requérante a quitté la République démocratique du Congo en 2008, après avoir confié sa fille à sa grand-mère, et qu'au décès de celle-ci en 2010, Mme A... a vécu avec une voisine jusqu'en 2018, avant de rejoindre la France. A cet égard, et contrairement à ce qu'elle soutient, la requérante ne démontre pas que sa mère, alors qu'elle vivait en France, participait financièrement à son éducation lorsqu'elle résidait en République démocratique du Congo. Aussi, il est constant que la requérante, qui est célibataire et sans charge de famille, a vécu séparée de sa famille pendant dix ans. Par ailleurs, Mme A... ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales en République du Congo, pays dans lequel elle a vécu la majeure partie de sa vie. En outre, si la requérante se prévaut du fait qu'elle souffre d'un déficit intellectuel qui la fragiliserait en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'établit cependant pas que la présence de sa famille à ses côtés lui serait, à cet égard, indispensable. Enfin, l'intéressée, qui ne justifie pas avoir résidé en France de manière continue depuis 2018 et ne fait état d'aucune intégration au sein de la société française, ne démontre pas y avoir transféré le centre de ses intérêts personnels et familiaux. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
8. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 6 du présent arrêt, Mme A... ne peut pas être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, le préfet du Haut-Rhin n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées.
9. En dernier lieu, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.
En ce qui concerne les moyens spécifiques à la contestation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté atteinte au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
13. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Mme A... soutient qu'en tant que femme isolée présentant un handicap mental, elle est vulnérable et exposée à des risques de violences dans son pays d'origine. A ce titre, elle fait état, en s'appuyant sur des documents généraux, de l'existence de risques, notamment de viol, en cas de retour en République démocratique du Congo. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt, Mme A..., qui a vécu en République démocratique du Congo jusqu'en 2018, ne démontre pas être isolée dans son pays d'origine et être exposée à ces risques. Par conséquent, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision fixant le pays de destination en litige, le préfet du Haut-Rhin a méconnu les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Boukara.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 24NC02569
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