Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) A... a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, en droits et pénalités, au titre des années 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement no 2001883 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2023, la SAS A..., représentée par Me Bourcellier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de l'acte anormal de gestion :
- l'administration n'apporte pas la preuve de ce que l'achat par la société de la maison cédée par son gérant au prix de 120 000 euros caractériserait un acte anormal de gestion : elle ne produit aucune preuve des termes de comparaison qu'elle a choisis ni de photographie de l'état général des biens concernés qui permettrait de justifier d'une valeur significativement majorée du prix du bien en litige par rapport au prix du marché ;
- pour apprécier la valeur vénale du bien acquis par la société, il doit être tenu compte de ce que la maison a fait l'objet d'une reconstruction totale entre 2001 et 2010, de ce que le prix moyen de vente d'autres biens situés à proximité, sur la période considérée, s'élève à 1 128 euros, tandis que les allégations de l'administration sur l'état général du bien ne sont pas étayées ;
- la superficie du bien est de 122,60 m², et non de 116,05 m² comme retenu à tort par l'administration et le tribunal ;
S'agissant de la déductibilité des frais kilométriques :
- les agendas produits permettent d'établir la réalité des déplacements liés à l'activité de l'entreprise ;
- l'administration fiscale n'a, lors de précédentes vérifications de comptabilité, pas remis en cause les frais kilométriques déduits pas plus que les supports de preuves de ces frais et doit être regardée comme ayant pris tacitement position sur la recevabilité de ce mode de preuve au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,
- les observations de Me Bourcellier, avocat de la société A....
Considérant ce qui suit :
1. La SAS A..., qui exerce une activité de travaux du bâtiment, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Par des propositions de rectification du 18 décembre 2017 et du 5 février 2018 établies dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a procédé à la réintégration dans les résultats de la société, d'une part, de frais kilométriques remboursés à son dirigeant et non justifiés et d'autre part, après avoir retenu que l'acquisition de la maison de son gérant à un prix surévalué caractérisait un acte anormal de gestion, du montant de cette surévaluation. Le service a, dans sa réponse du 10 avril 2018 aux observations présentées par la société A..., maintenu l'intégralité des rehaussements, qui s'élevaient alors à 22 267 euros de cotisations supplémentaires en droits et pénalités, avant d'abandonner, à la suite du recours hiérarchique du 24 mai 2018, le rehaussement des résultats procédant de l'acte anormal de gestion. Puis, compte tenu de l'avis émis le 18 juin 2019 par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le service, à l'issue de l'interlocution du 30 juillet 2018, a admis la déduction de frais kilométriques correspondant aux trajets " domicile-entrepôt " effectués quotidiennement par le gérant de la société. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les majorations correspondantes ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2019 pour un montant total de 8 753 euros au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. La réclamation préalable formée par la société a été rejetée par une décision du 26 mai 2020. La société A... relève appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.
Sur le bien-fondé du rehaussement du résultat à raison des frais kilométriques déduits à titre de charges :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'œuvre (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ".
3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause la déductibilité des remboursements de frais kilométriques versés à son gérant et comptabilisés par la SAS A... à hauteur de 20 166,70 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, de 24 107,33 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et de 17 443 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016, au motif que les agendas produits pour justifier des kilométrages quotidiens ne permettaient pas d'établir ceux-ci, que la société ne justifiait pas non plus du véhicule utilisé et n'avait présenté aucune facture d'entretien ou de contrôle technique permettant de valider un kilométrage et enfin que le siège de l'établissement était situé au domicile du gérant. Par la suite, tenant compte de l'avis émis par la commission départementale des impôts, le service a admis la réalité des trajets quotidiens effectués par M. A... entre son domicile et l'entrepôt de la société et a ainsi ramené le montant réintégré dans les résultats imposables de la société à 13 174 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, à 18 628 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et à 13 762 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016.
5. Si la société requérante produit les agendas professionnels de M. A... sur lesquels figurent, jour par jour, ses lieux de départ et communes de destination, elle ne justifie toujours pas, ainsi que l'administration le lui a opposé, de la réalité des trajets qui auraient été effectués en sus de ceux admis par le service, ni d'ailleurs de leur caractère professionnel. Contrairement à ce que la société soutient, il appartient au contribuable de justifier du principe même de la déductibilité et du montant des frais kilométriques inscrits en comptabilité et non pas à l'administration de corréler les mentions figurant sur ces agendas avec les factures qui lui auraient été présentées au cours de la vérification de comptabilité. Le moyen doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B de ce livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :/ 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ".
7. La circonstance qu'au cours des années antérieures à la période en litige, en particulier lors de précédentes vérifications de comptabilité de la société, l'administration n'aurait pas remis en cause les montants de frais kilométriques déduits du résultat ne saurait constituer une prise de position formelle de ce que les agendas professionnels produits permettaient de justifier de la réalité de ces frais kilométriques. Par suite, la société A... n'est pas fondée à invoquer la garantie contre les changements de doctrine.
Sur le bien-fondé de la qualification d'acte anormal de gestion à raison de la surévaluation du prix d'acquisition d'un immeuble :
8. Il résulte de l'instruction que, si l'administration fiscale a, dans la proposition de rectification du 5 février 2018, réintégré dans les résultats de la société le montant de la surévaluation de la maison acquise auprès de son gérant, au motif que cette surévaluation constituait un anormal de gestion, elle a par la suite abandonné ce rehaussement au cours de la phase administrative de la procédure. Il s'ensuit qu'aucune des impositions laissées à la charge de la société A... ne repose sur un rehaussement de son bénéfice consécutif à l'acquisition à un prix majoré d'une maison d'habitation. Par suite, le moyen invoqué par la société requérante, tiré de l'absence de surévaluation du prix d'acquisition de cet élément d'actif est inopérant à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés demeurées à sa charge.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Agnel, président,
- Mme Stenger, première conseillère,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC00908