Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 mai 2018 par lequel le maire de Wissembourg a délivré un permis de construire modificatif à la société civile immobilière (SCI) Madot pour la transformation d'une ancienne grange en cabinet médical sur un terrain sis 5 rue de la Laine.
Par un jugement n° 1803254 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 13 avril 2021 sous le n° 21NC01066, et des mémoires, enregistrés, le 12 mai 2022 et le 14 février 2024, la SCI Madot, représentée par Me Gillig, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 février 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... ;
3°) de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a fait un contre-sens dans son interprétation de la notice ; le formulaire Cerfa indique clairement que l'objet de la demande est d'installer un bardage sur le pignon Nord pour permettre l'implantation de la construction en limite séparative, conformément au jugement du tribunal du 29 juin 2017 ; la mention dans la notice selon laquelle " aucune modification n'est prévue en limite de terrain " signifie que le projet dans sa globalité ne modifie pas les aménagements en limite de terrain préexistants par l'installation d'une clôture, l'implantation d'un nouveau bâtiment ou de nouvelles plantations ; les modifications relatives à l'implantation de la construction par rapport à la limite séparative ont fait l'objet de documents graphiques distincts cohérents entre eux et avec la description des travaux du formulaire Cerfa ;
- par un jugement du 18 février 2021, le tribunal a annulé le permis de construire modificatif du 14 mai 2018, qui fait l'objet d'un appel pendant devant la cour ; Elle a sollicité et obtenu une nouvelle autorisation d'urbanisme pour préciser les modalités de régularisation du pignon Nord de la construction ; cette autorisation doit donc être regardée comme une autorisation de régularisation pour l'application de l'article L. 600-5-2 ; il y a lieu de joindre les deux affaires ;
- Mme C... était bien compétente pour signer la décision litigieuse ;
- le permis de construire initial a fait l'objet d'une annulation partielle sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, lequel précise que la délivrance d'un permis de construire modificatif est possible même après l'achèvement de la construction ;
- Elle a sollicité l'assistance d'un nouvel architecte pour la rédaction du dossier de demande de permis de construire modificatif qui a procédé à un nouvel état des lieux ; un géomètre expert a également été mandaté pour localiser précisément la limite séparative ; les plans du dossier ont ainsi été mis à jour sur la base de ces nouvelles informations ; il est apparu qu'en réalité, sa construction et celle de M. A... sont partiellement imbriquées comme c'est traditionnellement le cas dans le tissu ancien ; au vu de ces éléments, l'architecte a précisé les solutions techniques à mettre en œuvre pour assurer la régularisation de l'implantation du pignon Nord ; à ce titre, la notice expose que l'implantation de la construction par rapport à la limite séparative sera modifiée via la pose d'un bardage bois sur la partie supérieure de la construction accessible depuis l'extérieur et l'installation d'un béton isolant par injection sous dalle, sur les parties de la façade qui ne sont pas accessibles par l'extérieur du bâtiment ; M. A... se borne à relever des différences entre les plans joints aux différentes demandes d'autorisation d'urbanisme sans exposer en quoi ces différences constitueraient des manœuvres destinées à échapper à la réglementation applicable.
Par des mémoires enregistrés le 26 août 2021, le 9 juin 2022 et le 28 février 2024, M. A..., représenté par Me Marty, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2022 portant permis de construire modificatif et à la condamnation de la SCI Madot à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il justifie d'un intérêt à agir dès lors que les modifications apportées par le permis de construire modificatif du 14 mai 2018 sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation ou de jouissance de son bien ;
- le permis de construire modificatif porte sur l'ajout d'un bardage en bois sur le pignon nord, la demande précisant que le nu du bardage extérieur sera à l'aplomb de la limite séparative, or le mur n'est pas sur la limite séparative ; par conséquent, un interstice continuera à exister entre le mur de la SCI Madot et son mur, qui va le fragiliser puisque des infiltrations vont pouvoir s'y développer ; le bardage prévu par la SCI Madot sur le haut du mur pignon Nord couvre seulement 15 % de la façade, ce qui va générer une absence de ventilation ; le plan du rez-de-chaussée montre que le mur n'est pas implanté en limite séparative ; le plan du 1er étage montre que le mur est partiellement implanté en limite de propriété, ce qui contredit d'ailleurs le plan du rez-de-chaussée, l'implantation du mur y étant différente et la SCI ne donne aucune explication à ce sujet ; la notice indique qu'aucune modification n'est prévue en limite de terrain ; la violation de l'article 7 UA est ainsi toujours caractérisée ;
- l'arrêté portant nouveau permis de construire modificatif du 18 janvier 2022 est illégal en raison de l'incompétence de l'auteur de l'acte sauf à justifier d'une délégation de signature régulièrement publiée ; il est également illégal en raison de l'achèvement des travaux autorisés par le permis de construire du 12 juin 2014 alors que le juge n'a pas précisé que ce permis pouvait être régularisé ; enfin, il est illégal en raison de la fraude du pétitionnaire qui n'a pas repris les plans du permis de construire d'origine en faisant apparaître les modifications envisagées ; les plans du dossier de permis de construire modificatif sont différents de ceux du permis de construire d'origine, s'agissant de l'indication de la limite séparative, le mur mitoyen existant n'apparaît plus sur les plans, et l'implantation du mur prévu initialement par le permis de construire d'origine.
Par un courrier du 16 décembre 2024, la cour a informé les parties qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal a annulé intégralement le permis de construire délivré le 14 mai 2018 dès lors que, le vice relevé étant régularisable, le tribunal aurait dû faire usage de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 600-5 ou celle prévue à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et surseoir à statuer.
Par un courrier du 2 janvier 2025, M. A... a présenté des observations en réponse à cette information.
Par un courrier du 7 janvier 2025, la SCI Madot a présenté des observations en réponse à cette information.
II. Par un mémoire, enregistré le 21 mars 2022 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg et le 5 septembre 2022 au greffe de la cour, sous le n° 22NC02296, M. A..., représenté par Me Marty, conclut à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le maire de Wissembourg délivré à la SCI Madot un permis de construire modificatif et à la condamnation de la SCI Madot à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a également intérêt à contester ce second permis de construire modificatif ;
- cet arrêté est illégal en raison de l'incompétence de l'auteur de l'acte sauf à justifier d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- il est également illégal en raison de l'achèvement des travaux autorisés par le permis de construire du 12 juin 2014 ; le juge n'a pas précisé que ce permis pouvait être régularisé ;
- il est illégal en raison de la fraude du pétitionnaire qui n'a pas repris les plans du permis de construire d'origine en faisant apparaître les modifications envisagées ; les plans du dossier de permis de construire modificatif sont différents de ceux du permis de construire d'origine, s'agissant de l'indication de la limite séparative et du mur mitoyen existant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, la SCI Madot, représentée par Me Gillig, demande au tribunal de transmettre la requête à la cour, subsidiairement de rejeter la requête de M. A... et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le tribunal est incompétent pour statuer sur cette requête ;
- Mme C... était bien compétente pour signer la décision litigieuse ;
- le permis de construire initial a fait l'objet d'une annulation partielle sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, lequel précise que la délivrance d'un permis de construire modificatif est possible même après l'achèvement de la construction ;
- elle a sollicité l'assistance d'un nouvel architecte pour la rédaction du dossier de demande de permis de construire modificatif qui a procédé à un nouvel état des lieux ; un géomètre expert a également été mandaté pour localiser précisément la limite séparative ; les plans du dossier ont ainsi été mis à jour sur la base de ces nouvelles informations ; il est apparu qu'en réalité, sa construction et celle de M. A... sont partiellement imbriquées comme c'est traditionnellement le cas dans le tissu ancien ; au vu de ces éléments, l'architecte a précisé les solutions techniques à mettre en œuvre pour assurer la régularisation de l'implantation du pignon Nord ; à ce titre, la notice expose que l'implantation de la construction par rapport à la limite séparative sera modifiée via la pose d'un bardage bois sur la partie supérieure de la construction accessible depuis l'extérieur et l'installation d'un béton isolant par injection sous dalle, sur les parties de la façade qui ne sont pas accessibles par l'extérieur du bâtiment ; M. A... se borne à relever des différences entre les plans joints aux différentes demandes d'autorisation d'urbanisme sans nullement exposer en quoi ces différences constitueraient des manœuvres destinées à échapper à la réglementation applicable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2022, la commune de Wissembourg, représentée par Me Gillig, demande au tribunal de transmettre la requête à la cour, subsidiairement de rejeter la requête de M. A... et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle se prévaut des mêmes arguments que ceux invoqués dans le mémoire produit pour la SCI Madot.
Par une ordonnance n° 2201870 du 1er septembre 2022, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a renvoyé l'affaire à la cour en application des articles L. 600-5-2 du code de l'urbanisme et R.351-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- et les conclusions de M. Marchal, rapporteur public.
- et les observations de Me Vilchez pour la SCI Madot et la commune de Wissembourg et de Me Marty pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Madot a bénéficié d'un permis de construire relatif à la transformation d'une ancienne grange en cabinet médical sur un terrain sis 5, rue de la Laine à Wissembourg, délivré par le maire de cette commune par un arrêté du 12 juin 2014. M. A..., voisin immédiat du projet litigieux, a sollicité l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 29 juin 2017, confirmé par arrêt de la cour du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation partielle de ce permis en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme au motif de l'implantation irrégulière du mur pignon nord par rapport à la limite séparative de propriété au regard des dispositions de l'article 7 UA du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Pays de Wissembourg. Par un arrêté du 14 mai 2018, le maire de la commune de Wissembourg a délivré à la SCI Madot un permis de construire modificatif aux fins de régulariser le vice relevé. Par jugement du 18 février 2021, dont la pétitionnaire relève appel, le tribunal a annulé cet arrêté au motif que le vice en cause n'était pas régularisé. D'autre part, par un arrêté du 18 janvier 2022, le maire de la commune de Wissembourg a délivré à la SCI Madot un second permis de construire modificatif aux fins de régulariser le permis modificatif du 14 mai 2018. M. A... ayant contesté ce nouveau permis de construire devant le tribunal administratif de Strasbourg, le dossier de sa requête a, en application des dispositions des articles L. 600-5-2 du code de l'urbanisme et R. 353-3 du code de justice administrative, été transmise à la cour par ordonnance du président de la 7ème chambre de ce tribunal du 1er septembre 2022.
2. Les requêtes enregistrées sous les n° 21NC01066 et 22NC02296 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la compétence de la cour pour connaître de la requête dirigée contre le permis de construire modificatif du 18 janvier 2022 :
3. Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. "
4. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge d'appel est saisi d'un appel contre un jugement d'un tribunal administratif ayant annulé un permis de construire en retenant l'existence d'un ou plusieurs vices entachant sa légalité et qu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure visant à la régularisation de ces vices a été pris, seul le juge d'appel est compétent pour connaître de sa contestation dès lors que ce permis, cette décision ou cette mesure lui a été communiqué ainsi qu'aux parties. Par suite, si un recours pour excès de pouvoir a été formé contre ce permis, cette décision ou cette mesure devant le tribunal administratif, il incombe à ce dernier de le transmettre, en application des articles R. 351-3 et, le cas échéant, R. 345-2 du code de justice administrative, à la cour administrative d'appel saisie de l'appel contre le jugement relatif au permis initial.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le permis de construire délivré le 14 mai 2018 est non un permis de construire initial mais un permis modificatif du permis de construire initial délivré en juin 2014 et partiellement annulé par le tribunal administratif de Strasbourg par jugement du 29 juin 2017 devenu définitif. Cette circonstance ne fait cependant pas obstacle à ce que la cour, saisie par la pétitionnaire de la contestation du jugement du tribunal administratif ayant annulé le permis de construire du 14 mai 2018, soit compétente, par application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, pour connaître de la contestation du second permis modificatif délivré le 18 janvier 2022, qui a pour objet la modification de celui du 14 mai 2018.
Sur l'office du juge :
6. Il appartient au juge d'appel saisi d'un jugement prononçant l'annulation d'un permis de construire alors qu'est intervenu, à la suite de ce jugement, un permis de construire modificatif, de se prononcer, dans un premier temps, sur la légalité du permis annulé, tel qu'attaqué devant le tribunal administratif. Si le juge d'appel estime que le permis initialement attaqué est affecté d'un ou plusieurs vices régularisables, il statue ensuite sur la légalité de ce permis en prenant en compte les mesures prises le cas échéant en vue de régulariser ces vices, en se prononçant sur leur légalité si elle est contestée. Au terme de cet examen, s'il estime que le permis ainsi modifié est régularisé, le juge rejette les conclusions dirigées contre les deux permis en litige.
Sur le jugement du 18 février 2021 annulant le permis de construire modificatif du 14 mai 2018 :
7. Aux termes de l'article 7 UA du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Pays de Wissembourg (PLUi) : " Le nu de la façade s'implante soit sur limite séparative, soit en respectant un recul minimal de 0,60 mètres (soixante centimètres) ". Le nu de la façade, selon l'acception communément admise, se caractérise par le plan de référence vertical correspondant à la surface de parement fini d'un mur ou d'un ouvrage, abstraction faite des membres, moulures et ornements divers qui viennent en saillie sur le nu.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment, des plans du rez-de-chaussée et de l'étage de la construction projetée que le mur pignon nord n'est pas implanté en limite de propriété au niveau du rez-de-chaussée et qu'il ne se trouve que partiellement à cette limite au niveau de l'étage. Dans ces conditions et alors que la modification du projet autorisée par le permis modificatif du 14 mai 2018 ne portait que sur la mise en place d'un bardage en bois sur une surface de 15 % du mur litigieux correspondant à sa partie supérieure, ce dernier méconnaît les dispositions précitées de l'article 7 UA du PLUi.
9. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".
10. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
11. En l'espèce, si le vice relevé affectait déjà le permis de construire initial du 12 juin 2014 qui avait été pour ce motif partiellement annulé sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme par le jugement du tribunal administratif du 29 juin 2017, confirmé par l'arrêt de la cour du 25 octobre 2018, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal administratif ordonne une mesure de régularisation sur le fondement de l'article L. 600-5-1 précité dans l'instance litigieuse, distincte de celle relative au permis de construire initial du 12 juin 2014, dès lors que le permis modificatif litigieux délivré le 14 juin 2018 n'avait pas permis de corriger ce vice. Il est constant que la nature de ce vice permettait une nouvelle mesure de régularisation sans qu'y fassent obstacle les règles d'urbanisme alors en vigueur et alors que cette dernière, minime, n'impliquait pas de bouleverser la nature du projet. Alors en outre qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le pétitionnaire s'y serait opposé, la SCI Madot est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement litigieux a annulé intégralement le permis modificatif délivré le 14 juin 2018 et n'a pas sursis à statuer pour permettre sa régularisation par application des dispositions de l'article L. 600-5-1.
Sur la légalité du permis de construire modificatif du 18 janvier 2022 :
En ce qui concerne la régularisation du vice relevé :
12. D'une part, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer un permis de construire modificatif au titulaire d'un permis de construire, lorsque celui-ci est en cours de validité ou lorsque l'instance d'appel dirigée contre le jugement ayant prononcé son annulation est pendante, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée et dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
13. Il suit de là que le permis de construire délivré le 14 juin 2018 était susceptible de faire l'objet du permis de construire modificatif délivré le 18 janvier 2022 et produit devant la cour au cours de l'instance d'appel.
14. D'autre part, si, comme le soutient M. A..., les plans produits à l'appui de la demande de second permis de construire modificatif diffèrent des plans précédemment produits dans le cadre du premier permis de construire modificatif, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite, notamment, de l'intervention d'un géomètre expert pour établir précisément la limite séparative entre sa propriété et celle de la SCI Madot, une actualisation de ces données a été effectuée. En tout état de cause, la seule circonstance que les plans aient pu être modifiés entre les différentes demandes ne saurait suffire à caractériser une fraude du pétitionnaire.
15. Il ressort du dossier de demande du second permis de construire modificatif qu'un espace entre le mur de la SCI Madot et la limite parcellaire a été clairement identifié et que le projet comporte, afin d'y remédier, d'une part la pose d'un bardage en bois sur la partie supérieure de la construction accessible depuis l'extérieur et, d'autre part, l'application d'un béton isolant, par injection sous dalle, sur le mur situé entre le rez-de-chaussée et le premier étage, afin de réaliser un parement jusqu'à la limite séparative. M. A... n'établit ni même n'allègue que ces nouvelles solutions techniques ne permettraient pas de remédier à l'irrégularité relevée.
16. Dès lors, le permis de construire modificatif du 18 janvier 2022, qui n'impliquait pas un bouleversement du projet, a régularisé le vice tiré de la méconnaissance du l'article 7UA du PLUi.
En ce qui concerne le vice propre de l'arrêté du 18 janvier 2022 :
17. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été signé par Mme B... C..., adjointe au maire titulaire d'une délégation de fonctions en matière d'urbanisme du 7 octobre 2020, régulièrement affichée en mairie du 20 octobre 2020 au 19 janvier 2021. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. A... à fin d'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2022 doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre.
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803254 du 18 février 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. A... et ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 18 janvier 2022 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI Madot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Wissembourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la commune de Wissembourg et à la SCI Madot.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC01066, 22NC02296 2