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06/02/2025 | FRANCE | N°23NC01989

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 06 février 2025, 23NC01989


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés des 4 octobre 2022 et 3 février 2023 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département du Haut-Rhin pou

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Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés des 4 octobre 2022 et 3 février 2023 par lesquels le préfet du Haut-Rhin, d'une part, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours avec obligation de présentation.

Par un jugement n° 2300793-2300794 du 14 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a renvoyé à une formation collégiale du tribunal les conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 octobre 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions accessoires dont elles étaient assorties, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un jugement n°2300793 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 4 octobre 2022 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et les conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, Mme A... C..., représentée par Me Rommelaere, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300793 du tribunal administratif de Strasbourg du 4 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 4 octobre 2022 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans l'intervalle, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et au besoin sous astreinte à compter du seizième jour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75, paragraphe 1er, de loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... est une ressortissante angolaise, née le 15 octobre 1975. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 16 mai 2014. Elle a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 janvier 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 juillet 2016. L'intéressée ayant, les 30 mai et 6 septembre 2016, sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande et a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêt du 28 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé cette mesure d'éloignement et enjoint à l'autorité administrative de procéder à un réexamen de sa situation. A l'issue de ce réexamen, le préfet a pris, le 13 décembre 2018, une nouvelle obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 septembre 2019. Le 13 avril 2022, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 4 octobre 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2022. Elle relève appel du jugement n°2300793 du 4 avril 2023, qui annule cet arrêté en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. Si Mme B... soutient qu'elle est arrivée en France, le 16 mai 2014, à l'âge de trente-huit ans et se prévaut d'une durée de séjour de huit années à la date de l'arrêté contesté du 4 octobre 2022, il est constant que l'intéressée a fait l'objet, le 13 décembre 2018, d'une mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré. Elle est célibataire et sans enfant à charge en France. Elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, où vivent notamment ses deux filles, nées respectivement les 28 mars 1998 et 14 octobre 1999, qu'elle a quittées lorsqu'elles étaient encore mineures et avec lesquelles elle a des contacts téléphoniques réguliers. Mme B... produit plusieurs attestations, qui mettent en exergue ses efforts d'intégration et ses qualités humaines et professionnelles. Elle fait également valoir qu'elle maîtrise la langue française, qu'elle est bénévole dans diverses associations, qu'elle est membre actif d'une communauté religieuse et d'un centre socio-culturel, qu'elle a suivi une formation à l'issue de laquelle elle a obtenu, le 25 avril 2019, un certificat de qualification professionnelle de commis cuisine et, enfin, qu'elle justifie de trois promesses d'embauche, datées des 4 avril 2018, du 11 décembre 2021 et du 18 mars 2023, en vue de l'occupation d'un emploi, respectivement, de commis de cuisine, d'agent commercial et de coiffeuse. Enfin, si la requérante verse aux débats deux certificats médicaux des 24 décembre 2021 et 16 mars 2023 indiquant qu'elle fait l'objet d'un suivi psychiatrique en raison d'un stress post-traumatique lié à un parcours de vie fait de violences depuis l'enfance, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'intéressée ferait obstacle à son éloignement à destination de l'Angola. Eu égard à l'ensemble des circonstances analysées ci-dessus et alors que ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne garantissent à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations et des dispositions.

4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

5. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 3 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme B... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

6. En troisième et dernier lieu, pour les motifs exposés précédemment, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Haut-Rhin, en refusant de l'admettre au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2022 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC01989 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01989
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : ROMMELAERE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23nc01989 ?
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