Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 12 avril 2023 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.
Par un jugement n° 2301065 du 22 septembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301065 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 22 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Aube du 12 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est une ressortissante de la République du Congo, née le 11 mars 2003. Elle a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 12 septembre 2019. Le 20 janvier 2023, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 12 avril 2023, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Mme A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement n° 2301065 du 22 septembre 2023, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige que celle-ci énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et, notamment, que la préfète de l'Aube, qui décrit précisément la situation personnelle et familiale de l'intéressée, a suffisamment explicité les raisons pour lesquelles elle a estimé que les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas remplies. Cette décision est dès lors suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code de des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne résulte ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de l'Aube se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de Mme A... au regard de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance, préalablement à l'édiction du refus de titre de séjour contesté. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
6. Mme A..., qui déclare être arrivée sur le territoire français le 12 septembre 2019, ne réside ainsi en France, à la date de la décision en litige, que depuis tout au plus trois ans et sept mois. Elle est célibataire et sans enfant à charge. Si elle se prévaut de la présence sur le territoire français de son père, de sa mère et de sa sœur, il n'est pas contesté que seul le premier, qui y réside depuis 2006 et est titulaire d'une carte de résident portant la mention " longue durée-UE " valable jusqu'au 23 février 2032, se trouve en situation régulière, les secondes ayant fait l'objet chacune de deux mesures éloignement auxquelles elles n'ont pas déféré. La requérante n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, où réside notamment son frère et où elle a vécu, séparée de ses parents, pendant plusieurs années. Si elle fait valoir qu'elle a finalement obtenu, après un premier échec, un baccalauréat professionnel en juillet 2023 et qu'elle poursuit des études supérieures à Lyon, de telles circonstances, au demeurant postérieures à la décision en litige, ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite et alors que ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne garantissent à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations et dispositions,
7. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
8. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 6 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Aube aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A..., laquelle se borne à faire valoir qu'elle est entrée en France pour rejoindre sa famille et poursuivre ses études, ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
9. En cinquième et dernier lieu, pour les motifs exposés précédemment, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de l'Aube, en refusant de l'admettre au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ".
12. La décision portant refus de délivrance étant suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la décision en litige n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Aube du 12 avril 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03182 2