Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... H... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.
Par deux jugements n° 2207501 et n° 2207559 du 15 novembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté les demandes.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 6 février 2023, Mme H..., représentée par
Me Perrot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Maine-et-Loire de réexaminer sa situation et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler le temps de cet examen, dans le délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve du renoncement de Me Perrot au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entachée d'un vice de procédure ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen ;
- la décision porte atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; la seule circonstance qu'il ait été débouté de sa demande d'asile ne fait donc pas obstacle à ce que soit reconnu des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense en date du 15 novembre 2023, le préfet du Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme H... n'est fondé.
II- Par une requête enregistrée le 6 février 2023 M. E..., représenté par Me Perrot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Maine-et-Loire de réexaminer sa situation et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler le temps de cet examen, dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve du renoncement de Me Perrot au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un vice de procédure ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen et porte atteinte à au droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étranger set du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; la seule circonstance que l'intéressé ait été débouté de sa demande d'asile ne fait donc pas obstacle à ce que soit reconnu des risques en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision porte atteinte au droit protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense en date du 15 novembre 2023, le préfet du Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. E... n'est fondé.
Mme H... et M. F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 5 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Viéville a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... et Mme H..., ressortissants azerbaïdjanais, sont entrés irrégulièrement en France le 8 octobre 2018 accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Après le rejet le 14 avril 2022 de leurs demandes d'asile, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, par arrêtés du 5 mai 2022, de les obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office à l'expiration de ce délai. Le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté les recours de M. E... et Mme H... contre ces arrêtés par deux jugements du 15 novembre 2022. Par deux requêtes, Mme H... et M. E... demandent à la cour d'annuler ces jugements et ces arrêtés.
Sur la jonction :
2. Les deux requêtes mentionnées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la légalité des arrêtés attaqués :
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
4. Mme H... et M. E... soutiennent que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des dispositions précitées du 9° de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'un vice de procédure, dès lors que le préfet de Maine-et-Loire, informé lors de leur audition par un agent des services de la préfecture du fait que leur fille C... présentait des problèmes de santé, aurait dû saisir pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à l'édiction des mesures d'éloignement. Cependant, ainsi que l'a relevé le magistrat désigné du tribunal administratif, le certificat médical établi le 30 août 2021 par un praticien hospitalier du service de chirurgie pédiatrique du CHU d'Angers n'est pas de nature à établir que l'état de santé de leur fille nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les requérants ne produisent aucun autre élément en appel relatif à l'état de santé de leur fille à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus du 9°de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du vice de procédure doivent être écartés.
5. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de Mme H... et de M. E..., notamment au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle des appelants doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Eu égard à leur durée de séjour sur le territoire, à l'absence de relations personnelles, familiales ou amicales suffisamment anciennes, stables et durables sur le territoire, à la possibilité pour leurs enfants d'être scolarisés dans leur pays d'origine ou d'y poursuivre leurs activités sportives, Mme H... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire a porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale tel que protégé par le stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.
8. En quatrième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption du motif retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif.
9. En cinquième lieu, aux termes du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Les décisions portant obligation de quitter le territoire ne font pas obstacle à ce que la cellule familiale constituée par Mme H..., M. E... et leurs enfants se reconstitue en Azerbaïdjan ou dans tout autre pays dans lequel ils seraient légalement admissibles et où les enfants, qui ne seront pas séparés de leurs parents, pourront poursuivre leur scolarité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ", et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
12. Mme H... et M. E... soutiennent que le retour dans leur pays d'origine compromettrait gravement leur sécurité personnelle et les exposerait à des traitements inhumains et dégradants en raison du militantisme politique de M. E... au sein du Front Populaire Classique d'Azerbaïdjan. Cependant, les appelants, pour établir la réalité de ces risques, se bornent à réitérer les récits exposés initialement devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. De plus, la convocation de M. F... à se présenter devant le bureau du procureur général d'Azerbaïdjan dans le cadre d'une affaire pénale n'est pas suffisamment précise et circonstanciée pour établir la réalité des risques allégués. Enfin, la circonstance que Mme H... et M. E... aient sollicité le réexamen de leur demande d'asile, qui a d'ailleurs été rejeté le 14 septembre 2022 par l'OFPRA et le 7 juillet 2023 par la CNDA, n'est pas de nature à établir la réalité des risques allégués. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L.721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne peut qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés au point 7 et 10, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la violation des droits protégés par les stipulations des articles 3-1 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige doivent être également rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de Mme H... et de M. E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié, à Mme B... H..., à M. A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 23NT00334, 23NT0033502
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