Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2205991 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023, M. A..., représenté par Me Maony, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2022 du préfet du Finistère lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans un délai d'un mois, une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreurs de fait ;
- la décision litigieuse méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision litigieuse méconnait l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- dans le cadre d'une demande de renouvellement de titre de séjour, il n'avait pas à présenter un visa de long séjour, ni un certificat de passage d'une visite médicale ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
- ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,
- et les observations de Me Pavy substituant Me Maony pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 12 janvier 2001 à Saioua (Côte-d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, est entré irrégulièrement en France le 17 juillet 2017, à l'âge de 16 ans. Il a été confié par ordonnance du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Brest du
19 décembre 2017, confirmée par un jugement en assistance éducative du juge des enfants du même tribunal du 1er mars 2018, auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du Finistère.
A sa majorité, il a bénéficié successivement d'un titre de séjour, délivré pour une durée d'un an en qualité d'étudiant, au cours de laquelle il a obtenu le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'ébéniste, puis d'un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire ", valable du 2 février au 30 septembre 2021 pour la poursuite de ses études par la voie de l'apprentissage en vue de l'obtention d'un second CAP au lycée professionnel de Landerneau mention " plaquiste ", formation qu'il n'a pu valider. Le 18 août 2021, il a sollicité le renouvellement de ce dernier titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du même code. Un premier arrêté a été pris le 27 décembre 2021 par le préfet du Finistère, refusant à M. A... la délivrance des titres sollicités et lui faisant obligation de quitter le territoire français, au motif notamment que l'intéressé, bien que pris en charge dans le cadre d'un contrat jeune majeur jusqu'au 31 décembre 2021, n'était inscrit dans aucune formation qualifiante. Saisi par M. A..., le 3 février 2022, d'une demande de titre de séjour " salarié " sur les fondements de l'article 5 de l'accord franco-ivoirien du 21 septembre 1982 et de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère a opposé une irrecevabilité, au motif du refus du 27 décembre 2021 et que l'intéressé faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Toutefois, saisie le 7 mars 2022 d'une demande de régularisation émanant d'une entreprise souhaitant recruter M. A... comme opérateur de désamiantage, l'autorité administrative a décidé de réexaminer la situation de l'intéressé et lui a délivré, à cette fin, le 7 avril 2022, un récépissé de demande de titre de séjour. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer l'annulation de l'arrêté pris en dernier lieu le 13 octobre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de destination. Par un jugement du 23 février 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de ce que la décision contestée n'est pas suffisamment motivée, de ce qu'elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant et de ce qu'elle est entachée d'erreurs de fait, que M. A... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 16 ans, le 17 juillet 2017, soit cinq ans environ avant la décision contestée. Il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle mention " ébéniste " le 1er juillet 2020 mais il ne se prévaut d'aucun emploi en rapport avec cette formation. S'il a travaillé dans le cadre de missions d'intérim entre juillet 2021 et janvier 2022 et a produit un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er février 2022 en qualité d'opérateur de désamiantage, ces éléments ne suffisent pas à démontrer une intégration professionnelle pérenne en France. Il ne fait état d'aucun lien amical ou familial particulier en France, alors qu'il est célibataire, sans charges de famille. Par conséquent, alors même qu'il n'aurait plus de liens avec son oncle et sa tante qui vivent dans son pays d'origine, qui sont les seules attaches qui lui y resteraient depuis le décès de ses parents et qu'il maîtrise la langue française, le préfet du Finistère n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect à la vie privée et familiale en prenant la décision contestée. Le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En troisième et dernier lieu, l'article 10 de la convention conclue le 21 septembre 1992 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire sur la circulation et le séjour des personnes stipule que : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants ivoiriens doivent posséder un titre de séjour. (...) Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil. ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. ".
6. Il est constant que si M. A... a présenté un contrat de travail à durée indéterminée signé le 1er février 2022 en qualité d'opérateur de désamiantage, il n'a obtenu aucune autorisation de travail. Si M. A... indique que cette absence d'autorisation de travail est due à des difficultés liées à la dématérialisation du service de main d'œuvre étrangère et à l'impossibilité de contacter l'agent en charge de l'instruction de la demande d'autorisation de travail, il n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il aurait fait l'objet d'une décision illégale de refus d'autorisation de travail. Au demeurant le préfet du Finistère fait valoir que la plate-forme de la main-d'œuvre étrangère a indiqué, par courriel du 12 juillet 2022, avoir sollicité à vingt-et-une reprises l'entreprise concernée afin d'obtenir les justificatifs nécessaires au traitement de la demande d'autorisation de travail, sans succès, ce qui est confirmé par un courriel du 12 juillet 2023 et, dans un courriel du 17 puis du 23 juin 2022, qu'il convenait qu'elle contacte non pas les services de la préfecture mais l'administration numérique pour les étrangers en France. Ainsi, pour ce seul motif d'absence d'autorisation de travail, le préfet du Finistère a pu refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour " salarié " sollicité. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que, dans le cadre d'une demande de renouvellement de titre de séjour, il n'avait pas à présenter un visa de long séjour, ni un certificat de passage d'une visite médicale doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Derlange, président,
- Mme Picquet, première conseillère,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2024.
La rapporteure
P. PICQUET
Le président
S. DERLANGELe greffier
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00725