Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2200784 du 26 janvier 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 mars 2022, M. C..., représenté par Me Moreau--Talbot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 janvier 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 3 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert méconnaît les stipulations des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- le préfet s'est borné à édicter un nouvel arrêté sans reprendre la procédure ni examiner sa situation ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013 et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier et notamment celles communiquées le 1er août 2022 par le préfet indiquant que le délai de validité de l'arrêté du 3 janvier 2022 a été prolongé jusqu'au 26 juillet 2023.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 26 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens invoqués par le requérant, tirés de ce que la décision contestée serait contraire aux articles 4 et 5 du règlement n° 604 2013 du 26 juin 2013, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, il ressort du jugement n° 2114551 du 29 décembre 2021 du tribunal administratif de Nantes, produit dans le cadre de la présente instance, que le magistrat désigné de ce tribunal a annulé les arrêtés du 21 décembre 2021 portant transfert de M. C... en Autriche et assignation à résidence au motif que le préfet de Maine-et-Loire n'avait pas justifié du respect des dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013. Aux termes de l'article 2 de ce jugement, il a été enjoint au préfet " de réexaminer " la demande de prise en charge de la demande d'asile de l'intéressé dans un délai d'un mois. Le préfet n'a pas fait appel de ce jugement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C..., qui était assisté téléphoniquement d'un interprète en langue pachtou, a bénéficié d'un entretien qui s'est tenu le 9 novembre 2021, de l'ensemble des garanties qui s'attachent aux stipulations des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière et que le préfet n'aurait pas procédé à un nouvel examen de sa situation personnelle et familiale. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
5. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
7. Si M. C... a indiqué, lors de son entretien individuel, que seules ses empreintes avaient été prises et qu'il n'avait pas sollicité l'asile en Autriche, le préfet justifie d'une telle demande en produisant notamment l'acceptation de reprise de l'intéressé par ce pays sur le fondement de l'article 18-1 b). Il n'est pas établi que cette demande d'asile aurait été rejetée par les autorités autrichiennes, ni que le requérant serait susceptible d'être reconduit dans son pays d'origine dès l'exécution de son transfert vers l'Autriche. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Lors de son entretien individuel, M. C... a déclaré que sa femme et leurs enfants étaient restés en Afghanistan et ne pas avoir de problème de santé. Par suite l'intéressé n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités autrichiennes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
11. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2022.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
S. PIERODE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT00930