Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association départementale de réponse à l'urgence du Jura a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020, par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a modifié, à compter du 1er octobre 2020, la sectorisation de la garde ambulancière du Jura et d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020, par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a arrêté les tableaux de garde ambulancière pour le quatrième trimestre 2020 pour les quatre secteurs du Jura.
Par un jugement n° 2001497 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 24 décembre 2021, le 20 octobre 2022 et 16 janvier 2023, l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura, représentée par Me Lambert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001497 du tribunal administratif de Besançon du 30 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020, par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a modifié, à compter du 1er octobre 2020, la sectorisation de la garde ambulancière du Jura ;
3°) de mettre à la charge de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre à la branche de son moyen relative à l'absence de réduction du nombre de carences ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle a pour conséquence d'allonger les temps d'intervention et d'augmenter les carences ;
- elle méconnaît le principe de sécurité juridique dès lors qu'elle a été édicté en plein milieu des congés estivaux avec une date d'entrée en vigueur à deux mois sans prévoir de mesures transitoires alors qu'elle a un impact financier important pour les sociétés concernées ;
- elle méconnaît l'article R. 6312-20 du code de la santé publique dès lors que l'agence régionale de santé n'a pris en compte ni les contraintes géographiques, ni la localisation des établissements de santé et des territoires de permanence des soins pour réviser les secteurs de garde.
Par des mémoires en défense enregistrés le 7 juin 2022 et le 20 février 2023, le directeur de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lambert, avocat de l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura.
Une note en délibéré présentée le 13 mars 2025 par l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura a été enregistrée et non communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 28 juillet 2020, le directeur général de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté a modifié la sectorisation de la garde ambulancière du Jura en diminuant le nombre de secteurs de six à quatre par la fusion des secteurs de Lons-le-Saunier et de Saint-Amour et de ceux de Saint-Claude et de Morez. L'association départementale de réponse à l'urgence du Jura dont l'objet social est d'organiser la participation des transporteurs sanitaires privés à l'aide médicale urgente et toutes les missions qui en découlent dans le département du Jura, fait appel du jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 novembre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 juillet 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande, l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura soutenait notamment que l'arrêté du 28 juillet 2020, qui fusionne des secteurs sans allouer de moyens supplémentaires, a pour effet de supprimer deux lignes de garde et donc d'allonger le temps d'intervention des ambulances et d'entraîner des carences. Il résulte du point 9 du jugement attaqué que le tribunal s'est prononcé sur ce moyen. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en ce que les premiers juges auraient omis de répondre à ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 6312-18 du code de santé publique, " Afin de garantir la continuité de prise en charge des patients pendant les périodes définies par arrêté du ministre chargé de la santé, une garde des transports sanitaires est assurée sur l'ensemble du territoire départemental. " et de l'article R. 6312-19 du même code, " Les entreprises de transports sanitaires agréées pour l'accomplissement des transports mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 6312-11 sont tenues de participer à la garde départementale en fonction de leurs moyens matériels et humains. "
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 6312-20 du code de la santé publique : " Le territoire départemental fait l'objet d'une division en secteurs de garde. /Cette division, qui sert de base à l'élaboration du tableau de garde, tient compte des délais d'intervention, du nombre d'habitants, des contraintes géographiques, de la localisation des établissements de santé et des territoires de permanence des soins prévus à l'article R. 6315-1. Elle est arrêtée par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du comité mentionné à l'article R. 6313-1. (...) ".
5. En premier lieu, la requérante n'établit pas qu'en édictant sa décision portant modification de la sectorisation de la garde ambulancière le 28 juillet 2020 et en prévoyant une mise en œuvre le 1er octobre 2020, le directeur de l'agence régionale de santé aurait porté atteinte au principe de sécurité juridique alors que cette réforme a fait l'objet d'une concertation pendant plusieurs mois. En outre, elle soutient sans l'établir que les sociétés auraient rencontré des difficultés d'organisation pour assurer leurs gardes à compter du 1er octobre 2020 et auraient été impactées financièrement par une application trop précipitée de cette révision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique est écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude de faisabilité réalisée par l'autorité régionale de santé en novembre 2018 sur le département du Jura ainsi que du procès-verbal du comité départemental de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires réuni le 9 juillet 2019 qui a rendu un avis défavorable sur le projet de sectorisation, que l'objectif poursuivi par la révision des secteurs de garde adoptée par l'arrêté attaqué du 28 juillet 2020 était de diminuer les carences et d'améliorer les temps d'intervention et ainsi l'accessibilité des patients aux établissements de soins de chaque secteur. Cette révision sectorielle visait ainsi à opérer un rééquilibrage en fonction de la population à desservir et une plus juste répartition des moyens de transports sanitaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que pour arrêter quatre secteurs géographiques de garde le directeur général de l'agence régional de santé n'aurait pas pris en compte les contraintes géographiques, ni la localisation des établissements de santé et des territoires de permanence des soins. Par suite, le moyen soulevé en ce sens est écarté.
7. En dernier lieu, cette révision implique également une diminution du nombre de véhicules de garde, qui passe de six à quatre, engendrant, ainsi que le reconnaît l'administration, pour certaines communes, des allongements de distances et de délais d'intervention sur un secteur géographique plus étendu malgré la mise en place de commandes numériques permettant la traçabilité des véhicules de garde alors que les véhicules de secours du SMUR et du SDIS n'ont pas vocation à pallier les insuffisances de la garde ambulancière. Cette nouvelle organisation ne permet ainsi pas d'atteindre les objectifs poursuivis en termes de diminution des carences et d'amélioration des temps d'intervention. Cette situation a, au demeurant, été corrigée, postérieurement à la décision attaquée, par le cahier des charges pour l'organisation de la garde et de la réponse à la demande de transports sanitaires urgents dans le département du Jura adopté le 27 juin 2022 qui affecte un ou deux véhicules supplémentaires de garde dans trois des secteurs ainsi créés sur certaines périodes et créneaux horaires.
8. Il résulte de ce qui précède que l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 juillet 2020 en tant qu'elle prévoit l'affectation d'un seul véhicule de garde par secteur.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'autorité régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura sur le fondement des mêmes dispositions au titre des frais exposés tant devant le tribunal administratif de Besançon que devant la présente cour.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 30 novembre 2021 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : La décision en date du 28 juillet 2020 de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté est annulée en tant qu'elle prévoit l'affectation d'un seul véhicule par secteur de garde.
Article 3 : L'Etat versera à l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association départementale de réponse à l'urgence du Jura, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles et au directeur de l'agence régionale de santé Bourgogne Franche-Comté.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : I. Legrand
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
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N° 21NC03347