Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 1904262 du 16 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 mars 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2019 par laquelle le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et méconnait les dispositions des articles L. 611-2, R. 313-1, R. 313-2 et R. 311-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'aucune disposition légale ne prévoit que l'administration puisse demander la remise des documents originaux d'un étranger dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour ;
- cette demande de remise est constitutive d'une tentative illégale de rétention des documents d'identité de l'intéressé qui ne peut s'exercer que dans le cadre des dispositions de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il s'est rendu à la préfecture pour fournir tous les justificatifs nécessaires à l'instruction de sa demande de titre de séjour et a fourni toutes les copies des documents réclamés ;
- elle méconnaît les dispositions du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte d'état civil étranger en ce que l'administration n'a pas attendu le délai de huit mois prévu par ce décret pour tirer les conséquences de la procédure de vérification engagée ;
- il remplit toutes les conditions pour pouvoir prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 18 et 26 juin 2020, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant malien, est entré irrégulièrement en France au mois de juillet 2017 selon ses déclarations. Il a, par la suite, été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance. L'intéressé a sollicité, le 2 avril 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 juillet 2019, le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer le titre demandé. Par sa requête visée ci-dessus, M. D... relève appel du jugement du 16 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le moyen selon lequel la décision attaquée serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant est rejeté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu. ". M. D... ne saurait utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, des dispositions de l'article L. 611-2 précité dans le cadre d'une tentative illégale de rétention de ses documents d'identité, dès lors que la décision en cause n'est pas fondée sur ces dispositions. Au demeurant, aucun élément ne permet d'affirmer que le préfet aurait tenté de retenir les documents d'identité du requérant à la suite de sa demande de titre de séjour.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant a présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour, la copie de son acte de naissance, de sa carte consulaire d'identité et de son passeport. Lors de son entretien à la préfecture, il lui a été demandé de confier les originaux de ses documents d'état civil pour expertise, ce que l'intéressé a refusé de faire. A la suite de ce refus, le préfet à décidé de rejeter la demande de titre de séjour sollicitée en relevant qu'à l'issue de l'entretien de l'intéressé dans ses services, ce dernier n'avait pas souhaité qu'il soit procédé à l'analyse des documents d'identité présentés et que, dans ces conditions, il ne lui était pas possible de confirmer que l'état-civil dont se prévalait M. D... était bien le sien, car il n'était pas en mesure de prouver l'authenticité des documents d'état civil présentés, qui n'étaient que des copies.
7. Il résulte des dispositions précitées, d'une part, que, dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour, les services préfectoraux sont en droit d'exiger que, sauf impossibilité qu'il lui appartient de justifier, l'étranger produise à l'appui de cette demande les originaux des documents destinés à justifier de son état civil et de sa nationalité et non une simple photocopie de ces documents et que, d'autre part, l'administration peut mettre en oeuvre des mesures de vérifications et faire procéder à des enquêtes pour lutter contre la fraude documentaire des étrangers sollicitant un titre de séjour.
8. Il s'ensuit que, dès lors que l'appréciation de l'authenticité des documents justifiant de l'état civil et de la nationalité de l'étranger ne peut résulter que de l'étude des documents originaux et non de simples photocopies, la cellule fraude documentaire de la police aux frontières procédant, notamment, à des vérifications par des procédés au niveau optique, physique et chimique, pour mettre en évidence les grattages, gommages, corrections ou photocompositions numériques, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les dispositions précitées en demandant à l'intéressé de lui remettre provisoirement ses documents, hors toute intention de rétention ainsi qu'il a été dit au point 3, puis en considérant que M. D..., en s'y refusant, s'était opposé à l'expertise de ces documents, ne justifiait pas de son état civil, et, par suite ne remplissait pas les conditions prévues pour la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 313-1, R. 311-2-2 et en tout état de cause l'article R. 311-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
9. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que l'acte de naissance original et le passeport de l'intéressé ont été remis par ce dernier au tribunal administratif de Rennes dans le cadre de la procédure d'instruction de sa requête. Ces documents ont fait l'objet, à la demande du préfet du Finistère, d'une expertise par la cellule fraude documentaire de la direction zonale ouest de la police aux frontières. Le rapport du 24 décembre 2019 rédigé par ce service conclut que l'acte de naissance original de M. D... n'est pas un acte authentique car il n'est pas établi selon les prescriptions du code civil malien et qu'il s'agit d'une copie laser d'un acte d'état civil ne garantissant pas l'authenticité du support ni celle des cachets humides. Or, il est constant que cet acte de naissance original a également servi pour la délivrance du passeport de l'intéressé par les autorités maliennes, ce qui remet en cause l'authenticité dudit passeport. Dans ces conditions, et en tout état de cause, l'acte de naissance produit et les pièces versées au dossier par le requérant ne sont pas de nature à établir son identité, nonobstant la circonstance que M. D... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance.
10. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration d'attendre un délai de huit mois pour statuer sur une demande de titre de séjour qui a fait l'objet d'une demande de vérification auprès d'autorités étrangères.
11. En dernier lieu, si M. D... soutient qu'il a intégré le dispositif de la mission de lutte contre le décrochage scolaire situé dans son lycée et que, grâce à ce dispositif, il s'est orienté vers un projet professionnel dans la métallerie, qu'il a bénéficié d'un contrat d'apprentissage et qu'il est bien intégré à la société française, ces éléments ne sont, pas de nature à établir qu'en retenant que l'intéressé ne justifiait pas de son identité et de son âge, le préfet aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas, en l'espèce, commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 juillet 2019 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er: La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2021.
Le rapporteur,
F. A... Le président,
O. GASPON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01143