Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Cidres Bigoud a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre des années 2010 à 2013 et, à titre subsidiaire, de ne retenir pour asseoir l'assiette de la taxe sur les véhicules des sociétés que les véhicules et les trimestres au titre desquels l'imposition en bénéfices industriels et commerciaux est intervenue.
Par un jugement n° 1803616 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes l'a déchargée des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013 et des pénalités correspondantes (article 1er) et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à la SAS Cidres Bigoud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2020, et un mémoire enregistré le 26 avril 2021 qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de remettre à la charge de la SAS Cidres Bigoud les impositions en litige ;
2°) d'ordonner la restitution de la somme de 800 euros indûment versée à la SAS Cidres Bigoud au titre des frais " irrépétibles " en exécution de ce jugement.
Il soutient que la SAS Cidres Bigoud ne pouvait pas bénéficier de l'abattement de 15 000 euros, dès lors que les véhicules possédés par M. A... dans le cadre de son activité professionnelle de loueur de véhicules ne sauraient être assimilés à des véhicules possédés par le dirigeant au sens de l'article 1010-0 A du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, la SAS Cidres Bigoud, représentée par Me Le Friant, conclut :
1°) au rejet de la requête du ministre ;
2°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Friant représentant la SAS Cidres Bigoud.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Cidres Bigoud a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er octobre 2010 au
30 septembre 2013. Par une proposition de rectification du 19 décembre 2014, l'administration a notamment procédé à des rappels de taxe sur les véhicules des sociétés.
La réclamation du 3 juillet 2017 par laquelle la SAS Cidres Bigoud a contesté ces impositions a été rejetée le 31 mai 2018. La société a demandé au tribunal administratif de Rennes de la décharger de l'imposition supplémentaire ainsi mise à sa charge. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal l'a déchargée des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013 et des pénalités correspondantes (article 1er) et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros à verser à la SAS Cidres Bigoud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2). Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait appel de ce jugement.
Sur le moyen de décharge retenu par le tribunal administratif de Rennes :
2. Aux termes de l'article 1010 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. (...) Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. (...) ". Aux termes de l'article 1010-0 A alors en vigueur du même code : " I. Sont considérés comme véhicules utilisés par les sociétés au sens de l'article 1010 les véhicules possédés ou pris en location par les salariés d'une société ou ses dirigeants et pour lesquels la société procède au remboursement des frais kilométriques. / II.- (...) Il est effectué un abattement de 15 000 euros sur le montant total de la taxe due par la société au titre des véhicules mentionnés au I. ".
3. Si l'article 16 de la loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005 a créé l'article 1010-0 A du code général des impôts mentionnant " les véhicules possédés ou pris en location par les salariés d'une société ou ses dirigeants ", il résulte des travaux parlementaires que l'intention du législateur a été de rétablir l'équité fiscale entre, d'une part, les salariés de sociétés qui utilisent des véhicules de sociétés et, d'autre part, les salariés qui utilisent pour des besoins professionnels leur véhicule personnel et obtiennent le remboursement de cet usage par des indemnités kilométriques. Elles ne sauraient donc être interprétées comme permettant à un dirigeant de société de posséder près d'une dizaine de véhicules de tourisme dans le seul but de les louer ensuite à la société qu'il dirige afin que cette dernière bénéficie de l'abattement prévu au II de l'article 1010-0 A du code général des impôts.
4. Il est constant que M. A..., le dirigeant de la SAS Cidres Bigoud, possédait
14 véhicules, dont 8 véhicules de tourisme, qu'il mettait à disposition à la SAS Cidres Bigoud moyennant une rémunération de 0,50 euro par kilomètre parcouru. Au vu de ces circonstances particulières, M. A... ne peut être regardé comme possédant ces véhicules en tant que dirigeant de la SAS Cidres Bigoud au sens de l'article 1010-0 A du code général des impôts. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a jugé que l'administration fiscale était alors tenue d'effectuer un abattement de 15 000 euros par application des dispositions de l'article 1010-0 A du code général des impôts et que la SAS Cidre Bigoud devait être déchargée, pour ce motif, des rappels de taxe sur les véhicules de société.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Cidres Bigoud devant le tribunal administratif à l'encontre des impositions en litige.
Sur les autres moyens soulevés par la SAS Cidres Bigoud :
6. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'administration ajoute à la loi une condition non prévue à l'article 1010-0 A du code général des impôts, en écartant le bénéfice de ces dispositions du fait de la qualification fiscale appliquée aux sommes attribuées au propriétaire des véhicules en contrepartie de leur mise à disposition est inopérant, dès lors qu'il résulte des points 3 et 4 que ce n'est pas en raison de la perception par M. A... de sommes qualifiées de bénéfices industriels et commerciaux que la requérante ne peut pas bénéficier de l'abattement prévu à l'article 1010-0 A du code général des impôts.
7. En deuxième lieu, si la requérante se prévaut du paragraphe 190 de l'instruction référencée BOI-TFP-TVS-10-20 en date du 1er octobre 2014 et du paragraphe 156 de l'instruction référencée 7M-4-06 du 22 septembre 2006, ces instructions ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
8. En troisième et dernier lieu, il résulte du point 6 et de la circonstance que la décision prise par l'administration fiscale dans un litige relatif à l'imposition personnelle de M. A... est sans influence sur l'imposition des sociétés qu'il dirige, que la requérante ne saurait utilement soutenir, à titre subsidiaire, que seuls les véhicules et trimestres au titre desquels l'imposition en bénéfices industriels et commerciaux est intervenue doivent être retenus pour asseoir l'assiette de la taxe sur les véhicules des sociétés. En tout état de cause, il n'est pas établi que les rémunérations perçues avant le 1er janvier 2011 par M. A... ne relevaient pas des bénéfices industriels et commerciaux. En outre, s'agissant du véhicule immatriculé 7831 ZX 29, s'il était utilisé par M. A..., il était mis à la disposition de la SAS Cidre Bigoud dans les mêmes conditions que les autres véhicules et la SAS n'est pas fondée à se prévaloir du protocole d'accord transactionnel conclu entre M. A... et l'administration fiscale dans le cadre d'une demande de remise gracieuse.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a déchargé, en droits et pénalités, la SAS Cidres Bigoud des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, la demande relative aux frais liés au litige, présentée en appel par la SAS Cidres Bigoud, doit être rejetée.
Sur la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à ce que soit ordonnée la restitution de la somme de 800 euros mise à la charge de l'Etat en première instance :
10. Il résulte des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative que les décisions des juridictions administratives sont exécutoires. Lorsque le juge d'appel infirme une condamnation prononcée en première instance, sa décision, dont l'expédition notifiée aux parties est revêtue de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 du code de justice administrative, permet par elle-même d'obtenir, au besoin d'office, le remboursement de sommes déjà versées en vertu de cette condamnation. Ainsi, l'annulation du jugement attaqué implique nécessairement la restitution de la somme de 800 euros mise à la charge de l'Etat en première instance. Il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, de faire droit à la demande du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à ce que soit ordonnée la restitution de cette somme.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1803616 du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes sont annulés.
Article 2 : Les rappels de taxe sur les véhicules de sociétés d'un montant de 9 500 euros en droits et 1 406 euros en intérêts de retard pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, de 11 100 euros en droits et 1 110 euros en intérêts de retard pour la période du
1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 et de 11 100 euros en droits et 578 euros en intérêts de retard pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 sont remis à la charge de la SAS Cidres Bigoud.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la relance et les conclusions d'appel de la SAS Cidres Bigoud tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié et au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée Cidres Bigoud.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2021.
La rapporteure,
P. PicquetLe président,
F. Bataille
La greffière,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03359
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