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28/05/2025 | FRANCE | N°22NC00102

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 28 mai 2025, 22NC00102


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité.



Par un jugement n° 2000801 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio dépressif de Mme B..., a f

ixé le taux d'invalidité à 30 % à compter du 19 janvier 2016 et a rejeté la demande de Mme B... au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 2000801 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio dépressif de Mme B..., a fixé le taux d'invalidité à 30 % à compter du 19 janvier 2016 et a rejeté la demande de Mme B... au titre de l'infirmité d'état de stress post-traumatique.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 17 janvier 2022, le 24 mars 2023, le 11 mai 2023 et le 9 juin 2023, la ministre des armées et des anciens combattants demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 novembre 2021 en tant qu'il a annulé la décision du 11 avril 2019 en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio dépressif de Mme B... et a fixé le taux d'invalidité à 30 % à compter du 19 janvier 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, l'entretien professionnel du 10 février 2011 ne présente pas le caractère d'un fait de service au sens de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dont les conséquences peuvent ouvrir un droit à une pension militaire d'invalidité, mais relève des conditions générales du service ;

- Mme B... n'a pas été exposée à des circonstances exceptionnelles de service différentes de celles exigées de ses collègues militaires de même grade ;

- l'entretien professionnel s'est déroulé dans des conditions normales alors même qu'il a mis en exergue des manquements graves quant à la manière de servir de Mme B... ;

- le médecin chargé des pensions militaires et la commission consultative médicale n'ont pas retenu le fait unique justifiant un état anxio-dépressif ;

- la délivrance d'un certificat de visite le 21 janvier 2016 pour l'inscription au registre des constatations en vue de créer un dossier de pension militaire d'invalidité ne présume pas de la reconnaissance d'imputabilité au service de la maladie déclarée le 10 février 2011 ;

- les problèmes relationnels de Mme B... avec sa hiérarchie sont mentionnés à de nombreuses reprises dans son livret médical avant l'entretien du 10 février 2011 ;

- le tribunal a méconnu son office de juge de plein contentieux en ne se prononçant pas sur l'intitulé exact de l'infirmité accordée ;

- l'appel incident de Mme B... est irrecevable dès lors qu'il soulève un litige distinct de l'appel principal ;

- subsidiairement, la pathologie de Mme B... ne relève pas d'un état de stress post-traumatique au sens de l'annexe 2 du guide barème annexée au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

Par des mémoires en défense enregistrés le 13 juin 2022, le 12 avril 2023 et le 6 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Houpert, demande à la cour :

1°) de rejeter l'appel de la ministre des armées et des anciens combattants ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il ne retient pas l'existence de l'infirmité " état de stress post-traumatique " et les droits en découlant ;

3°) de fixer le taux d'invalidité d'origine professionnelle à 80 % ;

4°) d'enjoindre à la ministre des armées et des anciens combattants de liquider ses droits à pension à la date de sa demande initiale du 19 janvier 2016, au plus tard dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- l'imputabilité au service de son infirmité " état de stress post-traumatique " est établie par les deux expertises ;

- la reconnaissance de cette infirmité conduit à lui reconnaître un taux d'invalidité de 80 % ;

- son appel incident n'est pas irrecevable en raison de l'unicité du litige.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Houpert, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 12 juillet 1957, est entrée dans la gendarmerie en 1979, dans le corps des personnels administratifs militaires et a été rayée des contrôles de la gendarmerie le 13 février 2016 au grade de major. Par une demande du 11 janvier 2016, elle a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour " état de stress post-traumatique-anxiété-stress aggravé-névrose traumatique " résultant d'un fait survenu le 10 février 2011. Par une décision du 11 avril 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande aux motifs que l'infirmité " troubles anxio-dépressifs : hyper réactivité émotionnelle, réactivations régulières, troubles du sommeil, vécu de préjudices, conduites d'évitement " n'était pas imputable au service et que l'infirmité " état de stress post-traumatique " est inexistante. Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio-dépressif de Mme B..., a fixé le taux d'invalidité à 30 % à compter du 19 janvier 2016 et a rejeté le surplus de la demande de Mme B....

2. La ministre des armées et des anciens combattants relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 11 avril 2019 en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio dépressif de Mme B... et a fixé le taux d'invalidité à 30 % à compter du 19 janvier 2016. Mme B... demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique ".

Sur la recevabilité de l'appel incident :

3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que postérieurement à l'expiration du délai d'appel, Mme B... a demandé à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 novembre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " état de stress post-traumatique ". Cette demande relève d'un litige distinct de l'appel formé par la ministre des armées et des anciens combattants, relatif à l'infirmité " troubles anxio-dépressifs : hyper réactivité émotionnelle, réactivations régulières, troubles du sommeil, vécu de préjudices, conduites d'évitement " et, est par suite irrecevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de termes de l'article L. 6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors applicable : " La pension prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande ". Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en vigueur à la date de la demande de pension de Mme B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ;2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ;3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie.

6. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précité, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières du service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité.

7. Il résulte de l'instruction que Mme B..., cheffe de la section matériel armement munitions optiques divers de la région gendarmerie de Lorraine, a été reçue en entretien professionnel le 10 février 2011 en vue d'examiner sa manière de servir ainsi que ses compétences. A la suite de cet entretien, Mme B... a été placée en congé maladie ordinaire puis en congé de longue durée pour maladie avant d'être rayée des contrôles de la gendarmerie le 13 février 2016.

8. Il ressort du rapport d'expertise du 3 octobre 2017 que l'entretien professionnel du 10 février 2011 a constitué un évènement traumatogène pour Mme B..., décrit comme ayant provoqué une très vive blessure narcissique, un sentiment d'injustice et un vécu de préjudice intense, et l'a conduite à un état anxio-dépressif lequel, s'il s'est amélioré à compter de l'année 2014, comporte une fixation des troubles anxieux avec une réactivation régulière due notamment aux démarches administratives ou contentieuses engagées postérieurement par Mme B.... Si cet entretien professionnel présente un lien avec la symptomatologie anxio-dépressive de l'intéressée, il ne résulte toutefois pas des pièces versées à l'instance que les conditions de cet entretien au cours duquel des reproches lui ont été adressés quant à sa manière de servir en présence du général commandant de région, du colonel chef d'état-major et du chef d'état-major adjoint, puissent être regardées comme des circonstances particulières du service au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Par suite, en l'absence de preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre l'état anxio-dépressif de Mme B... et des circonstances particulières du service à l'origine de cette affection, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est, à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu comme imputable au service l'état anxio-dépressif de l'intéressée.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que la ministre des armées et des anciens combattants est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2019 en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio-dépressif de Mme B....

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000801 du 16 novembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service l'état anxio dépressif de Mme B... et a fixé le taux d'invalidité de Mme B... pour cette infirmité à 30 % à compter du 19 janvier 2016.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'elle demande l'annulation de la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées en tant qu'elle ne reconnaît pas comme infirmité imputable au service son état anxio dépressif est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par Mme B... ainsi que ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Michel, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 22NC00102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00102
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : HOUPERT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;22nc00102 ?
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