Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Constructions modulaires du Ponant (CMP) a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 27 500 euros, qui lui a été réclamé en raison de la cession, le 2 mars 2017, d'un terrain à bâtir situé sur le territoire de la commune de Gouesnou, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1905889 du 24 novembre 2021 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2022 la SARL Constructions modulaires du Ponant, représentée par Me Mercel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait et de droit ;
- la cession du 2 mars 2017 n'a pas à être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle n'a pas agi en tant qu'assujetti à cette taxe, mais dans le cadre de la gestion de son patrimoine ;
- elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du point 80 du bulletin officiel des impôts BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 qui précise notamment que la cession d'un immeuble ou d'une fraction d'immeuble réalisée par une entreprise qui, à cette occasion, vise seulement à mieux tirer parti d'un bien devenu étranger à son activité économique peut être considérée comme hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; le terrain vendu en 2017 était non exploité depuis 21 ans et elle l'a cédé afin de mieux tirer profit d'un bien devenu étranger à son activité économique.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Constructions Modulaires du Ponant (CMP), qui a été créée en 1973 et qui avait alors comme activité principale " toutes opérations industrielles et commerciales se rapportant à la préfabrication du bâtiment et à la construction ", a acquis, le 31 décembre 1975, un terrain inscrit au cadastre de la commune de Gouesnou à la section AY sous le numéro 69, situé au sein de la zone d'aménagement concerté de Kergaradec. La SARL CMP a inscrit ce terrain à son bilan et y a édifié des bâtiments affectés à son activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. A compter de 1996, la SARL CMP a abandonné son activité industrielle et lui a substitué une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers portant notamment sur les bâtiments qui abritaient précédemment son activité industrielle. Elle a fait connaître son changement total d'activité à l'administration fiscale par une lettre datée du 3 septembre 1999. Le 2 mars 2017, elle a cédé à la société Lippmann Promotion, en tant que terrain à bâtir, une parcelle cadastrée AY n° 438, d'une surface de 36 ares 36 centiares, issue de la division de la parcelle AY 69, moyennant un prix de 165 000 euros. Cette cession n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, la SARL CMP estimant que cette opération ne se rattachait pas à son activité économique et qu'elle n'agissait pas en tant qu'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. En 2017, la SARL Construction Modulaires du Ponant a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er mars 2014 au 31 juillet 2017, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que cette cession aurait dû être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, et en a informé la société, selon la procédure contradictoire, par une proposition de rectification du 13 novembre 2017. La SARL CMP relève appel du juge ment du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels en droits et pénalités.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la SARL CMP soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait et de droit, de tels moyens relèvent du bien-fondé du jugement et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité.
Sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Selon l'article 256 A de ce code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa de cet article, quel que soit leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) / Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...). " Aux termes du I de l'article 257 du même code : " Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (...) / 2. Sont considérés : / 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme (...). ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si l'activité d'un contribuable doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.
5. Il résulte de l'instruction et est constant que la parcelle AY n° 438, issue de la division de la parcelle AY 69 a été acquise par la SARL CMP en 1975 dans le cadre de son activité industrielle et qu'elle est restée inscrite à son bilan y compris après l'abandon de cette activité en 1996. Il n'est pas sérieusement contesté qu'elle exerce depuis 1996 une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers ainsi que de vente de tous biens immobiliers conformément à l'article 2 de ses statuts et portant notamment sur les bâtiments qui abritaient précédemment son activité industrielle. La SARL CMP ne produit aucun élément probant avant la division cadastrale ayant précédé la cession litigieuse, permettant de démontrer que cette parcelle n'était plus affectée à son activité professionnelle, ce qui ne peut résulter de la seule circonstance qu'elle était en friche alors que l'administration a par ailleurs constaté, à partir d'une photographie aérienne, qu'en 2015, la société TOM, locataire du bâtiment situé au Nord Est du terrain en litige, l'utilisait en partie comme aire de stockage. Par ailleurs, la SARL CMP a également porté en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée collectée dans le cadre de son activité économique la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la prestation de bornage réalisée, le 23 novembre 2016 par un géomètre expert qui, à partir du plan d'arpentage établi à cette occasion, a dressé, le 9 février 2017, le plan de division annexé à l'acte de cession de la parcelle AY 438. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la vente de la parcelle AY 438 à la société Lippmann Promotion, autre professionnel de l'immobilier, doit être regardée comme ayant été réalisée non dans une intention purement patrimoniale mais dans le cadre de l'activité économique de la SARL CMP, et donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de cette cession.
6. Enfin, la SARL CMP n'est pas fondée à se prévaloir du point 80 de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 publiée au bulletin officiel des finances publiques le 12 septembre 2012 et relative au revenu disponible, qui ne donne pas de la loi une interprétation différente de celle dont il est ici fait application.
7. Il résulte de ce qui précède que la SARL CMP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL CMP est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Constructions Modulaires du Ponant et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.
Le rapporteur
A. PenhoatLe président
J.-E. Geffray
La greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 22NT002352