Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Par un jugement n° 2309067 du 26 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédures devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2024, sous le n°24NC01551, Mme B..., représentée par Me Andreini, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2309067 du 26 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle contrevient aux dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle contrevient aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la circulaire du 28 novembre 2012 prévoit la possibilité d'une admission exceptionnelle au séjour au regard de la vie privée et familiale en qualité de parents d'enfants scolarisés ;
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 août 2024 à 12 heures.
Un mémoire en défense présenté par le préfet du Haut-Rhin a été enregistré le 16 janvier 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Stenger a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 11 mai 2016, accompagnée de deux de ses enfants, D... et A.... Elle a présenté une demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié, laquelle a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 novembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 mars 2017. Mme B... a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 31 mars 2017, dont la légalité a été confirmée par une ordonnance de cette cour du 28 décembre 2017. Le 15 septembre 2022, Mme B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer le titre de séjour ainsi sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme B... relève appel du jugement ci-dessus visé du 24 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté du 20 janvier 2023.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme B... se prévaut notamment de la durée de son séjour en France de huit années, de la scolarisation et des apprentissages en France de ses deux enfants devenus majeurs qui, selon elle, ont vocation à rester établis sur le territoire français en raison de leurs activités professionnelles dans les domaines de la restauration et de la coiffure. Elle fait également valoir le fait que son fils A..., qui vit toujours avec elle, bénéficiera de plein droit d'un titre de séjour compte tenu de son entrée en France avant l'âge de treize ans et qu'il sera isolé si elle retourne en Albanie. Toutefois, les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de humains et des libertés fondamentales ne lui garantissent pas le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. En l'espèce, la durée de présence en France de la requérante résulte de l'instruction de ses demandes d'asile devant l'OFPRA et la CNDA et du fait qu'elle n'a pas respecté la première mesure d'éloignement prise à son encontre en 2017. Par ailleurs, Mme B... ne justifie par aucun élément être particulièrement insérée dans la société française. Ainsi, elle n'établit pas avoir développé en France des liens privés, professionnels ou familiaux d'une particulière intensité. En outre, la requérante ne démontre pas ni même n'allègue qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans avec son mari, qui est décédé en 2022 alors qu'il lui rendait visite en France, comme cela ressort du compte-rendu d'entretien du 15 septembre 2022, et où résident toujours son premier fils, ainsi que ses parents et frères et soeurs. Enfin, alors que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie, l'intéressée ne saurait se prévaloir de la situation scolaire et professionnelle de ses enfants qui sont également en situation irrégulière sur le territoire français. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte-tenu notamment des conditions de séjour de la requérante en France, le préfet du Haut-Rhin, en adoptant la décision attaquée, n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel ladite décision a été prise. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les normes ci-dessus reproduites et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....
4. En dernier lieu, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Andreini et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2025.
La rapporteure,
Signé : L. StengerLe président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
No 24NC01551 2