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22/04/2025 | FRANCE | N°23NC02100

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 23NC02100


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2208432 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :




Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Snoeckx, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2208432 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Snoeckx, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la décision à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros TTC au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision est entachée d'une erreur de droit dans l'application des dispositions des articles L. 435-1, L. 423-23 et L. 422-1 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas produit.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne, déclare être entrée en France le 10 septembre 2015 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 août 2016, dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 mars 2017. Le 12 novembre 2018, Mme B... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale sur le territoire français. Par un arrêté du 12 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 14 février 2023, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux étrangers étudiant en France dès lors qu'il ne ressort des pièces du dossier ni qu'elle serait dans une telle situation, ni qu'elle aurait sollicité son admission au séjour sur le fondement de ces dispositions, la préfète n'ayant, en outre, pas recherché de sa propre initiative s'il y avait lieu de l'admettre au séjour en cette qualité, ce dont elle n'avait pas l'obligation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Mme B... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis 2015, afin de résider auprès de ses filles dont l'une est mariée avec un ressortissant français et a un enfant alors que son mari est décédé en 2016, qu'elle suit des cours de français, a une activité bénévole dans une association et a noué des liens amicaux en France. Toutefois, la présence de la requérante sur le territoire français n'est régulière que durant l'examen de sa demande d'asile qui a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA. L'une de ses filles est mariée à un ressortissant français avec lequel elle a eu un enfant en 2020 et a ainsi créé sa propre cellule familiale. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que son autre fille a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2018 et ne dispose d'aucun droit au séjour sur le territoire français et ce, en dépit de la demande de titre de séjour qu'elle aurait présentée. En outre, s'il n'est pas contesté que Mme B... s'occupe régulièrement de son petit-fils, elle n'établit ni n'allègue être investie de l'autorité parentale sur cet enfant et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle en assurerait à titre principal la garde, l'entretien et l'éducation. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la requérante n'est pas dépourvue d'attaches personnelles dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 53 ans et où résident notamment son frère et sa sœur. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la préfète n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision en litige a été prise.

5. Dans ces conditions, et alors qu'elle ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie personnelle dans le pays dont elle est la ressortissante et où elle a vécu pendant plus de cinquante ans, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète du Bas-Rhin a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise et méconnu les dispositions et stipulations précitées ou encore qu'elle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.

6. En troisième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

7. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 4, Mme B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui permettre de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la préfète du Bas-Rhin, dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation qu'elle tient des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 5, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Snoeckx.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 23NC02100


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02100
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : SNOECKX

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;23nc02100 ?
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