La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2025 | FRANCE | N°22NC03153

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 03 juin 2025, 22NC03153


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le maire de la commune de Vitry-le-François lui a attribué, au titre du complément indemnitaire annuel pour l'année 2021, un montant de seize euros.



Par un jugement n° 2102292 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté municipal du 2 août 2021.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 17 décembre 2022, la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le maire de la commune de Vitry-le-François lui a attribué, au titre du complément indemnitaire annuel pour l'année 2021, un montant de seize euros.

Par un jugement n° 2102292 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté municipal du 2 août 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 17 décembre 2022, la commune de Vitry-le-François, représentée par Me Noizet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les mentions portées dans le compte-rendu d'entretien professionnel ne mentionnent pas le degré d'expérience acquis ;

- M. B... ne travaille pas seul mais a des relations avec d'autres agents et est en contact avec du public ;

- la disponibilité, l'initiative et le volume de travail de M. B... ont été évalués sur un demi-poste ;

- l'agent n'a pas apporté d'observations à son compte-rendu d'entretien professionnel ;

- M. B... n'a pas exercé de façon satisfaisante ses missions ;

- il manque de neutralité et de réserve ;

- les moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à M. B..., représenté par Me Chalon, qui n'a pas produit de défense.

A la suite d'une mesure d'instruction, la commune de Vitry-le-François a communiqué des pièces enregistrées le 19 avril 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., agent technique territorial principal de seconde classe, employé à la commune de Vitry-le-François, est affecté à l'accueil des services techniques communautaires et notamment chargé de l'ouverture et la fermeture des parcs, jardins et cimetières. Par un arrêté du 2 août 2021, le maire de la commune lui a attribué un montant de 16 euros au titre du complément indemnitaire annuel pour l'année 2021. La commune de Vitry-le-François relève appel du jugement du 18 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans version applicable au litige : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. (...) ". L'article 76 de la même loi prévoit, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. Ce compte rendu est visé par l'autorité territoriale qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations (...) ". Aux terme de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. L'organe compétent fixe, notamment, la liste des emplois dont les missions impliquent la réalisation effective d'heures supplémentaires ouvrant droit aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires versées dans les conditions prévues pour leur corps de référence figurant en annexe au présent décret. / (...) L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire ".

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 4 du même décret : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. (...) ".

4. Enfin, aux termes des dispositions de la délibération du 20 juin 2019 par laquelle le conseil municipal de Vitry-le-François a déterminé le régime indemnitaire des agents communaux : " 2. Critères d'attribution du C.I.A. et procédure d'attribution du C.I.A. (annexe 1) : / Le versement du C.I.A. tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir. L'appréciation de l'engagement professionnel et de la manière de servir doit se fonder sur l'entretien professionnel prévu par le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014. / Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction des tâches qui sont confiées à l'agent et du niveau de responsabilité assumé. / Ces critères portant notamment sur : / - les résultats obtenus par l'agent et la réalisation des objectifs ; / - les compétences professionnelles techniques ; / - les qualités relationnelles ; / - la capacité d'encadrement ou d'expertise ou, le cas échéant, la capacité à exercer des fonctions d'un niveau supérieur. / Ces critères déterminent le périmètre obligatoire d'évaluation de la valeur professionnelle. Il est possible d'ajouter des critères complémentaires pour préciser plus finement l'évaluation. (...) Le montant du CIA, quant à lui, alloué à chaque agent bénéficiaire dépend du nombre de points alloués par l'évaluateur direct selon la grille de critères susvisés (...) Le nombre de point détermine le montant final alloué à l'agent selon le tableau suivant (...) ".

5. L'arrêté du 2 août 2021 précise que " l'engagement professionnel de l'agent ainsi que sa manière de servir, du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, justifient l'attribution du complément indemnitaire au taux de 20% en août 2021 ". Malgré la demande de la cour, la commune n'a pas produit de compte-rendu d'entretien professionnel signé par l'agent et l'autorité territoriale, le document produit ne comportant qu'une signature de l'évaluateur et de l'autorité territoriale sans date certaine. Dès lors, la commune ne remet pas sérieusement en cause le compte-rendu d'entretien professionnel produit par M. B... en première instance, lequel comporte des mentions différentes de l'exemplaire produit par la commune.

6. A cet égard, le compte-rendu d'entretien professionnel remis à l'agent mentionne au titre de l'appréciation générale traduisant la valeur professionnelle de ce dernier : " Agent expérimenté sur des missions d'accueil du public et de contrôle d'accès aux lieux publics " et indique au titre de l'évaluation des compétences : " points forts de l'agent : expérience acquise dans la gestion des cimetières. Expérience acquise dans l'accueil du public et le contrôle d'accès des lieux publics. / Points à améliorer : compétences informatiques à développer ".

7. A la suite de cet entretien, le supérieur hiérarchique de M. B... a renseigné un tableau permettant de calculer un nombre de points sur un total de 100 pour déterminer le montant final de complément indemnitaire annuel. Si la plupart des items évalués dans ce tableau ne figurent pas dans le compte-rendu d'entretien professionnel, il apparait toutefois des incohérences. Ainsi, il est précisé " objectifs individuels non atteints depuis 2014 " ce qui a donné lieu à l'attribution d'un coefficient nul alors pourtant que le compte-rendu d'entretien professionnel ne mentionne aucun objectif individuel pour l'année 2020 et que l'agent n'était pas concerné par les objectifs assignés collectivement. Concernant l'item " relations avec la hiérarchie, les élus, les partenaires et les usagers ", le coefficient attribué à M. B... est nul pour le motif " relations avec la collectivité et le public dégradées ". La commune soutient que M. B... est amené à renseigner des administrés sans démontrer toutefois l'existence d'une dégradation des contacts avec le public et alors que le compte-rendu d'entretien professionnel précise que M. B... démontre une " Expérience acquise dans l'accueil du public et le contrôle d'accès des lieux publics ". Par ailleurs, les appréciations indiquant une " capacité d'organisation insuffisante ", pour justifier d'un coefficient nul, ou encore " niveau de compétences inférieur au grade de l'agent ", justifiant de l'attribution de cinq points, sont en contradiction avec les appréciations portées dans le compte-rendu d'entretien professionnel remis à l'agent.

8. Ensuite, concernant l'item " travail collaboratif ou en équipe ", M. B... a bénéficié de cinq points en raison d'un " travail en équipe ou en transversalité insuffisant " alors que ce dernier a précisé travailler seul et sans que la circonstance qu'il partage un bureau avec deux autres agents ne suffise à considérer qu'il est amené à travailler en équipe pour les missions qui lui sont dévolues. Pour l'item " implication dans le travail, assiduité ", il est précisé qu'un tel item n'est pas atteint pour un agent régulièrement absent qui manque d'initiative et ne répond pas présent en cas de surcharge. Ici aussi, un coefficient nul a été attribué à M. B... au motif " disponibilité, initiative et volume de travail insuffisant ". Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est affecté à un poste à temps plein, les missions qui lui sont confiées sont insuffisantes pour l'occuper durant toute la durée de son temps de travail. Contrairement à ce que soutient la commune de Vitry-le-François, le fait d'évaluer l'agent pour un demi-poste de travail ne suffit pas à justifier d'un manque d'implication dans le travail. Enfin, il a été attribué cinq points à l'item " respect des valeurs du service public " pour le motif " neutralité équité et devoir de réserve partiellement respecté ". Toutefois, en se bornant à produire deux messages électroniques du même jour sans autre élément probant ainsi qu'un article de presse produit par l'agent dans le cadre de la procédure de première instance, la commune n'établit pas l'existence d'un comportement qui pourrait être amélioré. Par suite, en attribuant un total de 20 points sur un total de 100, déterminant un montant final de 16 euros pour le complément indemnitaire annuel, le maire de la commune de Vitry-le-François a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vitry-le-François n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 2 août 2021.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Vitry-le-François demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Vitry-le-François est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vitry-le-François et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Rousselle, présidente,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLa présidente,

Signé : P. Rousselle

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 22NC003153 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03153
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ACG REIMS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;22nc03153 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award