Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner l'Agence régionale de santé (ARS) de ... à lui verser la somme de 86 499 euros en réparation du préjudice que lui a causé la non prise en compte de son handicap, la rupture d'égalité, la discrimination et le harcèlement dont elle estime avoir été victime, somme assortie des intérêts au taux légal, à compter de la date de sa demande préalable avec capitalisation des intérêts et, d'autre part, de mettre à la charge de l'ARS de ... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1900287 du 10 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 janvier 2022 et le 30 juin 2022, Mme A... B..., représentée par Me Brossier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner l'Agence régionale de santé (ARS) de ... à lui verser la somme de 86 499 euros en réparation du préjudice dont elle estime avoir été victime en raison des fautes commises, somme assortie des intérêts au taux légal, à compter de la date de sa demande préalable avec capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence régionale de santé (ARS) de ... la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, est entaché d'irrégularité ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la responsabilité de l'ARS de ... est engagée en raison des fautes commises que sont le défaut d'adaptation de son poste de travail et de ses fonctions et les faits de harcèlement moral ;
- une somme totale de 86 499 euros doit lui être allouée en réparation des préjudices subis ; en effet, elle a subi un préjudice matériel fixé à la somme de 1499 euros correspondant à l'acquisition de la loupe électronique, une perte d'évolution dans sa carrière, notamment d'accéder au grade supérieur, évaluée à la somme de 45 000 euros, des souffrances depuis l'année 2011 évaluée à la somme de 10 000 euros et enfin un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence évalués à la somme de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2022 et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 février 2023 -non communiqué-, l'Agence régionale de santé (ARS) de ..., représentée par Me Josselin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à sa charge la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;
- que ses demandes recherchant la responsabilité de l'ARS de ... à raison de l'illégalité invoquée à raison des décisions du 5 novembre 2018 et 27 septembre 2021 du directeur de l'ARS par lesquelles cette autorité a respectivement refusé de regarder comme un congé de maladie ordinaire son absence du 16 mai 2018 et a prononcé sa suspension provisoire de fonctions en l'absence de justification du respect de l'obligation vaccinale, qui constituent des demandes nouvelles, sont irrecevables et doivent être rejetées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 juin 1984 ;
- le décret n°82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport d M. Coiffet,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Brossier représentant Mme B... et de Me Clairay, substituant Me Josselin, représentant l'Agence régionale de santé (ARS) de ....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ... titulaire est employée par l'Agence régionale de santé (ARS) de ... depuis le 23 mars 2010 et a été promue, le 7 novembre 2014, au grade de C.... Elle est reconnue travailleuse handicapée depuis l'année 2006 en raison d'un handicap visuel lié au diabète, avec un taux d'incapacité de 80 %. Après avoir subi une intervention chirurgicale sur un œil, elle a été placée en congé de longue maladie du 21 juin 2010 au 16 avril 2011. A la suite d'une expertise du médecin agréé, sa reprise à temps partiel thérapeutique a été envisagée avec adaptation de son poste et devait intervenir à la suite de l'examen de reprise du travail effectué par le médecin de prévention. Reprochant à son employeur plusieurs carences dans la prise en compte de son handicap, en particulier pour procéder à l'aménagement de son poste de travail et de ses fonctions, et estimant avoir subi en conséquence un préjudice issu d'une discrimination, d'un harcèlement et d'une inégalité de traitement résultant de son handicap, Mme B... a adressé le 2 octobre 2018 une réclamation indemnitaire préalable au directeur général de l'ARS de .... Elle a alors demandé la somme de 85 000 euros en réparation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis, demande qui a été rejetée le 3 décembre 2018.
2. Mme B... a, le 17 janvier 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de l'Agence régionale de santé de ... à lui verser la somme de 86 499 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi. Elle relève appel du jugement du 10 novembre 2021 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Les premiers juges, après avoir, aux points 5 et 6 du jugement attaqué, listé et rappelé point par point les différentes séries de griefs avancés par Mme B... à l'encontre de son employeur, en particulier les carences, insuffisances et comportements qu'elle lui reprochait dans la prise en compte de son handicap, ont répondu très précisément à ces critiques aux points 7 à 15 du même jugement en s'appuyant sur les différents éléments et pièces versés au dossier par l'ARS de ..., tels que les courriels échangés entre les parties, une fiche d'aptitude médicale du 23 septembre 2015, les documents préparatoires aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des 10 avril et 8 juin 2018 ou encore la note en date du 19 janvier 2016 adressée par le supérieur de la requérante à l'attention du directeur général de l'ARS. Les premiers juges ont également tenu compte des explications apportées par son employeur, ainsi que des actions et démarches qu'il avait engagées avant de se prononcer, par exemple, sur la question du changement des fonctions de l'intéressée après remise d'un rapport d'audit. Le tribunal qui a confronté les différents arguments au soutien des moyens avancés par les parties a, même s'il a relevé, par une incise au point 15, que " certains retards dans la mise en place de l'adaptation de quelques aspects du poste de travail et des fonctions étaient regrettables ", jugé que Mme B... n'était pas fondée à soutenir que l'ARS aurait commis une faute dans l'adaptation de son poste de travail et ses fonctions. Le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est par suite entaché d'aucune irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Agence régionale de santé de ... :
4. Aux termes de l'article 6 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur état de santé, (...) de leur handicap (...) / Toutefois des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions. (...). " Aux termes de l'article 6 sexies de la même loi : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l'article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur. / Ces mesures incluent notamment l'aménagement de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. ". Selon l'article 27 de la loi du 11 juin 1984 susvisée : " III - Les fonctionnaires handicapés relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail bénéficient des aménagements prévus à l'article 6 sexies du titre 1er du statut général des fonctionnaires. ".
5. L'administration est tenue de prendre, conformément aux dispositions citées au point précédent, les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l'accès de chaque personne handicapée à l'emploi auquel elle postule sous réserve, d'une part, que ce handicap n'ait pas été déclaré incompatible avec l'emploi en cause et, d'autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service. Elle peut cependant, pour le bon fonctionnement du service public, édicter des obligations de portée générale fixant des conditions d'aptitude physique liées à l'exercice même de certains emplois.
S'agissant de la faute de l'ARS de ... portant sur l'aménagement du poste de travail et des fonctions de Mme B... :
6. Aux termes de l'article 2-1 du décret du 28 mai 1982 visé ci-dessus : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ". Selon les termes de l'article 11 du même décret : " Les missions du service de médecine de prévention sont assurées par les membres d'une équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par un médecin du travail (...) ". L'article 24 du même décret dispose : " Le médecin du travail exerce une surveillance médicale particulière à l'égard : (...) / - des agents réintégrés après un congé de longue maladie ou de longue durée (...) ". Aux termes de l'article 26 du même décret : " Le médecin du travail est seul habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. (...) / Lorsque ces propositions ne sont pas agréées par l'administration, celle-ci doit motiver par écrit son refus et la formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ou, à défaut, le comité social d'administration doit en être tenu informé. ".
7. Mme B... dénonce, tout d'abord, la carence de l'ARS à organiser avec retard la visite de reprise avec le médecin de prévention alors qu'elle rencontrerait quotidiennement des difficultés pour exercer son travail, l'essentiel de ses missions étant, en outre, des missions nomades au titre desquelles elle était évaluée bien que n'étant pas en mesure de les réaliser parfaitement. Elle pointe, ensuite, la carence de son employeur à mettre en place les aménagements préconisés par le médecin de prévention à la suite de la visite de reprise, à savoir l'utilisation d'un télé-agrandisseur, d'un téléphone pour personne mal voyante, d'un luminaire à éclairage indirect et, ultérieurement, d'une loupe électronique.
8. Il résulte, d'une part, de l'instruction que le médecin agréé, dans son rapport au comité médical départemental (CMD), le 15 février 2011, a émis un avis favorable à la reprise du travail de Mme B..., à temps partiel thérapeutique à 50 % au 16 avril suivant, avec adaptation de son poste de travail, laquelle devait être déterminée avec le médecin de prévention. Le CMD, lors de sa réunion du 30 mars suivant a également retenu les mêmes préconisations. Or, il est constant que cet examen médical de reprise avec le médecin de prévention, malgré plusieurs demandes formulées en ce sens par Mme B..., n'est intervenu que le 26 mars 2013, soit près de deux ans plus tard. Il ne ressort aucunement des éléments du dossier que l'ARS de ... aurait été confrontée à des difficultés insurmontables pendant cette période l'empêchant d'organiser plus tôt cette examen de reprise. La notification à l'intéressée, au courant du mois de mai 2011, d'une fiche de poste sans prise en compte de restrictions médicales, a d'ailleurs conduit à ce qu'elle soit amenée à réaliser trois missions d'inspection à l'extérieur et ce, malgré les difficultés qu'elle rencontrait liées à son handicap visuel. Alors que l'objet de l'avis du médecin de prévention lors de l'examen de reprise est précisément de définir les aménagements du poste de travail de l'agent, qui ne sauraient être laissés à la discrétion de l'employeur, les quelques mesures prises par l'ARS - autorisation de départ anticipé du service donnée à cet agent pendant les mois d'hiver et disposition d'un bureau près de la fenêtre et en accès direct près de la porte à compter du mois de décembre 2012 - ne sauraient suppléer la carence fautive de l'ARS pour la période courant du 16 avril 2011 au 26 mars 2013.
9. Il résulte, d'autre part, de l'instruction qu'une fois saisi, le médecin de prévention a préconisé la mise en place, au cours de l'année 2013, de mesures et matériels spécifiques liés au handicap visuel de l'agent et destinés à l'adaptation de son poste de travail, soit une formation informatique adaptée, un télé-agrandissement pour le travail sur écran, un luminaire à éclairage indirect ainsi qu'un téléphone pour personne malvoyante. Or, il est constant que la formation informatique spécialisée ne s'est pas tenue avant le mois de septembre 2017, que si des démarches ont été engagées au mois de mars 2016, le télé-agrandisseur n'a cependant été livré qu'en mars 2017 à la suite de l'intervention d'un ergothérapeute, le 22 février 2017, que le luminaire à éclairage réduit n'a été acquis qu'au mois de novembre 2015 et le téléphone adapté au mois d'avril 2017. Il résulte également de l'instruction que le service inter régional d'appui aux adultes déficients visuel (SIADV) est intervenu le 20 mars 2014 pour effectuer une étude ergonomique du poste de travail de l'agent, préconisée par le médecin prévention au mois de décembre 2013, que l'ARS a procédé à un nouvel aménagement des horaires de travail de l'agent pour les mois de décembre 2014 et janvier 2015, afin d'éviter tout risque lié aux trajets nocturnes, et que la fiche d'aptitude médicale établie le 23 septembre 2015 par le médecin de prévention retient que le poste de l'intéressée est " aménagé [...] actuellement satisfaisant ". Dans ces conditions, si une seconde carence fautive de l'employeur de Mme B... dans le retard à mettre en œuvre les préconisations du médecin de prévention peut être retenue, la responsabilité de l'ARS doit cependant être limitée à la période courant du mois de mars 2013 au 23 septembre 2015.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que Mme B... est fondée à soutenir que l'ARS de ... a commis une faute lui ouvrant droit à réparation pour la période courant du 16 avril 2011 au 23 septembre 2015.
S'agissant de la faute de l'ARS tenant au harcèlement moral :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du
13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. Enfin, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
12. En premier lieu, si Mme B... soutient que l'ARS a envisagé de modifier son espace de travail pour le transformer en espace collectif, ce qui était incompatible avec son handicap visuel, il résulte cependant de l'instruction que cette perspective, qui a pu certes inquiéter l'intéressée, était issue d'un rapport d'audit, de nature préparatoire, et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ces préconisations ont été mises en œuvre. Ces éléments de fait ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
13. En deuxième lieu, si un audit du pôle pharmacie conduit en 2015 a révélé que les autres pharmaciens inspecteurs, qui se plaignaient d'un manque d'effectifs pour effectuer des missions d'inspection sur place, auraient souhaité que Mme B... vienne renforcer leur équipe sur ces activités, il est constant que l'ARS n'a pris aucune décision en ce sens. Bien que le rapport d'audit comme la communication de son compte-rendu à l'ensemble des membres du pôle pharmacie ait été mal vécu par Mme B... qui, ainsi qu'elle l'exprime, l'a " compris comme une véritable menace pour la poursuite de sa carrière " à l'origine d'un stress important, ces circonstances ne révèlent pas des faits susceptibles de faire présumer un harcèlement moral à l'encontre de l'agent.
14. En troisième lieu, Mme B... soutient que le traitement de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail de 2015 et 2016 est constitutif d'un harcèlement fautif. La requérante a demandé à son administration de reconnaitre l'imputabilité de son état de grande anxiété au service, à la suite de l'audit de 2015 évoqué au point précédent, qu'elle avait vécu " comme un reproche formulé à son encontre et comme une forme de harcèlement ". Il résulte sur ce point de l'instruction que l'ARS de ... a instruit cette demande en suivant la procédure prévue par les textes en la matière, notamment en saisissant la commission de réforme départementale (CRD) et en diligentant une expertise, à laquelle Mme B... a d'ailleurs refusé de se soumettre. Après l'exercice par l'intéressée d'un recours gracieux et hiérarchique adressé au ministre, l'ARS, qui avait d'abord suivi l'avis défavorable de la CRD émis le 27 avril 2017, a finalement reconnu l'imputabilité au service des deux arrêts de travail. Cette démarche, qui ne révèle pas des faits susceptibles de faire présumer un harcèlement moral, ne caractérise par une situation de harcèlement constitutive d'une faute.
15. En quatrième et dernier lieu, Mme B..., dans ses écritures devant la Cour, recherche la responsabilité pour faute de l'ARS de ... pour harcèlement à raison des décisions du 5 novembre 2018 et 27 septembre 2021 du directeur de l'ARS par lesquelles cette autorité a respectivement refusé de regarder comme un congé de maladie ordinaire son absence du 16 mai 2018 et a prononcé sa suspension provisoire de fonctions en l'absence de justification du respect de l'obligation vaccinale. Or, la demande indemnitaire que la requérante présente aux motifs de l'illégalité fautive de ces deux décisions, dont elle a au demeurant contesté la légalité par deux requêtes distinctes devant le tribunal administratif de Rennes, se rattache à un fait générateur distinct de celui fondant sa demande indemnitaire devant le tribunal dans l'instance en cause et que la cour a à connaitre par le présent arrêt. Cette demande constitue, ainsi que l'ARS de ... l'oppose expressément dans son mémoire en défense du 31 mai 2022, une demande nouvelle en appel comme telle irrecevable. Elle ne peut, par suite, qu'être rejetée.
S'agissant de la faute de l'ARS en raison de la discrimination :
16. L'intéressé, lors de la contestation d'une décision dont il soutient qu'elle serait empreinte de discrimination doit soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
17. Mme B... soutient, en premier lieu, que le fait de lui confier, à compter du mois de décembre 2012 des fonctions de chargé de mission auprès du directeur de santé publique ne lui aurait pas permis d'évoluer normalement dans sa carrière. il résulte sur ce point de l'instruction que Mme B... a été promue, par un arrêté du 7 novembre 2014, au grade de pharmacien inspecteur en chef de santé publique au 1er janvier 2015 et que, malgré les allégations de la requérante, aucune pièce de l'instruction ne vient établir que son supérieur n'avait pas voulu la proposer à cette promotion au titre de l'année 2014. Cette critique n'étant pas fondée, il convie d'écarter cette branche du moyen.
18. Si Mme B..., qui ne disposait d'aucun droit à être promue, soutient, en deuxième lieu, qu'elle a été discriminée et qu'elle est victime d'une rupture d'égalité entre agents publics en ce qu'elle n'a pas été promue au grade de pharmacien inspecteur général de santé publique, il ne ressort d'aucun élément du dossier que les agents promus à ce grade ne justifieraient pas d'un parcours professionnel au moins équivalent au sien, alors, au demeurant, que de telles promotions sont rares. En outre, il ne ressort pas davantage en appel qu'en première instance des pièces du dossier que des éléments étrangers à la valeur professionnelle des candidats promus auraient été pris en compte par l'autorité administrative. Dès lors, aucun des éléments de fait avancés n'étant susceptible de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de la proposer à la promotion au grade de pharmacien inspecteur général de santé publique au titre de l'année 2017, le directeur général de l'Agence régionale de santé ... aurait méconnu le principe d'égalité de traitement entre agents publics et d'accès aux emplois publics et par suite commis une faute.
19. Il résulte de tout ce qui a été dit aux points 12 à 18 que Mme B... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité pour faute de l'ARS pour des faits commis à son encontre constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination.
Sur le préjudice :
20. Compte tenu, d'une part, des carences fautives de l'ARS de ... qui ont été retenues aux points 8 et 9 pour la période courant du 16 avril 2011 au 23 septembre 2015, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui en ont résulté pour Mme B... en les évaluant à la somme globale de 6000 euros. D'autre part, Mme B... justifie d'un préjudice financier d'un montant de 1499 euros correspondant à l'acquisition par ses propres soins d'une loupe électronique préconisée par le médecin de prévention au mois de juillet 2018, dont il ne résulte pas de l'instruction que le remboursement aurait été effectué par son employeur alors que la facture correspondante a été versée au débat contradictoire en première instance.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
21. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme globale de 7 499 euros à compter du 4 octobre 2018 date de réception par l'ARS de ... de sa réclamation préalable.
22. Pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Mme B... a sollicité la capitalisation des intérêts devant le tribunal administratif de Rennes le 17 janvier 2019. Les intérêts sur la somme de 7 499 euros seront capitalisés à compter du 17 janvier 2020, date à laquelle une année d'intérêt était due, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté en totalité sa demande indemnitaire et que l'ARS de ... doit être condamnée à lui verser la somme globale de 7 499 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts dans les conditions rappelées aux points précédents.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement à l'ARS de ... de la somme qu'elle demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ARS de ... le versement à Mme B... d'une somme 1500 euros au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900287 du 10 novembre 2021 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : L'Agence régionale de santé de ... est condamnée à verser à Mme B... la somme globale de 7 499 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 4 octobre 2018. Les intérêts dus au 17 janvier 2020 seront capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... et les conclusions présentées par l'ARS de ... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : L'ARS de ... versera à Mme B... la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Agence régionale de santé de ....
Délibéré après l'audience du 2 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
Le rapporteur,
O.COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 22NT00014 2
1