Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2303861 du 18 avril 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Gouache, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté de transfert méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le mémoire, enregistré le 29 septembre 2023, et l'arrêté d'abrogation pris par le préfet de Maine-et-Loire, enregistré le 3 octobre 2023, produits après la clôture automatique de l'instruction par le préfet de Maine-et-Loire, n'ont pas été communiqués.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 2 décembre 2022 à la préfecture de la Loire-Atlantique, Mme A..., qui est née en 1999, a indiqué avoir quitté son pays d'origine au début de l'année 2021 puis traversé le Mali, l'Algérie et la Tunisie, avant d'arriver en Italie, où elle n'est restée que trois semaines. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., présente en France depuis le mois d'octobre 2022, était enceinte à la date à laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert à destination de l'Italie. Elle justifie à ce titre d'une prise en charge médicale à la permanence d'accès aux soins de santé du centre hospitalier universitaire de Nantes. Par suite, compte tenu de son très jeune âge de son état de grossesse, et de la circonstance qu'elle n'est accompagnée, ni du père de l'enfant, ni d'aucun autre membre de sa famille, Mme A... doit être regardée comme établissant qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, il y a lieu d'annuler l'arrêté litigieux en date du 16 février 2023.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2023 prononçant son transfert aux autorités italiennes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, de délivrer à Mme A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gouache, avocat de la requérante, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2303861 du tribunal administratif de Nantes en date du 18 avril 2023, ainsi que l'arrêté du 16 février 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de Mme A... auprès des autorités italiennes sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt une attestation de demande d'asile en procédure normale.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gouache, conseil de Mme A... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01631