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28/05/2025 | FRANCE | N°23NC03578

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 28 mai 2025, 23NC03578


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, une carte de séjour temporaire portant la mention

" vie privée et familiale ".



Par un jugement n° 2300744 du 3 mai 2023, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de résident ou, à défaut, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

Par un jugement n° 2300744 du 3 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 24 janvier 2023, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Boukara, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2023 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 en tant qu'il comporte un refus de délivrance de la carte de résident et en tant qu'il ne statue pas sur la demande d'injonction de lui délivrer cette carte sur le fondement de l'article L. 425-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 janvier 2023 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin en tant qu'il lui refuse la délivrance d'une carte de résident ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de résident dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé et est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ne se réfère pas à ses prétentions relatives à la carte de résident ;

- l'arrêté du préfet lui refusant l'admission au séjour en tant qu'il comporte un refus de délivrance d'une carte de résident n'est pas motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- ce refus de délivrance d'une carte de résident est entaché d'un défaut d'examen de sa demande ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 425-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'un détournement de procédure et de pouvoir.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A... n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision 7 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante turque, née en 1986, a contracté mariage avec un compatriote, le 19 août 2017, à Konya, en Turquie et est entrée régulièrement sur le territoire français le 14 décembre 2019, munie d'un visa long séjour valant titre de séjour, au bénéfice du regroupement familial. A la suite de violences conjugales, Mme A... a été placée sous ordonnance judiciaire de protection et a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 7 avril 2021 au 6 avril 2022. Par un arrêté du 24 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin n'a pas renouvelé son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 3 mai 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 en tant qu'il comporte un refus de délivrance de la carte de résident et en tant qu'il ne statue pas sur la demande d'injonction de lui délivrer cette carte sur le fondement de l'article L. 425-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement du tribunal administratif de Strasbourg qu'après avoir fait droit aux conclusions tendant à l'annulation du titre de séjour contesté par Mme A... tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal a enjoint, compte tenu de ce motif d'annulation, à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Ce faisant, le tribunal doit être réputé avoir nécessairement examiné et écarté l'ensemble des moyens soulevés devant lui relatifs au bien-fondé du refus de titre de séjour que la requérante invoquait à l'appui de sa demande principale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur l'injonction à la délivrance d'un titre de séjour sollicitée en première instance :

3. Lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2. De même, lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l'expiration du délai de recours, les prétentions qu'il soumet au juge de l'excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d'annulation, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c'est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens assortissant la demande principale du requérant mais retient un moyen assortissant sa demande subsidiaire, le juge de l'excès de pouvoir n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler la décision attaquée : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande principale. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.

4. Aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin se voit délivrer, dans les plus brefs délais, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Une fois arrivée à expiration elle est renouvelée de plein droit à l'étranger qui continue à bénéficier d'une telle ordonnance de protection. / Lorsque l'étranger a porté plainte contre l'auteur des faits elle est renouvelée de plein droit pendant la durée de la procédure pénale afférente, y compris après l'expiration de l'ordonnance de protection ". Et, aux termes de l'article L. 425-8 de ce code : " En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, l'étranger détenteur de la carte de séjour prévue aux articles L. 425-6 et L. 425-7 ayant déposé plainte pour des faits de violences commis à son encontre par son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou pour des faits de violences commis à son encontre en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de le contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. / Le refus de délivrer la carte de résident prévue au premier alinéa ne peut être motivé par la rupture de la vie commune avec l'auteur des faits ".

5. Par l'arrêté contesté du 24 janvier 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si la requérante soutient avoir également demandé à la préfète la délivrance d'une carte de résident au titre des dispositions de l'article L. 425-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces versées à l'instance par la requérante ne sauraient être regardées comme suffisantes pour établir la réalité d'une telle demande. Par suite, et alors que la préfète n'était pas tenue d'examiner d'office le droit au séjour de Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 425-8, les moyens présentés par la requérante à l'appui de sa demande d'annulation de la décision refusant de lui délivrer une carte de résident sur ce fondement sont inopérants et doivent, pour ce motif, être écartés.

6. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 en tant qu'il comporte un refus de délivrance de la carte de résident, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de résident. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I DE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Michel, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 23NC03578


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03578
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;23nc03578 ?
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