Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Grand-Failly (Meurthe-et-Moselle) a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la lettre de relance du 21 janvier 2019 par laquelle le comptable public de la trésorerie de Longwy l'a invitée à payer la somme de 16 530,77 euros par application d'un titre exécutoire émis le 8 novembre 2018 par la communauté de communes Terre Lorraine du Longuyonnais, ainsi que ce titre exécutoire.
Par un jugement n° 1900536 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Nancy a annulé le titre exécutoire litigieux, mis à la charge de la communauté de communes Terre Lorraine du Longuyonnais la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2021, le 4 août 2021 et le 20 juin 2022, la communauté de communes Terre Lorraine du Longuyonnais (CCT2L), représentée par Me Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2021 ;
2°) de rejeter la requête présentée devant le tribunal par la commune de Grand-Failly ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grand-Failly une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête ; le 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales précise que l'envoi sous pli simple du titre exécutoire au redevable à l'adresse qu'il a indiquée vaut notification ; par ailleurs, la lettre de relance du 21 janvier 2019 ne saurait être regardée comme le premier acte procédant du titre exécutoire au sens du 1° de l'article L. 1617-5 ;
- dans le cadre d'un service public industriel et commercial, les recettes doivent équilibrer les dépenses, alors que les redevances perçues sont obligatoirement affectées aux dépenses du service public considéré ; en l'espèce, au 31 décembre 2014, l'excédent d'investissement cumulé du budget assainissement de la commune était de 16 530,77 euros ; ces recettes étaient affectées et devaient servir à autofinancer en partie des travaux d'assainissement prévus en 2014 effectivement réalisés pour des travaux de pose de tuyaux d'assainissement chemin du Breuil mais non payés ; or, ces travaux ont été payés en 2015 par la CCT2L ; le maire de la commune de Grand-Failly avait promis de faire approuver par son conseil municipal le transfert à la CCT2L de l'excédent d'investissement mais il n'a jamais tenu ses engagements ;
- les termes du mémoire complémentaire n'excèdent pas la limite de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse, il n'y a dès lors pas lieu d'en prononcer la suppression.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 novembre 2021 et le 30 septembre 2022, la commune de Grand-Failly, représentée par Me Tadic, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la CCT2L une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle sollicite la suppression du passage injurieux suivant des écritures adverses en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative " comme à son habitude le maire de Grand-Failly a proposé à son conseil municipal de voter contre, par posture " ;
- sa requête devant le tribunal n'était pas tardive dès lors qu'elle n'a pas reçu le titre exécutoire du 8 novembre 2018 et en a été informée uniquement par la notification de la lettre de relance du 21 janvier 2019 ; au surplus les voies et délais de recours n'étaient pas opposables dès lors que le titre litigieux ne précise pas devant quelle juridiction doit être portée la contestation ;
- le titre exécutoire est dépourvu de base légale ; il résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat que le transfert d'une compétence à un établissement public de coopération intercommunale n'implique nullement l'obligation pour la commune membre de lui transférer l'excédent d'investissement ; en l'espèce, la commune de Grand-Failly n'a jamais donné son accord pour transférer à la CCT2L le solde du budget d'investissement du service d'assainissement ; l'approbation des statuts de la CCT2L est sans emport dès lors que seule la commune avait compétence pour se prononcer sur le transfert du solde du compte administratif du budget annexe du service transféré à l'EPCI.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Perez, représentant la CCT2L, et de Me Tadic, représentant la commune de Grand-Failly.
Une note en délibéré, présentée pour la CCT2L par Me Perez, a été enregistrée le 3 février 2025.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes Terre Lorraine du Longuyonnais (CCT2L), dont est membre la commune de Grand-Failly, a pris en charge la compétence de l'assainissement de l'ensemble des communes de l'intercommunalité à compter du 1er janvier 2015. A ce titre, elle a émis, à destination de la commune de Grand-Failly, un titre exécutoire du 8 novembre 2018 mettant à sa charge une somme de 16 530,77 euros, correspondant au montant de son excédent d'investissement du budget annexe de l'assainissement pour l'exercice 2014. Cette créance a fait l'objet d'une lettre de relance du comptable public de la trésorerie de Longwy du 21 janvier 2019, dont la commune a demandé l'annulation, ainsi que celle du titre exécutoire précité, au tribunal administratif de Nancy. Par la présente requête, la CCT2L relève appel du jugement du tribunal du 18 mai 2021 par lequel ce dernier a annulé ledit titre exécutoire.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date du titre exécutoire en litige : " (...) 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite (...) 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public compétent vaut notification de ladite ampliation (...) ".
3. Contrairement à ce que soutient la CCT2L, si, en vertu des dispositions citées
ci-dessus du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, l'envoi sous pli simple du titre de recettes vaut notification de ce titre, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier le point de départ du délai de recours contentieux contre le titre, lequel, ainsi que le prévoit le 2° du même article, court à compter non de l'envoi mais de la réception dudit titre.
4. En se bornant à produire une copie d'écran de l'application informatique " Hélios " comportant, à la rubrique relative au titre exécutoire du 8 novembre 2018 en litige, la mention " envoi avis des sommes à payer 18/11/2018 ", la CCT2L n'apporte pas la preuve de la réception de ce titre par la commune de Grand-Failly . Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la requête de la commune de Grand-Failly.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales : " Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier, certaines de leurs compétences dont le transfert n'est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice. / Ces transferts sont décidés par délibérations concordantes de l'organe délibérant et des conseils municipaux se prononçant dans les conditions de majorité requise pour la création de l'établissement public de coopération intercommunale. Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d'un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la commune de la délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur les transferts proposés. A défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée favorable. / (...) Le transfert de compétences est prononcé par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés. Il entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1 (...) ". Aux termes du premier alinéa de
l'article L. 1321-1 du même code : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence. ".
6. Pour l'application de ces dispositions, le solde du compte administratif du budget annexe d'un service public à caractère industriel ou commercial ne constitue pas un bien qui serait nécessaire à l'exercice de ce service public, ni un ensemble de droits et obligations qui lui seraient attachés. Par suite, le transfert d'une compétence à un établissement public de coopération intercommunal n'a pas pour effet d'entraîner de plein droit le transfert du solde du compte administratif des budgets annexes des services publics à caractère industriel ou commercial nécessaires à l'exercice de cette compétence, ce dernier ne pouvant résulter que d'un accord exprès des collectivités concernées.
7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la commune de Grand-Failly qui, aux termes de sa délibération du 12 juin 2015, n'a pas approuvé les statuts de la communauté de communes prévoyant le transfert à l'établissement public des éléments d'actif et de passif des services publics d'assainissement des communes membres, comprenant le résultat d'investissement, et avait d'ailleurs, par une délibération du 10 décembre 2014, décidé l'intégration dans le budget de la commune du résultat de son budget annexe d'assainissement, ne peut être regardée comme ayant donné son accord au transfert à l'établissement public de l'excédent du budget annexe de son service public d'assainissement, qui ne peut lui être imposé. Il s'ensuit que le titre de recettes contesté est dépourvu de base légale.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la CCT2L n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé le titre exécutoire litigieux du 8 novembre 2018.
Sur les conclusions tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :
9. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
10. Le passage figurant en page 2 du mémoire introductif de la CCT2L enregistré au greffe de la cour le 19 juillet 2021 débutant par " Comme à son habitude " et s'achevant par " par posture " dont la suppression est demandée en appel par la commune de Grand-Failly n'excède pas le droit à la libre discussion et ne présente pas un caractère injurieux ou diffamatoire. Par suite, les conclusions tendant à sa suppression doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grand-Failly, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CCT2L demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la CCT2L une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Grand-Failly et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la CCT2L est rejetée.
Article 2 : La CCT2L versera à la commune de Grand-Failly une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Grand-Failly relatives à l'application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grand-Failly, à la communauté de communes Terre Lorraine du Longuyonnais.
Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques
de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne à la préfète de Meurthe-et-Moselle en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC02085 2