Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes de 118 578,69 euros de suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012 et de 136 754 euros de suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2013 et 2014 qui leur ont été assignées par des mises en demeure tenant lieu de commandement de payer du 27 mai 2021.
Par un jugement n° 2102406 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par la SCP Delgenne Vaucois Delgenne, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes qui leur sont réclamées par les mises en demeure tenant lieu de commandement de payer du 27 mai 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration étant dépourvue de tout titre exécutoire en l'absence de rôle d'imposition et de notification d'avis d'imposition, ainsi que l'a jugé la Cour d'appel de Reims dont la chose jugée fait autorité, elle ne peut engager à leur encontre aucune action en recouvrement ;
- en tout état de cause, une telle action en recouvrement serait prescrite dès lors que la mise en recouvrement du 30 avril 2015 a été annulée par la Cour d'appel de Reims et qu'aucun acte interruptif n'est intervenu entre le 26 mai 2018 et le 27 mai 2021.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens invoqués par les époux A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont été rendus destinataires de trois mises en demeure valant commandement de payer du 27 mai 2021 émises par le pôle de recouvrement spécialisé des Ardennes afin d'avoir paiement de la somme totale de 257 959,69 euros correspondant à des rôles supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014 établis les 30 avril et 15 juin 2015 et 30 avril et 15 juin 2016 et des rôles primitifs de taxe d'habitation des années 2013, 2014 et 2015. Les époux A... ont contesté ces actes de poursuite par réclamation du 13 juillet 2021. Par décision du 14 septembre 2021, le comptable public a déchargé les intéressés de l'obligation de payer la somme de 2 453 euros correspondant à la taxe d'habitation et a rejeté le surplus de la réclamation. Les époux A... relèvent appel du jugement du 16 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes qui leur sont encore réclamées.
En ce qui concerne l'existence de titres exécutoires :
2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts : " Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du directeur général des finances publiques ou du préfet, soit d'avis de mise en recouvrement./Pour l'application de la procédure de recouvrement par voie de rôle prévue au premier alinéa, le représentant de l'Etat dans le département peut déléguer ses pouvoirs aux agents de catégorie A placés sous l'autorité des directeurs départementaux des finances publiques ou des responsables de services à compétence nationale, détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat. La publicité de ces délégations est assurée par la publication des arrêtés de délégation au recueil des actes administratifs de la préfecture ". Aux termes de l'article L. 252 du livre des procédures fiscales : " Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre chargé du budget ". Aux termes de l'article L. 253 du même livre : " Un avis d'imposition est adressé sous pli fermé à tout contribuable inscrit au rôle des impôts directs (...) dans les conditions prévues aux articles 1658 à 1659 A " du code général des impôts. Aux termes de l'article 257-0 A du même livre : " 1. A défaut de paiement des sommes mentionnées sur l'avis d'imposition à la date limite de paiement ou de celles mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement et en l'absence d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement formulée dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 277, le comptable public compétent adresse au contribuable une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais au sens de l'article 1912 du code général des impôts./ 2. Lorsque la mise en demeure de payer n'a pas été suivie de paiement ou d'une demande de sursis de paiement au sens de l'article L. 277, le comptable public compétent peut engager des poursuites à l'expiration d'un délai de trente jours suivant sa notification. /3. La mise en demeure de payer interrompt la prescription de l'action en recouvrement. Elle peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 281 ".
3. Il résulte de l'instruction que les sommes assignées aux époux A... par les mises en demeure ci-dessus analysées correspondent aux rôles supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales n°s 917 de 2011, 917 A de 2012, 917A de 2013, et 917A de 2014 établis les 30 avril et 15 juin 2015 et 30 avril et 15 juin 2016. Ces rôles supplémentaires ont donné lieu à l'établissement des avis d'imposition correspondant, émis aux nom et adresse des contribuables, dont les époux A... ont été rendus destinataires ainsi qu'en attestent, d'une part, la réclamation contentieuse que ces derniers ont effectuée s'agissant des années 2011 et 2012, à l'appui de laquelle ils ont produit les avis d'imposition correspondant, d'autre part, le pli recommandé mentionnant qu'il contenait les avis d'imposition des années 2013 et 2014 consécutifs aux rôles supplémentaires établis au cours de l'année 2016, les époux A... ayant été avisé par les services postaux de la présentation et de la mise en instance de ce pli qu'ils ne sont pas allés réclamer. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la chose jugée par la Cour d'appel de Reims le 12 mai 2020, laquelle a annulé des actes de saisie immobilière en l'absence de production devant elle des rôles d'imposition, ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale, détenant ainsi qu'il vient d'être dit des titres exécutoires, reprenne l'action en recouvrement par l'émission de nouveaux actes de poursuite. Il résulte de ces éléments que l'action en recouvrement correspondant aux mises en demeure ci-dessus analysées repose sur des rôles d'imposition établis et adressés aux contribuables dans des conditions régulières au regard des dispositions ci-dessus reproduites.
En ce qui concerne la prescription de l'action en recouvrement :
4. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ". Aux termes de l'article L. 277 du même livre : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes./L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent ". Aux termes de l'article R. 256-6 du même livre : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'" ampliation " prévue à l'article R. * 256-3 ".
5. D'une part, il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles les époux A... ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ont été mises en recouvrement par voie de rôle le 30 avril 2015. Le délai de prescription de l'action en recouvrement a commencé à courir à compter de cette date et a été suspendu par la demande de sursis de paiement formulée par les intéressés dans la réclamation du 13 juillet 2015, réceptionnée par le service le 15 juillet suivant. Le délai de prescription concernant ces impositions n'a recommencé à courir qu'à compter de la notification du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires établies au titre des années 2011 et 2012. Ce délai a ensuite été interrompu par la notification le 23 septembre 2017 des deux lettres de mise en demeure valant commandement de payer datées du 19 septembre 2017, que les intéressés ont réceptionnées, ainsi qu'en atteste la signature apposée sur l'avis de réception postal retourné au service, l'ensemble de ces éléments ayant été produits à l'instance et communiquées aux requérants, contrairement à ce qu'ils font valoir.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles les époux A... ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ont été mises en recouvrement par voie de rôle le 30 avril 2016. Le délai de prescription de l'action en recouvrement a commencé à courir à compter de cette date et a été interrompu par la notification le 23 septembre 2017 des deux lettres de mise en demeure valant commandement de payer datées du 19 septembre 2017 que les intéressés ont réceptionnées ainsi qu'en atteste la signature apposée sur l'avis de réception postal retourné au service.
7. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à la date à laquelle l'administration a notifié, le 4 juin 2021, les mises en demeure en date du 27 mai 2021 valant commandement de payer, le délai de prescription quadriennale régissant l'action en recouvrement forcé de l'impôt prévu par l'article L 274 précité du livre des procédures fiscales n'était pas expiré.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête des époux A... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 24NC00136 2