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12/06/2025 | FRANCE | N°24NC00172

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 12 juin 2025, 24NC00172


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... et Mme B... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2023 par lesquels le préfet de la Moselle leur a retiré leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'u

ne durée d'un an.



Par un jugement n° 2307246, 2307247 du 20 décembre 2023, le vi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme B... C... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2023 par lesquels le préfet de la Moselle leur a retiré leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2307246, 2307247 du 20 décembre 2023, le vice-président désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2024, M. D..., représenté par Me Dolicanin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2023 du vice-président désigné du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2023 par lequel le préfet de la Moselle a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée au regard de l'ensemble des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- le refus d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire n'est pas motivé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 2 mai 2025, les parties ont été informées de ce qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre le refus, par le jugement attaqué, d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle du requérant en première instance, au motif que, par une décision du 17 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2024, Mme D..., représentée par Me Dolicanin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2023 du vice-président désigné du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2023 par lequel le préfet de la Moselle a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle invoque les mêmes moyens que ceux présentés par son époux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 2 mai 2025, les parties ont été informées de ce qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre le refus, par le jugement attaqué, d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de la requérante en première instance, au motif que, par une décision du 17 juin 2024 du bureau d'aide juridictionnelle, Mme D... a été admise à l'aide juridictionnelle totale.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 1er février 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes enregistrées sous les n° 24NC00172 et 24NC00173 sont relatives à la situation d'un couple au regard de son droit au séjour et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme D..., ressortissants albanais nés les 19 juillet 1997 et 15 septembre 1999, ont déclaré être entrés en France le 26 mai 2023 et y ont sollicité l'octroi du statut de réfugiés. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 septembre 2023. Par des arrêtés du 22 septembre 2023, le préfet de la Moselle a retiré leurs attestations de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 20 décembre 2023, dont les intéressés relèvent appel, le vice-président désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Si les requérants contestent le refus du tribunal administratif de les admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, il ressort des pièces du dossier que les intéressés ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de leurs demandes de première instance par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 17 juin 2024. Leurs conclusions tendant à ce que la cour annule le jugement en tant qu'il a refusé de leur accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont dès lors sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur la légalité des décisions contestées :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces dispositions ne garantissent pas à l'étranger le doit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.

5. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme D... n'étaient présents en France que depuis quelques mois à la date des décisions attaquées et n'y justifient d'aucune attache privée et familiale, alors qu'ils n'établissent ni même n'allèguent être dépourvus de liens avec leur pays d'origine où ils ont résidé la majeure partie de leur vie. Les intéressés ne peuvent utilement se prévaloir de la naissance en France de leur fils le 9 décembre 2023, cet évènement étant postérieur à l'édiction des arrêtés en litige, alors, en tout état de cause, que, les époux faisant tous deux l'objet d'une mesure d'éloignement, la cellule familiale pourra se reconstituer dans le pays d'origine. Enfin, la seule circonstance que M. D... bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de plâtrier plaquiste ne suffit pas à justifier de la qualité de leur intégration sur le territoire français. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés litigieux auraient porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si M. D... se prévaut de menaces émanant de son ex-employeur, à qui il devrait une importante somme d'argent, l'intéressé ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'il encourt des risques personnels et actuels en cas de retour en Albanie, ni, le cas échéant, qu'il ne pourrait bénéficier de la protection des autorités locales en cas de besoin, alors au demeurant que la réalité de ses craintes n'a été considérée comme établie ni par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ni par la Cour nationale du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

9. Les décisions portant interdiction de retour pour une durée d'un an comportent, d'une manière qui n'est pas stéréotypée et qui atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par la loi au vu de la situation des intéressés, l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Elles sont donc suffisamment motivées.

10. En quatrième lieu, nonobstant l'absence de menace à l'ordre public et de précédentes mesures d'éloignement édictées à leur encontre, le caractère récent du séjour en France des intéressés et leur absence d'attaches et d'intégration sur le territoire ne permettent pas de caractériser une erreur d'appréciation des interdictions de retour sur le territoire français d'un an édictées à leur encontre.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 décembre 2023, le vice-président désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés attaqués. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation du jugement en tant qu'il a refusé d'admettre M. et Mme D... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme D... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 24NC00172, 24NC00173 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00172
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : DOLICANIN SAFET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;24nc00172 ?
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