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30/04/2025 | FRANCE | N°22NC01053

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 30 avril 2025, 22NC01053


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI du Canal a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Choisey a refusé de lui délivrer un permis d'aménager une aire d'accueil de camping-cars.



Par un jugement n° 2001956 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 av

ril 2022 et le 10 novembre 2023, la SCI du Canal, représentée par Me Devevey, demande à la cour :



1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI du Canal a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Choisey a refusé de lui délivrer un permis d'aménager une aire d'accueil de camping-cars.

Par un jugement n° 2001956 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 avril 2022 et le 10 novembre 2023, la SCI du Canal, représentée par Me Devevey, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 2 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 du maire de la commune de Choisey ;

3°) d'enjoindre à la commune de Choisey de lui délivrer le permis d'aménager sollicité ou, subsidiairement, de réinstruire sa demande après avis conforme du préfet ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Choisey la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de complétude et de modification du délai d'instruction est irrégulière et ne saurait avoir prorogé le délai d'instruction de la demande de permis d'aménager ;

- le classement de la parcelle terrain d'assiette de l'opération en zone Ap du plan local intercommunal (PLUi) du Grand Dole est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le projet ne méconnaît pas le règlement de la zone Ap du PLUi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, la commune de Choisey, représentée par Me Dravigny, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI du Canal en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'en rapporte aux écritures de la communauté d'agglomération du Grand Dole sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de la parcelle en zone Ap du PLUi ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- si l'illégalité du classement du terrain d'assiette du projet en zone Ap était retenue, la décision serait légalement fondée sur les dispositions de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme faute de production des pièces manquantes dans un délai de trois mois.

Par un mémoire en observations, enregistré le 8 septembre 2022, la communauté d'agglomération du Grand Dole, représentée par Me Brocard, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la SCI du Canal en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité du classement est inopérant tel que soulevé et, en tout état de cause, infondé ;

- si l'illégalité du classement en zone AP dans le PLUi était retenue, le plan d'occupation des sols (POS) remis en vigueur, classant le terrain en zone 2NAY, ne permet pas non plus la réalisation du projet ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, par un courrier du 18 février 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Communauté d'Agglomération du Grand Dole, simple observatrice, ainsi que de son moyen de défense tendant à la substitution du motif tiré de la méconnaissance du PLUi du Grand Dole par celui tiré de la méconnaissance du POS remis en vigueur.

Les parties ont été informées, par un courrier du 18 février 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que l'arrêté contesté doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation du plan local d'urbanisme intercommunal et d'habitat du Grand Dole par un arrêt de la cour du 10 février 2025.

Par un mémoire, enregistré le 26 février 2025, la communauté d'agglomération du Grand Dole a présenté ses observations sur les moyens relevés d'office.

Par un mémoire, enregistré le 26 février 2025, la commune de Choisey a présenté ses observations sur les moyens relevés d'office.

Par un mémoire, enregistré le 12 mars 2025, la SCI du Canal a présenté ses observations sur le moyen relevé d'office tiré de l'annulation par voie de conséquence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,

- et les observations de Me Devevey, représentant la SCI du Canal et de Me Clément-Elles, substituant Me Suissa, représentant la communauté d'agglomération du Grand Dole.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du Canal a déposé, le 16 décembre 2019, une demande de permis d'aménager la parcelle cadastrée section ZP n° 77 située 1 chemin de Parthey sur le territoire de la commune de Choisey dans le Jura, en vue de la création d'une aire d'accueil de camping-cars. Par la présente requête, elle demande à la cour d'annuler le jugement du 2 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le maire de la commune de Choisey a refusé de lui délivrer le permis d'aménager sollicité.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-48 alors en vigueur de ce même code : " Lorsque la demande précise que le demandeur accepte de recevoir à une adresse électronique les réponses de l'autorité compétente, les notifications peuvent lui être adressées par échange électronique. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier recommandé avec accusé de réception du 3 janvier 2020, la commune de Choisey a adressé au maître d'œuvre de la SCI du Canal une demande de complément du dossier, visant la première demande de permis d'aménager qu'elle avait déposée le 12 juin 2018 et lui indiquant une modification du délai d'instruction au motif que le projet est situé dans le périmètre de protection des monuments historiques. Par un courrier électronique du 7 janvier 2020, la commune a indiqué qu'une erreur de copier-coller s'était produite et qu'il convenait de ne pas tenir compte de ce courrier. Par un courrier recommandé du 10 janvier 2020, reçu le 11 janvier, la commune de Choisey a adressé à nouveau une demande de complément à la SCI du Canal. La commune produit au dossier une demande de complément datée du 10 janvier 2020, visant la demande du 16 décembre 2019 et prolongeant le délai d'instruction à quatre mois. Alors même que le maître d'œuvre, qui n'a pas réagi à la réception de la seconde demande, datée du 10 janvier 2020, a demandé, à l'été 2020, un envoi de la " bonne " demande de complément et a indiqué, dans sa réponse à la demande de pièce adressée à la commune de Choisey le 18 août 2020, que " le courrier du 11 janvier 2020 était identique au 1er envoi ", il ne ressort pas des pièces du dossier que ce second envoi était identique à celui du 3 janvier 2020 visant à tort une précédente demande de permis d'aménager et qu'elle ne portait pas sur la demande datée du 10 janvier 2020. Par ailleurs, si le pétitionnaire a indiqué, dans sa demande, accepter de recevoir par voie électronique les demandes du service instructeur, la circonstance que la commune de Choisey ait adressé cette demande par courrier postal avec accusé de réception n'est pas de nature à la rendre irrégulière au regard des dispositions précitées de l'article R. 423-48 du code de l'urbanisme. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la demande de pièce adressée le 10 janvier 2020 n'aurait pas été faite de manière régulière doit être écarté dans toutes ses branches.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-12-1 du code de l'urbanisme : " L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision. ".

5. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

6. En l'espèce, l'annulation du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Grand Dole par l'arrêt n° 21NC03320 de la cour du 10 février 2025 prive de base légale le refus de permis d'aménager litigieux fondé sur la méconnaissance des dispositions du règlement applicable à la zone AP dans laquelle ce PLUi classe la parcelle litigieuse.

7. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir, devant le juge de l'excès de pouvoir, que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Aux termes de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 et L. 442-14, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. ".

9. Aux termes de l'article IINAY 0 du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Choisey immédiatement antérieur au PLUi annulé par la cour le 10 février 2015 et remis en vigueur en application des dispositions précitées de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme : " Caractère de la zone / Il s'agit d'une zone non équipée réservée à une urbanisation future à long terme affectée aux activités économiques (industrie, artisanat, commerces) et qui ne pourra être aménagée que par modification du POS ".

10. Le projet étant situé en zone IINAY du POS remis en vigueur, il ne pourrait être accepté que sous réserve d'une modification de ce document d'urbanisme. Ce motif invoqué en défense par la commune de Choisey est ainsi de nature à fonder légalement le refus de permis d'aménager contesté. Il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Choisey aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif. Il y a donc lieu de procéder à la substitution demandée, qui ne prive pas, en l'espèce, la société pétitionnaire d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI du Canal n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la SCI du Canal, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions en injonction présentée par la requérante ne peuvent par suite qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Choisey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCI du Canal demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elles font également obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI du Canal la somme demandée à ce titre par la communauté d'agglomération du Grand Dole, qui a la qualité d'observatrice et non de partie dans la présente instance. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du Canal la somme demandée par la commune de Choisey sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI du Canal est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Choisey et par la communauté d'agglomération du Grand Dole sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Canal, à la communauté d'agglomération du Grand Dole et à la commune de Choisey.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC01053 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01053
Date de la décision : 30/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : SCP GRILLON - BROCARD - GIRE - TRONCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-30;22nc01053 ?
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