Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel la préfète des Vosges lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301712 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Zoubeidi-Deffert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 10 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2023 de la préfète des Vosges ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Vosges de délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur de droit ;
- le refus de titre méconnaît les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ce texte ne concerne que les contrats de travail à durée indéterminée, que l'autorité administrative pouvait viser le contrat de travail à l'occasion de la demande de titre et que l'article L. 5221-2 du code du travail ne concerne pas l'étranger légalement entré en France et qui, par suite, sollicite un titre de séjour dans le cadre de ses études ;
- il méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que pour l'application de ces dispositions, dans le cas où l'étranger ne dispose pas de visa, l'article L. 412-3 du même code permet à l'autorité administrative de délivrer le titre ;
- il est entaché d'erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 18 novembre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le juge d'appel était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale, la décision attaquée portant refus de titre de séjour trouvant sa base légale, non dans les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celles de l'article L. 421-3 de ce code.
La préfète des Vosges a présenté, le 19 novembre 2024, des observations sur le moyen relevé d'office.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 7 novembre 2004, de nationalité albanaise, est entré en France le 17 août 2018, accompagné de ses parents, de son frère et de sa sœur. Il a sollicité, le 12 décembre 2022, son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant d'un contrat d'apprentissage conclu pour la période du 18 avril 2022 au 30 juin 2024. Par un arrêté du 14 avril 2023, la préfète des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le jugement attaqué, qui n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments produits par le requérant, ni toute son argumentation, répond, par une motivation suffisante au regard de l'article 9 du code de justice administrative, au moyen qu'il avait soulevé en première instance tiré la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
3. En second lieu, une éventuelle erreur de droit commise par les premiers juges serait seulement susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement au titre de l'effet dévolutif de l'appel et reste sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 de ce même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou qui fait l'objet d'un détachement conformément aux articles L. 1262-1, L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail " et aux termes de l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. / L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. (...) ". Aux termes du II de l'article R. 5221-1 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. (...) ".
5. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
6. D'une part, il résulte des dispositions du code du travail régissant le contrat d'apprentissage que l'apprenti, qui est titulaire d'un contrat de travail, doit être regardé, alors même que ce contrat a pour finalité de lui assurer une formation professionnelle, comme exerçant une activité professionnelle salariée.
7. D'autre part, la décision de refus de titre de séjour contestée est fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, dès lors que M. B... se prévaut d'un contrat d'apprentissage à durée déterminée et non d'un contrat à durée indéterminée, elle trouve son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles de l'article L. 421-1 du même code dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et que l'article L. 5221-2 du code du travail ne lui serait pas applicable.
9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'apprenti est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail. Or, il n'est pas contesté que M. B... n'est pas détenteur d'une telle autorisation. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un titre de séjour, serait tenu d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail avant de statuer sur une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour. M. B... ne produit en tout état de cause aucune demande formulée en ce sens par son employeur. Le moyen doit donc être écarté.
10. En troisième lieu, M. B... n'établit pas avoir formulé une demande de titre sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Et il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le préfet n'avait, en tout état de cause, pas à requalifier sa demande sur ce fondement. Le requérant ne saurait dès lors utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 412-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de délivrer un titre portant la mention " étudiant " en l'absence de visa de long séjour.
11. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
12. Pour rejeter la demande formulée par M. B... sur le fondement de ces dispositions, la préfète des Vosges relève, dans sa décision, que la situation personnelle de M. B...,et, notamment, la durée de son séjour en France, l'intégration dont il se prévaut et ses attaches familiales en France, ne permettent pas de considérer que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels et que la présentation d'un contrat d'apprentissage ne suffit pas à constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées. Il n'a ainsi commis aucune erreur de droit.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète des Vosges du 14 avril 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur
Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03273 2