Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Natta a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 en raison de la remise en cause de crédits d'impôt recherche.
Par un jugement n° 1902247 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juin 2021 et 7 février 2022 la SAS Natta, représentée par Me Paillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire lors de la vérification de comptabilité ;
- les dépenses en cause étaient éligibles au crédit d'impôt recherche ;
- la différence de traitement avec une autre société menant les mêmes projets de recherche méconnaît le principe d'égalité devant l'impôt.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 novembre 2021 et 14 février 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Natta ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de la société par actions simplifiée (SAS) Natta, spécialisée dans la conception de pièces en plastique, l'administration fiscale a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt recherche d'une somme de 80 605 euros au titre de l'année 2012, d'une somme de 74 285 euros au titre de l'année 2013 et d'une somme de 81 963 euros au titre de l'année 2014. La SAS Natta a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge à ce titre. Par un jugement du 7 avril 2021, le tribunal a rejeté sa demande. La SAS Natta fait appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 45B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. ". Aux termes de l'article R. 45B-1 du même livre : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce dernier./ L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. / II. - Dans le cadre de cette procédure, l'agent chargé du contrôle de la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses déclarées envoie à l'entreprise contrôlée une demande d'éléments justificatifs. L'entreprise répond dans un délai de trente jours, éventuellement prorogé de la même durée à sa demande. L'entreprise joint à sa réponse les documents nécessaires à l'expertise de l'éligibilité des dépenses dont la liste est précisée dans la demande d'éléments justificatifs (...). ".
3. Il est constant que la SAS Natta a bénéficié à plusieurs reprises, à chaque étape des opérations de contrôle sur place qui se sont déroulées du 23 juillet 2014 au 11 août 2016, de la possibilité de dialoguer avec la vérificatrice en charge du contrôle et, ainsi, de lui présenter son activité et les projets éligibles au crédit d'impôt recherche. La société requérante a également été reçue par le supérieur de la vérificatrice, dans le cadre du recours hiérarchique, auprès duquel elle a pu exposer ses arguments le 3 novembre 2016. Si elle soutient qu'aucun débat réel n'a pu avoir lieu avec la vérificatrice dès lors que cette-dernière est venue seule et n'avait pas les compétences techniques nécessaires pour répondre à ses arguments, il résulte de l'instruction que le rehaussement notifié à la société requérante a été établi, s'agissant de la remise en cause des crédits d'impôt recherche, sur la base du rapport établi par l'agent de la délégation régionale à la recherche et à la technologie, sollicité par la vérificatrice par application des dispositions rappelées au point 2, à l'issue du contrôle sur pièces que celui-ci a effectué après avoir demandé à la société requérante les documents justificatifs prescrits, et dont le résultat a été notifié à cette dernière. Dans ces conditions, la SAS Natta n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié, y compris sur les points techniques relatifs à l'éligibilité des dépenses en cause, d'un débat oral et contradictoire avec la vérificatrice.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SAS Natta, qui exerce une activité d'injection plastique, a déposé, à l'appui de ses demandes de crédit d'impôt en faveur de la recherche, des dossiers techniques portant sur six projets pour l'année 2012, onze projets pour l'année 2013 et neuf projets pour l'année 2014. Saisi de ces dossiers, l'expert diligenté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie a, dans son rapport du 30 avril 2016, confirmé par le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche dans son avis du 15 novembre 2017, relevé notamment que l'état de l'art réalisé dans chaque projet se présente sous la forme d'une liste de brevets et que leur analyse ne permet pas de positionner les projets par rapport aux connaissances de l'homme de l'art et aux solutions existantes. Il indique également que la définition des incertitudes ou verrous est souvent confondue avec le cahier des charges produit, la levée de ces incertitudes devant permettre une avancée significative dans les connaissances et non pas répondre à une demande client. Les dossiers de justifications techniques produits en appel, qui ont également été soumis à l'expert de la délégation régionale à la recherche et à la technologie puis au comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche, et les fiches de synthèse ne permettent pas de remettre en cause les conclusions rappelées ci-dessus, alors même que ces dossiers ont été établis par l'organisme Quadr'innov, référencé " conseil en crédit impôt recherche " par le médiateur des entreprises et que la SAS Natta s'est vue renouveler le 2 octobre 2019 l'agrément prévu au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Si la société requérante se prévaut de rescrits accordés à la SARL La Brosserie Française, au demeurant postérieurement au contrôle en litige et uniquement pour deux projets, il résulte de l'instruction que les dossiers déposés par cette dernière étaient plus précis que les siens s'agissant de l'état de l'art, en ne se bornant pas à lister les brevets existants mais en décrivant les solutions existantes et leurs limites, ce qui permettait de situer les projets et leur apport. Par suite, il n'est pas établi que les projets de la SAS Natta comportaient un caractère de nouveauté ou portaient sur des améliorations substantielles au sens et pour l'application des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration n'a pas admis le caractère éligible des dépenses engagées pour mener à bien ces projets.
7. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait été dans la même situation que la SARL La Brosserie Française, bénéficiaire des rescrits mentionnés au point 6, dès lors qu'il n'est établi ni que les dossiers déposés pour bénéficier du crédit impôt recherche étaient identiques, en particulier dans le degré de précision de la situation des projets par rapport à l'état de l'art ni que les projets concernés avaient le même apport vis-à-vis des solutions existantes. Par conséquent, le moyen tiré de la rupture d'égalité devant l'impôt doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Natta n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Natta est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Natta et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2022.
La rapporteure
P. A...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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