Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la mainlevée des actes de saisie à tiers détenteurs du 22 mars 2022 auprès de la Banque Postale et du Crédit Mutuel à hauteur de la somme de 30 608 euros ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 2205621 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la mainlevée des actes de saisie à tiers détenteurs du 22 mars 2022 auprès de la société Revelacio à hauteur de la somme de 42 159,08 euros ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 2205623 du 18 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête enregistrée le 18 février 2024, sous le numéro 24NC00363, et un mémoire enregistré le 25 février 2025, Mme A..., représentée par Me Schneider, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 30 608 euros avec restitution des sommes qui auraient déjà été payées ;
3°) de prononcer la mainlevée des actes de saisie litigieux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne détient aucun titre exécutoire à son nom et ne peut donc exercer de poursuites à son égard à raison des sommes dues par la SCI Lucie ; ainsi, les poursuites engagées par l'administration à son encontre l'ont été à tort sur la seule base de l'avis de mise en recouvrement établi au nom de la SCI ; ce faisant, l'article L. 256 du livre des procédures fiscales a été méconnu ;
- en tout état de cause, l'administration a omis de poursuivre au préalable la SCI Lucie dans les conditions fixées par les articles 1857 et 1858 du code civil lesquels exigent de la part de l'administration l'engagement de poursuites vaines et préalables ;
- en l'absence de mention précise des voies et délais de recours sur les actes de saisie, en application de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, les poursuites sont irrégulières.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2024, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens relatifs à l'absence de titre exécutoire et aux mentions des actes de saisie à tiers détenteurs ont trait à la régularité en la forme des actes de poursuites laquelle relève de l'appréciation des juridictions judiciaires ;
- les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
II) Par une requête enregistrée le 18 février 2024, sous le numéro 24NC00364 et un mémoire enregistré le 25 février 2025, M. D..., représenté par Me Schneider, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 42 159,08 euros avec restitution des sommes qui auraient déjà été payées ;
3°) de prononcer la mainlevée des actes de saisie litigieux ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne détient aucun titre exécutoire à son nom et ne peut donc exercer de poursuites à son égard à raison des sommes dues par la SCI Lucie ; ainsi, les poursuites engagées par l'administration à son encontre l'ont été à tort sur la seule base de l'avis de mise en recouvrement établi au nom de la SCI ; ce faisant, l'article L. 256 du livre des procédures fiscales a été méconnu ;
- en tout état de cause, l'administration a omis de poursuivre au préalable la SCI Lucie dans les conditions fixées par les articles 1857 et 1858 du code civil lesquels exigent de la part de l'administration l'engagement de poursuites vaines et préalables ;
- en l'absence de mention précise des voies et délais de recours sur les actes de saisie, en application de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales, les poursuites sont irrégulières.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2024, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens relatifs à l'absence de titre exécutoire et aux mentions des actes de saisie à tiers détenteurs ont trait à la régularité en la forme des actes de poursuites laquelle relève de l'appréciation des juridictions judiciaires ;
- les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le comptable public chargé du pôle de recouvrement spécialisé du Haut-Rhin a effectué, par des actes du 22 mars 2022, consécutives à des mises en demeure valant commandement de payer notifiées le 24 janvier 2019, la saisie administrative à tiers détenteur des sommes pouvant être dues à Mme A... et à M. D... par deux établissements financiers et une société commerciale. Ces actes de saisie avaient pour causes une créance de taxe sur la valeur ajoutée assignée à la SCI Lucie au titre de l'année 2016, société dont les deux redevables saisis sont les associés à 40 et 60 %, respectivement. Mme A... et M. D..., par des réclamations du 19 mai 2022, ont demandé à l'administration la mainlevée de ces actes de saisie ainsi que la décharge de l'obligation de payer les sommes saisies. Par des décisions du 24 juin 2022, l'administration a rejeté ces réclamations. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, Mme A... et M. D... relèvent respectivement appel des jugements du 18 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la mainlevée des actes de saisie et à la décharge de l'obligation de payer les sommes en faisant l'objet.
2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter :/1° Sur la régularité en la forme de l'acte ;/ 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés :/a) Pour les créances fiscales, devant le juge de l'impôt prévu à l'article L. 199 ". Aux termes de l'article 1857 du Code civil : " À l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ". L'article 1858 du même Code dispose que : " Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ". Enfin, l'article 1859 du Code civil précise que : " Toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ". Ces dispositions sont applicables à l'ensemble des sociétés civiles de droit commun.
3. Il résulte de ces dispositions, applicables à l'ensemble des sociétés civiles de droit commun, qu'elles permettent à l'administration des impôts, après en avoir vainement et préalablement poursuivi le paiement auprès de la société elle-même, de constituer les associés d'une société civile débiteurs des dettes fiscales de la société, à proportion de leur part respective dans le capital social à la date d'exigibilité de la créance litigieuse.
4. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité ". Aux termes de l'article L. 262 du même livre : " 1. Les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables. / (...) La saisie administrative à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès sa réception, les fonds dont le versement est ainsi demandé au paiement des sommes dues par le redevable, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles, à terme ou à exécution successive que le redevable possède à l'encontre du tiers saisi deviennent effectivement exigibles ". Aux termes de l'article R. 256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement ".
5. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a assigné à la SCI Lucie des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 65 966 euros à quoi s'est ajouté 10 555 euros de majorations. Ces sommes ont été mises en recouvrement par un avis de mise en recouvrement établi à la charge de la société et notifié le 18 août 2018. Le comptable chargé du recouvrement a ensuite notifié les 19 et 21 janvier 2019 à Mme A... et M. D... des avis de mise en recouvrement afin de leur réclamer le paiement des sommes dues par la SCI Lucie dans la mesure de leurs droits respectifs d'associés dans le capital de cette société ainsi que des mises en demeure valant commandement de payer du 24 janvier 2019.
6. Il résulte de l'instruction que le comptable public a mis en demeure le 28 août 2018 la SCI Lucie de régler les sommes dues par elle. En l'absence de règlement, le pôle de recouvrement spécialisé a procédé à des saisies administratives à tiers détenteurs le 26 novembre 2018 auprès des deux établissements bancaires de la société, ces saisies étant demeurées infructueuses. L'administration a par ailleurs établi que la SCI Lucie, bien que n'ayant pas été radiée ou liquidée, ne relevait plus son courrier, ne disposait plus d'aucun actif et que ses comptes bancaires avaient été clôturés. Par ces éléments, l'administration justifie avoir vainement tenté de recouvrer sa créance auprès de la SCI Lucie et établit que cette dernière est insolvable. Elle était dès lors fondée à poursuivre le recouvrement des sommes dues par la SCI Lucie auprès de ses associés et dans la limite de leurs droits dans le capital conformément aux règles ci-dessus rappelées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration disposant déjà d'un titre exécutoire à l'encontre de la SCI Lucie, constitué par l'avis de mise en recouvrement notifié le 18 août 2018, elle n'avait pas à saisir le juge judiciaire afin d'en obtenir un et était en mesure d'exercer ses poursuites, poursuites qui se sont avérées infructueuses ainsi qu'il vient d'être dit. Demeure également sans incidence sur son droit de poursuivre le recouvrement de sa créance auprès des associés de la SCI Lucie, la circonstance que, postérieurement aux avis de mise en recouvrement notifiés à Mme A... et M. D..., l'administration a inscrit son privilège du trésor le 19 juin 2019 auprès du tribunal de Colmar. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration n'aurait pas vainement poursuivi la SCI Lucie préalablement aux poursuites exercées à leur encontre.
7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration a, conformément aux dispositions de l'article R. 256-2 du livre des procédures fiscales, notifié aux requérants des avis de mise en recouvrement afin d'avoir paiement des sommes dues par la SCI Lucie dans la mesure respective de leurs droits d'associés. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les sommes faisant l'objet des poursuites litigieuses ne seraient pas exigibles en l'absence de titres exécutoires établis à leurs noms.
8. Enfin, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire d'apprécier la régularité en la forme des actes de poursuites et d'en prononcer le cas échéant l'annulation ainsi qu'il ressort des dispositions précitées de l'article L. 281-1 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le moyen tiré de ce que les actes portant saisie administrative à tiers détenteurs litigieux ne comporteraient pas les mentions prescrites par l'article L. 262 du livre des procédures fiscales soulève une contestation qui ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre administratif. De la même manière, les requérants persistent à demander en appel la mainlevée des actes de poursuites contestés. En admettant qu'ils aient entendu ainsi demander l'annulation des actes de saisie à tiers détenteurs, de telles conclusions, comme l'a jugé le tribunal, ressortissent à la seule compétence du juge judiciaire, en l'occurrence le juge de l'exécution et sont, par suite, irrecevables devant la juridiction administrative.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... et M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à M. D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2025.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N°s 24NC00363, 24NC00364 2