Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 12 novembre 2024, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A... et autres, jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de cet arrêt, imparti à la SCI Reffye Expertise et à la commune d'Epinal pour notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice tiré de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal et, d'autre part, réservé jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par cet arrêt.
Par des mémoires, enregistrés le 11 mars 2025 et le 4 avril 2025, la SCI Reffye Expertise maintient ses précédentes conclusions.
Elle soutient que le vice tiré de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme est régularisé par la délivrance le 6 mars 2025 d'un permis de construire modificatif.
Par un mémoire enregistré le 24 mars 2025, M. et Mme A..., Mme C... et D... maintiennent leurs précédentes conclusions et, en outre, demandent à la cour administrative d'appel d'annuler l'arrêté du maire de la commune d'Epinal du 6 mars 2025.
Ils soutiennent que :
- le vice retenu n'est pas régularisé, dès lors que le simple dépôt d'une demande de permission de voirie ne suffit pas à conférer aux travaux d'aménagement de la voirie un caractère certain ;
- les travaux ne peuvent être autorisés par une permission de voirie dès lors qu'ils concernent des travaux publics à réaliser sur le domaine public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la code de la commande publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- les observations de Me Damilot, avocate de la SCI Reffye Expertise.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal et les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2025 :
1. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-2 du même code, " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance ".
2. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
3. Aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal : " 1-accès. Toute nouvelle construction est interdite sur les terrains non desservis par des voies publiques ou privées, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil, dans les conditions répondant à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à édifier, notamment en ce qui concerne la commodité : de la circulation, de l'accès et de l'approche des moyens de lutte contre l'incendie (...). Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit ". Aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ".
4. La conformité d'un immeuble aux prescriptions d'un plan local d'urbanisme relatives à la voie de desserte des constructions s'apprécie non par rapport à l'état initial de la voie mais en tenant compte des prévisions inscrites dans le plan local d'urbanisme à l'égard de celle-ci et des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation qui doit être certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation.
5. Aux termes de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ". Aux termes de l'article R. 424-17 du même code : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. / (...) ".
6. En l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé dans l'arrêt avant dire-droit du 12 novembre 2024, les caractéristiques de la voie publique permettant l'accès au terrain sont insuffisantes en termes de sécurité, eu égard aux exigences du plan local d'urbanisme, le terrain débouchant directement, à l'angle de la rue Louis Barthou et de la rue Bellevue, à l'emplacement d'un passage piéton et de la bande matérialisée au sol imposant aux véhicules, à l'extrémité de la rue Bellevue, de marquer l'arrêt avant de s'engager dans la rue Louis Barthou. Les travaux d'aménagement de la voirie, prévus par le permis de construire du 27 février 2018 modifié, consistent, en particulier, en un déplacement d'un passage piéton. Ces travaux sont à la charge de la SCI Reffye Expertise.
7. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Reffye Expertise a saisi le département des Vosges d'une demande de permission ou d'autorisation de voirie, de permis de stationnement ou d'autorisation d'entreprendre des travaux, à l'effet d'être autorisée à occuper temporairement le domaine public à l'intersection de la rue Louis Barthou, c'est-à-dire la route départementale D12, et de la rue de Bellevue, pour y réaliser les travaux prévus par le permis de construire du 27 février 2018 modifié. Par une décision du 10 janvier 2025, le président du conseil départemental des Vosges a donné son " acceptation d'engagement de la procédure de permission de voirie ". La SCI a sollicité de la commune d'Epinal un permis de construire modificatif le 19 février 2025, qui lui a été délivré le 6 mars 2025.
8. Si les intimés font valoir que la modification d'un carrefour entre une route départementale et une voie communale n'est, selon eux, pas susceptible d'être réalisée par un pétitionnaire privé sur la base d'une permission de voirie, ce moyen n'est pas au nombre de ceux qui, en vertu de la règle rappelée au point 2 du présent arrêt, peuvent être invoqués à l'encontre du permis modificatif du 6 mars 2025. Il n'est, en outre, pas tiré de la méconnaissance de dispositions législatives ou règlementaires mentionnés à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, au regard desquelles s'apprécie la légalité d'un permis de construire. Dès lors, il doit être écarté.
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision du président du conseil départemental des Vosges, qui se réfère d'ailleurs expressément à l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme, exprime l'accord de ce gestionnaire du domaine public constitué par la route départementale D12 pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public nécessaire à la réalisation des travaux sur ce domaine prévus par le permis de construire du 27 février 2018 modifié.
10. Il ressort des pièces jointes à la demande ayant donné lieu à la délivrance du permis modificatif du 6 mars 2025 que la consistance des travaux à effectuer à l'intersection de la rue Louis Barthou et de la rue de Bellevue est déterminée de manière certaine, de même que la durée d'occupation du domaine public nécessaire à la réalisation de ces travaux. La circonstance que l'ensemble des modalités matérielles de réalisation de ces travaux ne serait pas déterminé est sans incidence pour apprécier le respect de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal. La conformité au permis de construire de l'édification de la construction autorisée est subordonnée à la réalisation de ces travaux par la SCI Reffye Expertise. Dès lors, cette réalisation est certaine dans son principe. En outre et quant à son échéance, cette réalisation est, nécessairement, subordonnée au respect de la durée de validité du permis de construire du 27 février 2018, résultant de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Il en résulte que, quand bien même la date ne pourrait en être d'emblée connue, cette réalisation est certaine dans son échéance.
11. Il résulte de ce qui précède qu'en l'état du permis de construire modificatif du 6 mars 2025, la réalisation des travaux de voirie permettant le respect de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal est certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation. En conséquence, ce permis modificatif régularise le vice relevé au point 12 de l'arrêt du 12 novembre 2024, de sorte que le permis du 27 février 2018 modifié, tel qu'ainsi modifié le 6 mars 2025, ne méconnaît pas cet article UE 3.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Ils ne sont pas non plus fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2025.
Sur les frais d'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
14. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". Outre que la présente instance n'a pas donné lieu à des dépens, il résulte de ces dispositions que le droit de plaidoirie n'est pas compris dans les dépens. Par suite, les conclusions présentées par le conseil des requérants tendant au versement de la somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SCI Reffye Expertise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., représentant unique des requérants en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune d'Epinal à la SCI Reffye Expertise.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de Baleine
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet des Vosges e en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 21NC03132