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10/02/2025 | FRANCE | N°21NC03320

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 10 février 2025, 21NC03320


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ainsi que la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle a approuvé, d'une part

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ainsi que la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle a approuvé, d'une part, l'identification d'une zone humide sur sa parcelle cadastrée section AD n° 68, située sur le territoire de la commune

d'Abergement-la-Ronce, et, d'autre part, l'absence d'identification d'une zone humide sur les parcelles cadastrées section AB nos 390 et 392, situées sur le territoire de la même commune, et leur classement en zone 1AU, ainsi que, dans cette mesure la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux ;

Par un jugement n° 2000811 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2021, le 27 juin 2024 et le 6 septembre 2024, Mme A..., représentée par Me Cholet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2021 ;

2°) à titre principal, d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ainsi que la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 18 décembre 2019 en tant qu'elle a approuvé, d'une part, l'identification d'une zone humide sur sa parcelle cadastrée section AD 68, située sur le territoire de la commune d'Abergement-la-Ronce, et son classement en zone naturelle et forestière du PLUi et, d'autre part, l'absence d'identification d'une zone humide sur les parcelles cadastrées section AB nos390 et 392, situées sur le territoire de la même commune, et leur classement en zone 1AU, ainsi que, dans cette mesure, la décision du 3 juin 2020 par laquelle le président de la CAGD a rejeté son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de la CAGD une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur trois des moyens soulevés avant la clôture de l'instruction trois jours francs avant l'audience ;

- la délimitation d'une zone humide sur sa parcelle AD 68 est entachée d'une erreur de droit car la définition d'une zone humide résulte de la seule application des critères figurant aux articles L. 211-1 et R. 211-108 du code de l'environnement et de l'arrêté du 24 juin 2008 ; or, la CAGD n'a pas fait application des critères floristiques et pédologiques qui étaient cumulatifs lors de l'élaboration du PLUi contesté ; elle s'est basée sur le seul inventaire floristique de l'étude des habitats naturels et de la flore des milieux ouverts réalisée en 2017 dans le cadre de l'élaboration du PLUi ; qui ne respecte pas la méthodologie de l'arrêté ; alors qu'elle ne démontre que la présence d'un unique habitat identifié comme non systématiquement caractéristique d'une zone humide, elle n'a procédé à aucun sondage pédologique ; cette parcelle ne comporte pas de zone humide dès lors qu'elle est en surplomb du bief du Turlurot ;

- l'absence d'identification d'une zone humide sur les parcelles AB 390 et AB 392 est entachée d'erreur de droit au regard de l'absence de vérification de la présence de zones humides ; en l'absence de végétation présente sur ces parcelles, la CAGD se devait d'investiguer le critère pédologique avant d'exclure toute présence de zone humide et décider d'ouvrir à l'urbanisation cette zone, ainsi que l'avaient recommandé les services de l'Etat dans leur avis du 10 mai 2019 et la Mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) dans son avis du 7 mai 2019 ; en n'y procédant pas, la CAGD n'a pas cherché à éviter le risque d'atteinte aux zones humides sur cette partie de la commune en méconnaissance de la démarche éviter-réduire-compenser prévue à la disposition 6B-04 du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône Méditerranée ; la parcelle AB 392 est habituellement inondée ou gorgée d'eau dans la mesure où elle est traversée par le bief du Turlurot ; les parcelles adjacentes AB 134 et 135 ont été classées comme zones humides, et d'ailleurs de classe 3 au relevé cadastral, tout comme les parcelles AB 390 et AB 392 ; le rapport de présentation précise d'ailleurs que l'OAP du Brûlot présente un degré de sensibilité écologique élevé en raison de la présence de " réservoirs de biodiversité de type forestiers, zones humides, prairies, bocage, ou corridors écologiques " ;

- le classement des parcelles AB 390 et AB 392 en zone 1AU est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, en raison des éléments mentionnés ci-dessus et en ce qu'il n'est pas suffisamment justifié et participe de l'étalement urbain, ainsi que l'a relevé la MRAE qui a estimé que le projet de PLUi s'avérait beaucoup trop consommateur d'espaces et ne répondait pas aux objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ;

- la délibération approuvant le PLUI est entachée d'un vice de procédure, dès lors que des modifications y ont été apportées après enquête publique, en méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2022 et le 26 juillet 2024, la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD), représentée par Me Brocard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il n'est pas justifié que le moyen tiré de la modification apportée au PLUi après la clôture de l'enquête publique ait été soulevé dans un mémoire en réplique qui aurait été enregistré au tribunal le 17 septembre 2021 ;

- les omissions d'une enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision finale que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision ; en l'espèce, le territoire communautaire n'est pas couvert par un SCOT, la CGAD a décidé de demander des dérogations au préfet pour pouvoir ouvrir à l'urbanisation des secteurs constructibles auparavant classés en zone agricole, naturelle et forestière ou en zone urbanisée " fermée " par délibération du 21 janvier 2019 arrêtant le PLUi ; ces demandes ont fait l'objet d'arrêtés préfectoraux du 7 juin 2019 émettant des avis favorables ou défavorables ou réservés ; ces arrêtés ont été adressés le 18 juin 2019 par la CAGD aux mairies et inclus dans tous les dossiers d'enquête publique à compter du vendredi 21 juin 2019 ; le public a ainsi largement pu consulter ces informations et s'est exprimé sur le sujet ; il a également été avisé des recours gracieux formulés par la CAGD à l'encontre des arrêtés défavorables du préfet ; la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers a réalisé un nouvel examen en date du 27 septembre 2019 et le préfet a ensuite accordé de nouvelles dérogations par arrêtés du 4 octobre 2019 ; il n'était pas nécessaire de procéder à une nouvelle enquête publique suite à ces arrêtés dès lors que le contenu des demandes de dérogation était connu du public lors de l'enquête publique ; s'agissant des arrêtés préfectoraux du 14 novembre 2019, ils correspondent à des demandes de dérogation supplémentaires sollicitées par le public qui ont fait l'objet d'un avis favorable de la part de la commission d'enquête publique et portent sur des superficies de faibles importance ;

- le rapport de présentation précise que la délimitation des zones humides s'est appuyée sur l'inventaire de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et celui de la fédération de chasse de Franche-Comté ; la CAGD a également fait réaliser dans le cadre de l'élaboration du PLUi un inventaire des milieux ouverts sur les secteurs potentiellement urbanisables, qui s'est appuyé d'une part, sur le critère floristique ; concernant la commune d'Abergement La Ronce, une zone humide a été identifiée sur la parcelle cadastrée section AD 68, , sur la base du critère floristique, et les espèces suivantes ont été identifiées Lolio perennis, Cynosuretum cristati, Centaureao jacea et Arrhenatherenion elatioris ; la loi du 24 juillet 2019, applicable à la date d'approbation du PLUi a modifié les critères d'identification des zones humides en précisant que les critères floristiques et pédologiques sont alternatifs et non cumulatifs ; ainsi la seule présence d'espèces et d'habitats hygrophiles identifiés sur la parcelle suffit à qualifier cette zone de zone humide ;

- s'agissant du classement en zone 1AUb des parcelles AB 390 et AB 392, le zonage du PLUi a été réalisé sur le fondement des principes édictés par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, notamment le développement urbain maîtrisé et la préservation des espaces naturels et affectés aux activités agricoles et forestières ; le zonage A a été maintenu dans le secteur de la rue du Samerey, aux fins de protection des activités agricoles, et les espaces d'urbanisation future ont été privilégiés au sud du village, notamment l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) impasse du Brûlot ; cette zone est éloignée de près de 200 mètres des bâtiments agricoles, notamment de l'exploitation agricole de Mme A..., et elle était déjà classée en secteur urbanisée dans le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; seuls les secteurs que la CAGD entend ouvrir à l'urbanisation doivent faire l'objet d'investigations pour détecter la présence de zones humides, cependant ces investigations ne sont pas nécessaires pour des secteurs précédemment classés en zone urbaine ; de plus, sur cette zone, aucune végétation caractéristique des zones humides ne pouvait amener la CAGD à douter du caractère non humide de la zone ; l'éventuelle existence d'une zone humide ne compromet pas le projet d'extension de l'intéressée, cette dernière pouvant faire l'objet de compensations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 24 juin 2008 modifié précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Cholet, représentant Mme A..., et de Me Brocard, représentant la CAGD.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 15 décembre 2015, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Grand Dole (CAGD) a décidé d'élaborer le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la collectivité, qui compte 47 communes, dont la commune d'Abergement-la-Ronce. Après en avoir arrêté le projet, par une délibération du 21 janvier 2019, et avoir procédé à une enquête publique qui s'est déroulée du 11 juin au 19 juillet 2019, le conseil communautaire de la CAGD a approuvé ce PLUi par une délibération du 18 décembre 2019. Le 15 février 2020, Mme A..., propriétaire de la parcelle AD 68 située sur le territoire de la commune d'Abergement-la-Ronce, sur laquelle elle exerce une activité d'exploitation agricole en polyculture - élevage, a exercé un recours gracieux contre cette délibération en tant qu'elle a retenu l'existence d'une zone humide sur sa parcelle AD 68 et en tant qu'elle a classé partiellement les parcelles AB 390 et AB 392, adjacentes à son exploitation, en zone 1AU. Par une décision du 3 juin 2020, le président de la CAGD a rejeté ce recours gracieux. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler ce rejet ainsi que, à titre principal, la délibération du 18 décembre 2019 portant approbation du PLUi. Par la présente requête, elle relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de l'examen des mémoires produits en première instance qu'un ultime mémoire a été enregistré pour Mme A... au greffe du tribunal le vendredi 17 septembre, soit avant la clôture d'instruction des 3 jours francs avant l'audience qui s'est tenue le jeudi 23 septembre, en l'absence d'autre mesure préalable de clôture. Si ce mémoire a été visé dans le jugement litigieux, il ressort du jugement qu'il n'a pas été répondu au moyen nouveau et recevable de légalité externe tiré du vice de procédure tenant aux modifications apportées au PLUi après l'enquête publique. Cette omission à statuer entraîne l'irrégularité du jugement attaqué qui doit, par suite, être annulé.

3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par la requérante en première instance.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la délibération du 18 décembre 2019 :

Sur les moyens de légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 153-12 du code de l'urbanisme : " Un débat a lieu au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et des conseils municipaux ou du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables mentionné à l'article L. 151-5, au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme. / Lorsque le plan local d'urbanisme est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale, le débat prévu au premier alinéa du présent article au sein des conseils municipaux des communes membres est réputé tenu s'il n'a pas eu lieu au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme ".

5. Il résulte de ces dispositions que les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) doivent faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour d'une séance du conseil municipal se tenant au moins deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme et que les membres du conseil municipal doivent être mis à même de discuter utilement, à cette occasion, des orientations générales envisagées.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'un débat sur les orientations du PADD a eu lieu lors de la séance du conseil municipal d'Abergement la Ronce du 2 mai 2017, soit plus de deux mois avant l'approbation du PLUi le 18 décembre 2019. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les orientations du PADD n'ont pas été débattues au sein du conseil municipal d'Abergement-la-Ronce. Le moyen invoqué à ce titre doit donc être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable : 1° Les zones à urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002 ainsi que les zones naturelles, agricoles ou forestières d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu ne peuvent être ouvertes à l'urbanisation à l'occasion de l'élaboration ou d'une procédure d'évolution d'un document d'urbanisme ; (...) ". L'article L. 142-5 de ce code dispose que : " Il peut être dérogé à l'article L. 142-4 avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime et, le cas échéant, de l'établissement public prévu à l'article L. 143-16. La dérogation ne peut être accordée que si l'urbanisation envisagée ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques, ne conduit pas à une consommation excessive de l'espace, ne génère pas d'impact excessif sur les flux de déplacements et ne nuit pas à une répartition équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services. ". Enfin, l'article L. 153-21 du même code dispose que : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale ;(...) ".

8. En l'espèce, la commune d'Abergement la Ronce n'étant pas couverte par un schéma de cohérence territoriale (SCOT), la CGAD a présenté des demandes de dérogations au préfet pour pouvoir ouvrir à l'urbanisation des secteurs auparavant classés en zone agricole, en zone naturelle et forestière ou en zone urbanisée dite " fermée ", lesquelles ont été examinées par la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) le 26 avril 2019. Ces demandes ont fait l'objet d'arrêtés du préfet du 7 juin 2019 qui ont accordé certaines des dérogations sollicitées, le cas échéant avec des réserves, et refusé les autres. La CAGD a formulé des recours gracieux concernant les 12 arrêtés du 7 juin 2019 refusant des dérogations. A la suite d'un nouvel examen de la CDPENAF le 27 septembre 2019, le préfet a, par des arrêtés du 4 octobre 2019, accordé les dérogations demandées. Par ailleurs, de nouvelles ouvertures à l'urbanisation ont été sollicitées au cours de l'enquête publique, ont également été examinées par la CDPENAF le 27 septembre 2019 et ont donné lieu à des dérogations accordées par le préfet par des arrêtés du 14 novembre 2019.

9. Il ressort des pièces du dossier que les dérogations accordées par les arrêtés du 14 novembre 2019 procèdent d'observations émises par le public pendant l'enquête publique. En revanche, si la CAGD soutient que le public a été avisé de la teneur des recours gracieux formulés par la CAGD à l'encontre des arrêtés du 7 juin 2019 du préfet rejetant des demandes de dérogation et ayant donné lieu, après réexamen par la CDPENAF, aux arrêtés du 14 octobre 2019, elle n'établit ni même n'allègue que les ouvertures à l'urbanisation autorisées par les arrêtés du 14 octobre 2019 auraient figuré dans le projet arrêté par la délibération du 21 janvier 2019 et soumis à l'enquête publique, ni que ces modifications résulteraient d'avis joints au dossier de l'enquête publique, d'observations du public ou du rapport de la commission d'enquête. Il s'ensuit que Mme A... est fondée à se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme, qui entache d'illégalité l'intégralité de la délibération d'approbation du PLUi.

Sur les moyens de légalité interne :

En ce qui concerne la détermination des zones humides:

10. Aux termes de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent. ". L'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa version issue de la loi du 24 juillet 2019, dispose que : " I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ;(...) ". L'article R. 211-108 du code de l'environnement prévoit que : " I.- Les critères à retenir pour la définition des zones humides mentionnées au 1° du I de l'article L. 211-1 sont relatifs à la morphologie des sols liée à la présence prolongée d'eau d'origine naturelle et à la présence éventuelle de plantes hygrophiles. Celles-ci sont définies à partir de listes établies par région biogéographique. En l'absence de végétation hygrophile, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide. II.- La délimitation des zones humides est effectuée à l'aide des cotes de crue ou de niveau phréatique, ou des fréquences et amplitudes des marées, pertinentes au regard des critères relatifs à la morphologie des sols et à la végétation définis au I. III. -Un arrêté des ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent article et établit notamment les listes des types de sols et des plantes mentionnés au I (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 24 juin 2008 modifié précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement : " Pour la mise en œuvre de la rubrique 3. 3. 1. 0 de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, une zone est considérée comme humide si elle présente l'un des critères suivants : 1° Les sols correspondent à un ou plusieurs types pédologiques (...) 2° Sa végétation, si elle existe, est caractérisée par : -soit des espèces identifiées et quantifiées selon la méthode et la liste d'espèces figurant à l'annexe 2. 1 au présent arrêté (...) -soit des communautés d'espèces végétales, dénommées " habitats ", caractéristiques de zones humides, identifiées selon la méthode et la liste correspondante figurant à l'annexe 2. 2 au présent arrêté. ".

11. Il ressort du PLUi et, notamment, de son rapport de présentation et du paragraphe 4.3 de la partie II de la partie écrite de son règlement que ses auteurs ont entendu se référer, pour la définition des zones humides qu'ils ont identifiées dans la partie graphique du règlement, aux critères résultant du code de l'environnement et, notamment, des dispositions citées ci-dessus des articles L. 211-1 et article R. 211-108 de ce code. Il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa version issue de la loi du 24 juillet 2019, applicable à la délibération d'approbation du PLUI du 18 décembre 2019, que les critères floristiques et pédologiques permettant la caractérisation d'une zone humide présentent désormais un caractère alternatif et non cumulatif.

12. En l'espèce, l'analyse de l'état initial de l'environnement effectué dans le rapport de présentation du PLUi précise que la délimitation des zones humides s'est appuyée sur l'inventaire de la direction régionale de l'équipement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Franche-Comté réalisé entre 1998 et 2004 et sur celui de la fédération de chasse de Franche-Comté mis à jour en 2012 et que la CAGD a également fait réaliser en 2017 dans le cadre de l'élaboration du PLUi un inventaire des milieux ouverts dans les secteurs potentiellement urbanisables, qui s'est appuyé sur le seul critère floristique.

13. S'agissant de la parcelle AD 68, si cette étude a mis en évidence la présence des habitats suivants : Lolio perennis - Cynosuretum cristati et Centaureao jaceae - Arrhenatherenion elatioris, seul ce dernier habitat figure à l'annexe II relative aux habitats humides de l'arrêté du 24 juin 2008 modifié précité et est coté " p " (pro parte) et non " H ". Il résulte du point 2.2.2 concernant la liste d'habitats des zones humide de l'annexe II sur la végétation des zones humides de cet arrêté que " Pour ces habitats cotés p " (pro parte), de même que pour les habitats qui ne figurent pas dans ces listes (c'est-à-dire ceux qui ne sont pas considérés comme caractéristiques de zones humides), il n'est pas possible de conclure sur la nature humide de la zone à partir de la seule lecture des données ou cartes relatives aux habitats. Une expertise des sols ou des espèces végétales conformément aux modalités énoncées aux annexes 1 et 2.1 doit être réalisée ". Or, il n'est pas justifié de la réalisation d'une telle expertise des sols ou des espèces végétales.

14. Par ailleurs, aux termes du point 2.2. relatif aux habitats des zones humides de l'annexe II de l'arrêté susmentionné, " l'examen des habitats consiste à effectuer un relevé phytosociologique conformément aux pratiques en vigueur (6) et à déterminer s'ils correspondent à un ou des habitats caractéristiques de zones humides parmi ceux mentionnés dans l'une des listes ci-dessous. Sinon, il convient de vérifier les indications fournies par l'examen des sols. ". Or, il résulte de l'étude des milieux ouverts réalisée par la CAGD que compte-tenu des difficultés d'accès de certains espaces enclavés, tous les habitats n'ont pu être visités et que, dans ce cas, " la caractérisation phytosociologique des habitats enclavés ou clôturés se fait alors à dire d'expert en se basant notamment sur la physionomie de l'habitat et la reconnaissance de quelques espèces à distance (...) ".

15. Dans ces conditions et alors qu'il ressort du constat d'huissier et du relevé cadastral produits par Mme A... que la parcelle AD 68 se trouve en surplomb du bief du Turlurot, la méthodologie prévue par les dispositions précitées n'a pas été respectée. L'identification d'une zone humide sur la parcelle AD 68 est ainsi entachée d'erreur de droit et doit, par suite, être annulée.

16. S'agissant des parcelles cadastrées AB 390 et 392, la CAGD admet n'avoir procédé à aucune investigation sur ces parcelles aux fins de rechercher la présence d'éventuelles zones humides, alors qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, du constat d'huissier et des photographies produits par Mme A... que ces parcelles, situées en contrebas de la parcelle AD 68 et traversées par le bief du Turlurot, sont susceptibles d'être inondées, que les parcelles adjacentes AB 134 et AB 135 se trouvant au même niveau sont des zones humides avérées et que la sensibilité écologique du secteur concerné par l'OAP relative à l'impasse du Brûlot a été cotée, dans le paragraphe 4.1 du tome du rapport de présentation consacré aux justifications et à l'évaluation environnementale, au niveau le plus élevé, correspondant à " la présence de réservoirs de biodiversité de type forestiers, zones humides, prairies, bocage, ou corridors écologiques ". Tant les services de l'Etat au titre du contrôle de légalité de la délibération litigieuse que la mission régionale de l'Autorité environnementale (MRAE), dans son avis du 7 mai 2019, ont d'ailleurs relevé qu'il n'était pas démontré que tous les secteurs ouverts à l'urbanisation aient fait l'objet d'investigations pour détecter la présence de zones humides et que le rapport de présentation ne comportait pas suffisamment d'informations sur la connaissance des zones humides et leur préservation, sans que les demandes de compléments d'études alors formulées aient été suivies d'effet. Dans ces conditions, l'absence d'identification de zones humides sur les parcelles AB 390 et 392 est entachée d'erreur de droit et doit, par suite, être annulée.

En ce qui concerne le classement partiel des parcelles AB 390 et AB 392 en zone 1AU :

17. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; e) Les besoins en matière de mobilité ; (...) ". L'article L. 131-7 du code de l'urbanisme dispose que : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 et prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2. Lorsqu'un de ces documents est approuvé après l'approbation d'un plan local d'urbanisme, d'un document en tenant lieu ou d'une carte communale, ces derniers sont, si nécessaire, rendus compatibles ou les prennent en compte dans un délai de trois ans. ". Aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : (...) 9° Les objectifs de protection définis par les schémas d'aménagement et de gestion des eaux prévus à l'article L. 212-3 du code de l'environnement ; (...)".

18. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

19. Il ressort du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) que les auteurs du PLUi ont entendu concilier le développement urbain avec la préservation des espaces naturels en conformité avec les dispositions précitées de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme. Le PADD fixe à cet effet les équilibres résidentiels de l'agglomération et prévoit la construction de 3 200 logements à l'échéance de 15 ans sur le territoire communautaire divisé en quatre secteurs, la commune d'Abergement-la-Ronce étant située dans le secteur ouest. Pour cette commune, le choix a été fait de prévoir les espaces d'urbanisation future au sud du village, notamment par l'OAP " Impasse du Brûlot " qui concerne le secteur en cause et prévoit l'aménagement d'un ensemble de 6 maisons sur une superficie de 5 300 m², conduisant au classement partiel des parcelles AB 390 et AB 392, adjacentes aux parcelles AB 134 et AB 135 également exploitées par Mme A..., en zone 1AU.

20. Par application des dispositions combinées des articles L. 131-7 et L. 131-2 du code de l'urbanisme précités, le PLUi doit être compatible avec les objectifs du SDAGE Rhône Méditerranée, lequel prévoit, à sa disposition 6A-02, la préservation des espaces de fonctionnement des milieux aquatiques, dont les zones humides au sens de L. 211-1 du code de l'environnement.

21. Toutefois, si les auteurs du PLUi ont ainsi entendu préserver les zones humides et les ont identifiées comme des espaces à protéger en application des dispositions précitées de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme, il n'apparaît pas qu'ils aient entendu, à cette fin, conférer aux parcelles en cause un zonage spécifique aux termes du règlement graphique du PLUi. Ainsi, la circonstance, à la supposer établie, que les parcelles AB 390 et 392 comportent des zones humides ne suffit pas à caractériser une erreur manifeste d'appréciation dans le classement de ces parcelles en zone 1AU. Cette circonstance ne suffit pas davantage à faire regarder un tel classement comme incompatible avec l'objectif du SDAGE Rhône Méditerranée de préservation des espaces de fonctionnement des milieux aquatiques.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la délibération du 18 décembre 2019 approuvant le PLUi et la décision du 3 juin 2020 rejetant le recours gracieux de Mme A... doivent être annulées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la CAGD au titre des frais exposés qui ne sont pas compris dans les dépens.

24. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CAGD une somme de 2 000 euros à verser à la requérante au titre de ces frais.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000811 du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La délibération du 18 décembre 2019 du conseil communautaire de la CAGD et la décision du 3 juin 2020 rejetant le recours gracieux de Mme A... sont annulées.

Article 3 : La CAGD versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la CAGD tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la communauté d'agglomération du Grand Dole.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 21NC03320 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03320
Date de la décision : 10/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : SCP GRILLON - BROCARD - GIRE - TRONCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-10;21nc03320 ?
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