Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2111435 du 18 octobre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux arrêtés.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 novembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 octobre 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A....
Il soutient que :
-L'arrêté de transfert n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 dès lors que M. A... ne démontre pas les liens qu'il aurait conservés avec ses enfants après sa séparation avec leur mère en juillet 2021 ;
- Les autres moyens développés à l'encontre de cette décision n'étaient pas davantage fondés ;
- La décision de transfert étant légale, le magistrat désigné ne pouvait annuler l'arrêté d'assignation par voie de conséquence.
Par un mémoire enregistré le 17 décembre 2021 le préfet de Maine-et-Loire précise que le 9 novembre 2021 deux nouveaux arrêtés de transfert et d'assignation à résidence ont été pris à l'encontre de M. A... conformément à l'injonction du tribunal administratif et que par un jugement du 6 décembre 2021 le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours présenté par l'intéressé contre ces décisions. Le préfet indique qu'en conséquence il maintient ses conclusions.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2022, M. A... représenté par Me Talbot conclut au rejet de la requête.
Il sollicite en outre, qu'il soit enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa demande et à titre subsidiaire qu'il lui permette de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit versées à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 28 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 18 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé ses arrêtés du 6 octobre 2021 portant transfert de M. A..., ressortissant nigérian, aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et assignation à résidence.
Sur la légalité des arrêtés du 6 octobre 2021 :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir et sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale, dans toutes les décisions les concernant, à l'intérêt supérieur des enfants, qui est, en principe, de vivre ou d'entretenir des liens avec les personnes titulaires à leur égard de l'autorité parentale.
3. Il ressort du procès-verbal de police produit au dossier que le 21 juillet 2021, M. A... a violenté physiquement la mère de ses enfants qui refusait d'avoir une relation sexuelle, à sa demande, avec l'un de ses amis. Ces faits se sont produits en présence de leurs deux filles nées respectivement les 10 juillet 2018 en Italie et le 12 mars 2020 aux Pays-Bas. Lors de son dépôt de plainte, l'intéressée a déclaré qu'elle ne vivait plus avec M. A... qui avait été expulsé du logement qu'ils occupaient en Loire-Atlantique en raison d'actes de violence, et que des faits similaires s'étaient produits aux Pays-Bas où elle était contrainte de se prostituer. Si le couple s'est séparé aux Pays-Bas, il ressort toutefois de l'arrêté du 6 octobre 2021 que le requérant et sa compagne nigériane sont arrivés en France avec leurs deux enfants le 4 juillet 2021 et ont présenté ensemble, le 9 juillet 2021, une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique. A la suite du dépôt de sa plainte, et compte tenu de sa grande vulnérabilité, la mère des enfants a été admise, le 1er septembre 2021, à présenter une demande d'asile en France. Pour répréhensibles que soient les faits commis à plusieurs reprises à l'encontre de la mère de ses enfants, lesquels sont passibles de condamnations pénales lourdes, il appartient cependant au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier concrètement l'intérêt supérieur des enfants, qui ne peut être exclusivement déterminé par le comportement de leur père à l'encontre de leur mère. Or, contrairement à ce que soutient le préfet, le requérant qui vivait avec ses enfants depuis leur naissance et jusqu'à une date récente, ne pouvait être regardé, à la date de la décision contestée, comme ne justifiant d'aucun lien affectif avec eux. Aucune pièce du dossier ne permet par ailleurs d'affirmer qu'il ne participait ni à leur entretien, ni à leur éducation. Il est en outre constant que la mère des enfants ne pouvait faire l'objet d'un transfert vers les Pays-Bas, mais uniquement vers l'Italie, et qu'ainsi qu'il a été dit, à compter du 1er septembre 2021, sa demande d'asile a été instruite en France. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a jugé qu'en ordonnant le transfert de M. A... vers les Pays-Bas, le préfet de Maine-et-Loire n'avait pas pris en compte l'intérêt supérieur de ses enfants et avait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. La circonstance que par un jugement du 6 décembre 2021, dont au demeurant il a fait appel et qui n'est dès lors pas définitif, un autre magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté la requête présentée par l'intéressé contre les deux arrêtés portant transfert vers les Pays-Bas et assignation à résidence pris le 9 novembre 2021 par le préfet de Maine-et-Loire en exécution du jugement attaqué est sans incidence sur la légalité des arrêtés litigieux, le préfet ayant lui-même indiqué qu'il entendait maintenir ses conclusions.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 6 octobre 2021 portant transfert de M. A... aux Pays-Bas ainsi que, par voie de conséquence, son arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... :
5. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a enjoint au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer la demande de M. A... dans un délai d'un mois. Dans son mémoire du 17 décembre 2021 le préfet précise que, le 9 novembre 2021, deux nouveaux arrêtés de transfert et d'assignation à résidence ont été pris à l'encontre de M. A... conformément à l'injonction du tribunal administratif. Par suite, les conclusions à fin d'injonction tendant aux mêmes fins présentées en appel sont sans objet ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Talbot, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Maine-et-Loire est rejetée.
Article 2 : Sous réserve que Me Talbot, conseil de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier lui versera la somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2022.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. COIFFET
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT03155 2