Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite intervenue le 23 avril 2022 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2204091 du 29 août 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Wassermann, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204091 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 août 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de la Moselle intervenue le 23 avril 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision en litige méconnait les dispositions des articles L. 421-1, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- loi n° 91-647 de 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant albanais, né le 31 juillet 1991. Selon ses déclarations, après avoir été éloigné du territoire français le 9 avril 2018, il est de nouveau entré en France le 16 septembre 2020. Le 23 septembre 2020, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Par courrier reçu le 23 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le silence gardé par l'administration pendant quatre mois ayant fait naître une décision implicite de rejet le 23 avril 2022, conformément aux articles R. 432-1 et R. 432-2 du même code, M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de cette décision implicite. Il relève appel du jugement n° 2204091 du 29 août 2023, qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France, en dernier lieu, le 16 septembre 2020 à l'âge de trente-et-un ans et justifiait, à la date de la décision en litige, d'une durée de séjour inférieure à deux ans. S'il se prévaut de son mariage, le 21 novembre 2020 à Amnéville (Moselle) avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable jusqu'au 13 décembre 2019 et dont elle a sollicité le renouvellement, et de la naissance de leur fils le 15 août 2021, il est constant que cette union est récente à la date de la décision attaquée. M. A..., qui produit une demande d'autorisation de travail et un contrat à durée indéterminée, signés par son employeur, en vue de l'occupation d'un poste d'aide-électricien, ne démontre pas une intégration particulière en France. Il n'établit pas davantage être isolé dans son pays d'origine. En se bornant à indiquer que plusieurs membres de la famille de son épouse ont la nationalité française, il ne fait état d'aucun élément susceptible de faire obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale en Albanie. Par suite et alors que, au demeurant, le requérant pourrait prétendre, le cas échéant, à une mesure de regroupement familial en sa faveur, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
6. Eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point 4 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. En particulier, si le requérant verse aux débats une demande d'autorisation de travail et un contrat à durée indéterminée en vue de l'occupation d'un emploi d'aide-électricien, il ne justifie pas d'un diplôme ou d'une expérience professionnelle dans ce domaine d'activité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet du préfet de la Moselle, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente assesseure,
- M. Meisse, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
Le président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01814 2