Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux années 2015 à 2017.
Par un jugement n° 1903644 du 30 juin 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 août 2021 Mme B..., représentée par Me Boyenval, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à défaut pour le vérificateur d'avoir attendu qu'elle reconstitue sa comptabilité, qui était tenue à l'aide d'un ordinateur qui venait d'être volé, avant de procéder au contrôle sur place et de lui adresser une proposition de rectification, elle n'a pas bénéficié d'un débat contradictoire et loyal ;
- le vérificateur s'est borné à constater la tardiveté de ses observations et n'a pas répondu à celles-ci, alors qu'elle avait respecté le délai de trente jours et que l'expiration de ce délai n'interdit pas au vérificateur de répondre aux observations du contribuable ;
- la compétence du signataire de la décision rejetant sa réclamation préalable n'est pas établie ;
- la compétence du signataire de la proposition de rectification du 17 décembre 2018 n'est pas établie ;
- les impositions relatives à l'année 2015 étaient prescrites dès lors que l'administration n'établit pas que la proposition de rectification a été retirée avant le 31 décembre 2018 ;
- la charte du contribuable vérifié n'était pas jointe à l'avis de vérification et elle a, ainsi, été privée des garanties énoncées dans cette charte et notamment de la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix ; elle entend se prévaloir à cet égard de l'instruction référencée BOI-CF-PGR-20-20 ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard de l'article
L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la procédure de taxation d'office a été mise en œuvre à tort en matière de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle a bien déposé en version papier ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée ;
- aucune provision ni aucun amortissement n'ont été pris en compte par le vérificateur ;
- les montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible retenus par le vérificateur sont très faibles et méconnaissent le principe de la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; le vérificateur a donc méconnu le principe du contradictoire édicté par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- le vérificateur a omis d'indiquer, dans la proposition de rectification, les commerces similaires sur lesquels il pourrait se fonder pour opérer une rectification des bases soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et des bénéfices industriels et commerciaux ; or, les commerces similaires au sien sont tous déficitaires ; le raisonnement du vérificateur n'a pas été appuyé par des monographies ; dès lors, le vérificateur a méconnu l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ne motivant pas suffisamment les rectifications ;
- sa situation justifie la décharge des pénalités qui ont été appliquées par l'administration.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,
- et les observations de Me Boyenval, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle de
Mme B..., qui exploite un fonds de commerce de librairie-papeterie, l'administration a notifié par une proposition de rectification du 17 décembre 2018 d'une part, les montants de bénéfices industriels et commerciaux imposables au titre des années 2015 à 2017 selon la procédure d'évaluation d'office pour défaut de déclaration en application du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures (aucune mise en recouvrement d'impôt sur le revenu n'est toutefois intervenue à raison de ces montants) et, d'autre part, des rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2015 à 2017 selon la procédure de taxation d'office justifiée par l'absence de déclarations mensuelles CA3 de chiffre d'affaires. Mme B... relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de décharge en droits et pénalités des impositions supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mises à sa charge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision de rejet de la réclamation préalable, de l'incompétence du signataire de la proposition de rectification et de ce que la procédure de taxation d'office a été mise en œuvre à tort en matière de taxe sur la valeur ajoutée, que Mme B... réitère sans apporter d'élément nouveau.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2016 portant loi de finances rectificative pour 2016 : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis informe le contribuable que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié peut être consultée sur le site internet de l'administration fiscale ou lui être remise sur simple demande (...). ".
4. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité adressé le 11 septembre 2018 à Mme B... indiquait que la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, millésime août 2018, est consultable sur le site www.impots.gouv.fr ou peut être adressée sur simple demande du contribuable. Cet avis mentionne également qu'au cours du contrôle le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Contrairement à ce que soutient la requérante, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'avait pas à être jointe à l'avis de vérification. Si la requérante fait valoir, au demeurant sans le démontrer, qu'elle aurait été privée de la possibilité de consulter la charte en raison du caractère erroné du chemin d'accès internet indiqué dans l'avis de vérification de comptabilité, elle ne justifie pas en tout état de cause en avoir demandé la communication. Mme B... ne peut donc valablement soutenir qu'elle n'aurait pas été mise à même de bénéficier des garanties qui y sont énoncées, dont la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix. La requérante n'est pas davantage fondée à ce titre à se prévaloir des énonciations de l'instruction administrative publiée sous la référence BOI-CF-PGR-20-20 qui ne contient pas de position relative à l'interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a trait à la procédure d'imposition.
5. En troisième lieu, Mme B... soutient avoir été privée du débat oral et contradictoire qui doit accompagner toute vérification de comptabilité faute pour le vérificateur de lui avoir, pour tenir compte du vol de son ordinateur professionnel, accordé un délai de trois mois pour reconstituer sa comptabilité. Toutefois, le procès-verbal de vol établi trois jours avant la première intervention sur place du vérificateur ne suffit pas à lui-seul à établir la perte de données comptables lors de ce vol ni l'existence d'un cas de force majeure faisant obstacle au déroulement de la procédure de vérification et à l'établissement d'un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité. Mme B... ne justifie pas davantage avoir sollicité un délai pour reconstituer sa comptabilité. Par suite, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire invoqué par la requérante doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes (...) les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. ". Aux termes de l'article L. 56 du même livre : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) / 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ; (...) ". Aux termes de l'article L. 57 de ce livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours. (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ".
7. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la requérante a été imposée selon la procédure de taxation d'office et d'évaluation d'office. Elle ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui ne sont applicables qu'aux rectifications établies selon la procédure contradictoire, en faisant valoir qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai supplémentaire de trente jours pour présenter ses observations à la suite de la réception de la proposition de rectification. Toutefois, en se prévalant de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, la requérante peut être regardée comme invoquant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales.
8. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 17 décembre 2018 indique les éléments ayant servi au calcul des impositions d'office au titre des années 2015 à 2017 ainsi que leurs modalités de détermination. Elle mentionne notamment que le service a reconstitué le chiffre d'affaires de l'activité de Mme B... en totalisant les éléments présents dans les livres de caisse consultés sur place et en effectuant un recoupement avec les comptes bancaires mis à disposition par Mme B.... La ventilation des taux de taxe sur la valeur ajoutée a été opérée en reprenant les éléments présents dans les livres de caisse. Si la requérante fait valoir à ce titre que cette ventilation est aléatoire et incompréhensible, elle n'en justifie pas. Par ailleurs, dans un souci de réalité économique, le bénéfice des années 2015, 2016 et 2017 a été évalué en reprenant les éléments fournis par la requérante et en se basant sur les évaluations d'office établies au titre des années 2009 et 2010 pour l'activité de cette dernière. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au vérificateur de fonder les rehaussements sur les résultats de commerces similaires. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification serait insuffisamment motivée ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ".
10. L'administration établit, par la production de l'avis de réception de la proposition de rectification du 17 décembre 2018, que ce document a été remis à Mme B... le 19 décembre 2018 et qu'il est revêtu de sa signature. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il n'est pas établi qu'elle a reçu cette proposition de rectification antérieurement au 1er janvier 2019 et que, par voie de conséquence les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs à la période correspondant à l'année 2015 devraient être regardés comme établis au titre d'une période prescrite.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que : " Dans le cas prévu à l'article L. 193, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Mme B... ayant été régulièrement imposée d'office, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge lui incombe.
12. La requérante ne démontre pas que le montant du chiffre d'affaires reconstitué ainsi que l'évaluation du bénéfice de son activité de vente de librairie-papeterie au cours des les années en litige, dont les modalités ont été détaillées au point 8, seraient exagérés en se bornant à soutenir que les montants de taxe sur la valeur déductible retenus par le vérificateur sont très faibles et que l'administration méconnaît ainsi le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ni en indiquant de manière générale que les commerces de papeterie-librairie dégagent systématiquement des pertes. En l'absence de toute comptabilité présentée comme il a été dit au point 5, il ne peut être reproché au vérificateur de ne pas avoir comptabilisé de provisions ou de dotations aux amortissements. Dès lors, la requérante n'établit pas que l'administration fiscale aurait recouru à une méthode de reconstitution de recettes radicalement viciée ou excessivement sommaire qui aurait conduit à des impositions exagérées.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; ".
14. Il résulte de l'instruction que Mme B... n'a pas déposé de déclaration de chiffre d'affaires pour les exercices clos en 2013, 2014 et 2015. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a appliqué aux droits en litige la majoration de 10 % prévue par ces dispositions, sans que la requérante puisse utilement se prévaloir du vol d'un ordinateur en septembre 2018, qui ne peut davantage justifier la décharge des intérêts de retard appliqués conformément aux dispositions de l'article 1727 du code général des impôts.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.
Le rapporteur
A. A...La présidente
I. Perrot
La greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 21NT024172