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03/06/2025 | FRANCE | N°23NC02999

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 03 juin 2025, 23NC02999


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.



Par un jugement n° 2301014 du 17 août 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.


> Procédure devant la cour :



Par une requête et des pièces enregistrées les 26 septembre et 16 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.

Par un jugement n° 2301014 du 17 août 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 26 septembre et 16 novembre 2023, Mme D..., représentée par Me Champy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à défaut sur le fondement de l'article L. 423-23 du même code sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la compétence du signataire de la décision n'est pas établie ;

- la décision est insuffisamment motivée et ne prend pas en compte les éléments relatifs à sa vie privée et familiale ;

- la décision méconnait les dispositions des articles L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la compétence de l'auteur de l'acte n'est pas établie ;

- elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle ne comporte aucun motif de fait et de droit en méconnaissance de la directive retour.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Peton a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante géorgienne née le 12 janvier 1972, déclare être entrée en France le 11 décembre 2018 pour y solliciter l'asile. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 avril 2020. Le 17 juin 2022, Mme D... a sollicité un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 20 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme D... relève appel du jugement du 17 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme C... A..., directrice de l'immigration et de l'intégration par intérim de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui a reçu délégation par un arrêté préfectoral du 3 octobre 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour à l'effet de signer notamment " toutes décisions de classement sans suite, de refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour, de refus de séjour, faisant obligation de quitter le territoire et de reconduite à la frontière (expulsion) et de réadmission, fixant le pays de renvoi, refusant ou prolongeant le délai de départ volontaire, (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 précité, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme D..., le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris en considération l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 11 janvier 2023 selon lequel l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.

8. Mme D... souffre de polyarthrite rhumatoïde et bénéficie d'un traitement associant plusieurs molécules. Toutefois, les documents qu'elle produit ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait pas être soignée dans son pays d'origine ou que le traitement qui lui est prescrit ne serait pas disponible. A cet égard, la circonstance que la spécialité pharmaceutique Talzt 80 mg n'est pas commercialisée en Géorgie ne suffit pas à considérer que le principe actif de ce médicament, l'ixekizumab, ne serait pas disponible dans ce pays. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette prise en charge médicale, quand bien même ne serait-elle pas équivalente quant à son coût pour les patients à celle disponible en France, ne serait pas accessible à la généralité de la population en Géorgie, alors même qu'elle serait très coûteuse pour les patients.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni que le préfet, qui n'en avait pas l'obligation, a examiné la demande au regard de ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaisse de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Mme D... déclare être entrée en France en 2018 alors qu'elle était âgée de quarante-six ans. Son séjour n'est, ainsi, pas ancien. Elle ne justifie pas de liens personnels particuliers anciens et stables en France, ni se trouve dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. En conséquence, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de Mme E... en France et eu égard aux effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet de Meurthe-et-Moselle, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels ont été prises ces décisions, qui, par suite, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En sixième lieu, eu égard à ce qui a été dit concernant la décision portant refus de titre de séjour, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de cette première décision.

13. En septième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande de titre, de préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, qui n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'étranger à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de séjour, est ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire français.

14. En huitième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme D... n'établit pas que les décisions portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposées sont entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions doit être écarté.

15. En neuvième lieu, Mme D... ne fait valoir aucun élément de nature à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours devrait lui être accordé et n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours ce délai.

16. En dernier lieu, la requérante ne peut se prévaloir utilement de la méconnaissance des dispositions des articles 7, 8 et 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui ont été transposées en droit interne par les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Champy.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A Betti

2

N° 23NC02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02999
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : CHAMPY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23nc02999 ?
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