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17/07/2025 | FRANCE | N°23NC00830

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 17 juillet 2025, 23NC00830


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par deux requêtes distinctes, la société par actions simplifiée (SAS) Alsapan a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations foncières des entreprises établies au titre des années 2019, 2020 et 2021 dans les rôles de la commune de Boulay à raison de l'établissement qu'elle exploite au 54, rue du général Rascas.



Par un jugement n°s 2105452 et 2202287 du 16 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbo

urg a rejeté ces demandes et a infligé à la SAS Alsapan une amende de 15 000 euros sur le fondement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, la société par actions simplifiée (SAS) Alsapan a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations foncières des entreprises établies au titre des années 2019, 2020 et 2021 dans les rôles de la commune de Boulay à raison de l'établissement qu'elle exploite au 54, rue du général Rascas.

Par un jugement n°s 2105452 et 2202287 du 16 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes et a infligé à la SAS Alsapan une amende de 15 000 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 mars 2023 et un mémoire enregistré le 4 août 2023, la SAS Alsapan, représentée par Me Ferretti et Me Heinrich, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;

3°) de prononcer la décharge des amendes infligées par le tribunal administratif ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant de l'année d'imposition 2019 : c'est à tort que l'administration et les premiers juges ont fait application de l'article 1499-0 A du code général des impôts qui est inapplicable à son cas dès lors que l'immeuble litigieux relève des dispositions de l'article 1500 du code général des impôts, en ce que sa propriétaire ne remplissant pas les conditions prévues à cet article, son immeuble ne saurait en conséquence être évalué selon les modalités prévues à l'article 1499 du même code ; la doctrine administrative BOI-IF-TFB-20-10-50-20 n°1 du 10 décembre 2012 et BOI-IF-TFB-20-10-50-20 n°10 du 06 septembre 2017 est également en ce sens ; les dispositions de l'article 1499-0 A n'étant pas applicables et l'évaluation par voie de comparaison n'étant pas possible, l'établissement aurait dû être évalué, sur le fondement de l'article 1498 du code général des impôts, par voie d'appréciation directe, à la somme de 200 312 euros de valeur locative imposable sur la base de l'état du marché locatif ;

- s'agissant des années d'imposition 2020 et 2021 : la création de la SCI Bac Immobilière et l'acquisition par celle-ci le 24 novembre 2018 de l'établissement de Boulay ont été réalisées dans un but exclusivement patrimonial, découlant du retrait de M. A... comme associé de la SCI Halls Faction, ancienne propriétaire, et non pas dans un but fiscal ; cette opération ne revêt au demeurant aucun caractère fictif ; la SCI Bac Immobilier a un objet plus large que celui de la SCI Halls Faction dès lors qu'elle a acquis d'autres biens que l'établissement de Boulay et que son objet lui autorise l'acquisition de participations dans des sociétés ;

- s'agissant de l'année 2021 : la prise de position formelle adoptée en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties par l'administration par sa décision du 25 novembre 2020 peut être invoquée sur le fondement de l'article 1467 du code général des impôts ; en conséquence, la base d'imposition retenue par l'administration en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties doit lui être appliquée en matière de cotisation foncière des entreprises ;

- les recours qu'elle a introduits ne sont pas abusifs dès lors que s'agissant du litige relatif à l'année 2019, le Conseil d'Etat ne s'est pas encore prononcé et s'agissant des autres années, il s'agit d'un litige totalement nouveau dans lequel elle est en droit de contester la position de l'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par la SAS Alsapan ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Alsapan exerce dans la commune de Boulay-Moselle (Moselle) une activité de fabrication de meubles au sein d'un bâtiment dont elle était propriétaire jusqu'au 24 décembre 2013, date à laquelle elle en a cédé la propriété à la SCI Halls Faction. Par un bail commercial du 2 janvier 2014, la SCI Halls Faction a donné en location à la SAS Alsapan le bâtiment dans lequel elle exerce son activité. Par acte du 24 novembre 2018, la SCI Halls Faction a cédé la propriété de cet immeuble à une SCI Bac Immobilière laquelle l'a aussitôt donné en location à la SAS Alsapan à compter du 1er janvier 2019 par un bail commercial du 2 janvier 2019. La SAS Alsapan a saisi l'administration fiscale de réclamations tendant à la réduction de la valeur locative imposable à la cotisation foncière des entreprises des années 2019, 2020 et 2021 du bâtiment qu'elle utilise. La SAS Alsapan relève appel du jugement du 16 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la réduction de ces impositions et lui a infligé une amende en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période ". Aux termes de l'article 1494 du même code : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du second alinéa de l'article 1499-0 A du même code : " Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 font l'objet d'un contrat de crédit-bail ou de location au profit de la personne qui les a cédés, la valeur locative de ces biens immobiliers ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année de cession ". Aux termes de l'article 1500 du même code dans sa version applicable à compter des impositions de l'année 2017, comportant par rapport à la version applicable à l'année 2016 l'insertion d'un 2° : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués :/1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ;/2° Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels ;/3° Selon les règles fixées à l'article 1498, lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article ne sont pas satisfaites ". Aux termes enfin de l'article 1518 B du même code : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession / Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération ".

En ce qui concerne l'année 2019 :

3. Il résulte clairement des dispositions ci-dessus reproduites du second alinéa de l'article 1499-0 A du code général des impôts, sans qu'il soit besoin d'avoir recours aux débats parlementaires, qu'en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises, les modalités particulières de détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles louées à la personne qui les a précédemment cédées s'appliquent à l'ensemble des opérations permettant de louer le bien immobilier concerné à l'ancien propriétaire, quelle que soit la nature du contrat conclu en vue de cette mise à disposition. En conséquence, dès lors que l'établissement litigieux était un établissement industriel lorsqu'il a été cédé et qu'il en conserve les caractéristiques au titre des années litigieuses, la SAS Alsapan ne saurait utilement soutenir, afin d'échapper à l'application de ces règles, que l'établissement qu'elle exploite ne relèverait pas de l'article 1499 du code général des impôts au motif que la SCI Halls Faction ne répondrait pas aux conditions prévues à l'article 1500 du même code. Elle n'est par suite pas fondée à demander au titre de l'année d'imposition 2019 que soit substituée à l'évaluation faite de ce local par le service celle qu'elle propose sur la base du marché locatif.

4. L'établissement litigieux relevant, ainsi qu'il vient d'être dit, des règles de l'article 1499-0 A du code général des impôts, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes des instructions BOI-IF-TFB-20-10-50-20 n°1 du 10 décembre 2012 et BOI-IF-TFB-20-10-50-20 n°10 du 06 septembre 2017 lesquelles ne concernent pas les établissements passibles de ces dispositions.

En ce qui concerne l'année 2020 :

5. Aux termes de l'article 1467 A du code général des impôts : " (...) la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ".

6. Si la société requérante soutient qu'à compter de l'année d'imposition 2020 il y a lieu de tenir compte de la cession de l'immeuble litigieux à un nouveau propriétaire, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que l'acte de vente du 24 novembre 2018 stipule que l'entrée en jouissance du cessionnaire n'aura lieu que le 1er janvier 2019 tandis que le bail commercial signé entre le nouveau propriétaire et la SAS Alsapan le 1er janvier 2019 stipule qu'il ne prend effet qu'à compter du 1er janvier 2019. Il en résulte qu'au titre de l'année d'imposition 2020, le propriétaire du bâtiment d'exploitation au titre de l'année de référence 2018 était toujours la SCI Hals Faction. Par suite, la SAS Alsapan n'est pas fondée à soutenir que la base d'imposition de la cotisation foncière des entreprises de l'année 2020 devrait être déterminée selon des règles différentes de celles des années précédentes, telles que rappelées aux points ci-dessus.

En ce qui concerne l'année 2021 :

7. Il résulte des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 1499-0 A du code général des impôts que les règles qu'elles prévoient continuent à s'appliquer au locataire qui exploite l'immeuble qu'il a cédé, non seulement au titre de l'année de cession mais également au titre des années suivantes, alors même que l'immeuble a fait l'objet d'une nouvelle cession.

8. Il n'est pas soutenu et il ne résulte pas de l'instruction que la cession du bâtiment litigieux le 24 novembre 2018 aurait entraîné une modification de la consistance de l'immeuble litigieux ou des conditions matérielles de son exploitation. Dès lors, cette cession, laquelle n'a eu pour effet qu'un changement de propriétaire, demeure sans influence sur les modalités de détermination de la base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises du bâtiment d'exploitation de la SAS Alsapan laquelle en était le propriétaire initial et en demeure la locataire. Il en résulte que les modalités de détermination de cette base d'imposition résultant de l'article 1499-0 A du code général des impôts demeurent applicables en dépit du changement de propriétaire.

9. Si la société requérante soutient que la valeur locative de l'immeuble litigieux a été fixée par l'administration pour la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2019, établie au nom de la SCI Bac Immobilière, à 118 000 euros et que cette somme devrait servir de base d'imposition à sa propre cotisation foncière des entreprises de l'année 2021 en application de l'article 1467 du code général des impôts, il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus que, par dérogation, l'article 1499-0 A du code général des impôts a précisément pour effet de faire obstacle à ce que la base d'imposition de l'exploitant locataire d'un bâtiment industriel dont il était initialement le propriétaire, puisse être inférieure, en l'absence de changement de consistance, à celle de l'année au cours de laquelle il a cédé cet immeuble. Par suite, la SAS Alsapan n'est pas fondée à soutenir que la valeur locative retenue par l'administration dans sa décision du 25 novembre 2020 à l'égard de la SCI Bac Immobilière pour son imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties de l'année 2019 devrait être retenue pour sa propre cotisation foncière des entreprises de l'année 2021.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Alsapan n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions aux fins de réduction des impositions litigieuses.

Sur les amendes pour recours abusifs :

11. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

12. Les demandes présentées par la SAS Alsapan devant le tribunal administratif de Strasbourg ne sauraient, eu égard à leur objet et aux moyens qui y étaient développés, être regardées comme abusives au sens des dispositions ci-dessus reproduites. Par suite, la SAS Alsapan est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg lui a infligé des amendes pour un montant total de 15 000 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'Etat ne saurait être regardé comme la partie perdante dans la présente instance. Par suite, les conclusions de la SAS Alsapan présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg n°s 2105452 et 2202287 du 16 janvier 2023 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Alsapan est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Alsapan et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC00830 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00830
Date de la décision : 17/07/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : ADVEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-17;23nc00830 ?
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