Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 25 janvier 2024 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2401392 du 5 juin 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2024, M. A... B..., représenté par Me Hentz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2024 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère de la décision déférée ;
- le dossier ne pouvait être considéré comme incomplet ;
- il fournissait des documents permettant de justifier de sa nationalité ;
- à défaut, l'administration n'était pas dans l'impossibilité d'instruire sa demande ;
- il établit être de nationalité géorgienne ;
- la production d'un certificat de naissance peut suffire à justifier de sa nationalité ;
- des récépissés de demande de carte de séjour lui ont été délivrés ;
- il est possible d'instruire la demande en l'absence de justificatif de nationalité revêtu d'une photo d'identité ;
- ne sont pas exigées des démarches répétées et assidues ;
- il y a lieu de requalifier la décision contestée en un refus de titre, susceptible de recours ;
- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant étranger né en 1966 à Tbilissi, alors en Union soviétique, est entré sur le territoire français le 2 octobre 2006. Des cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " lui ont été délivrées, valables du 21 février 2007 au 6 avril 2016. En 2016, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident. Par une décision du 11 avril 2016, la préfète du Bas-Rhin lui a fait savoir qu'en l'absence de copie d'un document justifiant de sa nationalité, sa demande était incomplète. M. B... n'a pas présenté un tel document. Des récépissés successifs, valant autorisation provisoire de séjour, lui ont néanmoins été délivrés, valables jusqu'au 22 janvier 2021. Le 18 janvier 2024, il a sollicité la régularisation de sa situation de séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'admission exceptionnelle au séjour prévu par l'article L. 435-1 de ce code. Par une décision du 25 janvier 2024, la préfète du Bas-Rhin, refusant d'enregistrer cette demande, l'a rejetée comme irrecevable, faute pour M. B... de produire un document justifiant de sa nationalité. M. B... relève appel du jugement du 5 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, comme irrecevable, sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 25 janvier 2024.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le refus d'enregistrer une demande de titre de séjour motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet, en l'absence de l'un des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou lorsque l'absence d'une pièce mentionnée à l'annexe 10 à ce code, auquel renvoie l'article R. 431-11 du même code, rend impossible l'instruction de la demande.
3. Aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions dans lesquelles les demandes de titres de séjour sont déposées auprès de l'autorité administrative compétente sont fixées par voie réglementaire. ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / (...) / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article R. 431-11 de ce code : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code. / (...) ". L'annexe 10 à ce code prévoit que, dans tous les cas, l'étranger qui demande la délivrance d'un titre de séjour doit fournir un " justificatif de nationalité : passeport (pages relatives à l'état civil, aux dates de validité, aux cachets d'entrée et aux visas) ou, à défaut, autres justificatifs dont au moins un revêtu d'une photographie permettant d'identifier le demandeur (attestation consulaire, carte d'identité, carte consulaire, certificat de nationalité, etc.) ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a présenté la copie, traduite du russe en français, d'un certificat de naissance délivré le 8 mai 1984 par le bureau d'état civil de la ville de Tbilissi, alors en République socialiste soviétique de Géorgie. Toutefois, ce document ne permet pas de justifier en 2024 de la nationalité de M. B.... La lettre du 15 novembre 2023 adressée à l'ambassade de Géorgie en France et celle du 24 novembre 2023 adressée à l'ambassade de Russie en France ne sont pas propres à justifier de la nationalité, russe ou géorgienne, de M. B....
5. M. B... se prévaut de la circonstance que les titres de séjour qui lui ont été délivrés en France entre 2007 et 2015 font mention de ce qu'il est de nationalité géorgienne et qu'il en va de même des récépissés de demande de carte de séjour. Toutefois, de telles mentions, apposées par l'autorité française et n'émanant pas de l'autorité géorgienne, ne sont pas propres, pour l'application des articles R. 431-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à justifier de la nationalité géorgienne de M. B.... En outre, la circonstance dont fait ainsi état M. B... est sans incidence sur l'applicabilité de ces articles, applicables à toute demande de titre de séjour, à la demande présentée par M. B... le 18 janvier 2024.
6. Dès lors que l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité est subordonnée par l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la présentation par le demandeur d'un document justifiant de sa nationalité, l'absence d'une telle présentation rend impossible l'instruction de sa demande.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est par une exacte application des dispositions précitées des articles R. 431-10 et R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'annexe 10 à ce code que la préfète du Bas-Rhin a considéré que la demande de titre de séjour présentée par M. B... le 18 janvier 2024 était irrecevable et, pour cette raison, a refusé de l'enregistrer.
8. L'obligation faite à l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour de justifier de sa nationalité ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., dont la requête indique qu'il est de nationalité géorgienne et qui soutient qu'il résulte de l'article 30 de la loi organique géorgienne sur la nationalité du 30 avril 2014 qu'il est de nationalité géorgienne, serait dans l'impossibilité d'obtenir des autorités de l'Etat dont il dit être le ressortissant qu'elles lui délivrent un document justifiant de cette nationalité. Dès lors, la décision contestée ne méconnaît pas ces stipulations.
9. Dès lors que le dossier de demande de titre de séjour de M. B... était effectivement incomplet, c'est sans commettre d'irrégularité que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable, la décision du 25 janvier 2024 ne constituant pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Myriam Hentz.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC01981