Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.
Par un jugement n° 2211460 du 17 janvier 2023 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mai et 28 novembre 2023,
M. C..., représentée par Me Perrot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché de dénaturation des pièces du dossier ;
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée à ce titre d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation notamment au regard de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques encourus en cas de retour en Azerbaïdjan du fait des menaces et violences subies du fait de son engagement politique ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 novembre 2023, le préfet de la
Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 25 avril 2023, le président du bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les observations de Me Perrot, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant azerbaïdjanais, né le 14 décembre 1980, est entré irrégulièrement en France le 18 décembre 2019 en compagnie de son épouse, Mme D..., née le 19 avril 1979, et de ses deux enfants mineurs, A..., né le 24 novembre 2004, et Zeyneb, née le 26 décembre 2007. Il a déposé une demande d'asile le 7 décembre 2020. Par une décision du 12 mars 2021, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande. Par une décision du 13 septembre 2021, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet. M. C... ayant saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réexamen, le directeur général de l'Office a, le 17 février 2022, rejeté celle-ci. Par un arrêté du 12 août 2022 le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai, en application du 4° de l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. C... soutient que le jugement attaqué est entaché de dénaturation des pièces du dossier, un tel moyen relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. Saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée. En revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a saisi le préfet de la
Loire-Atlantique d'une demande d'autorisation de séjour présentée au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire. Il ressort de la rédaction de l'arrêté contesté que le préfet, qui a rejeté cette demande en tirant les conséquences du rejet de la demande d'asile formulée par l'intéressé, a néanmoins examiné d'office si celui-ci était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement d'autres dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est opérant.
5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait fait état, auprès des services de la préfecture, de l'existence de problèmes de santé de sa fille. Dès lors, le préfet de la
Loire-Atlantique, en considérant que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sur ce point sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " et aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
8. M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français méconnaitrait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'invoque aucun élément relatif à son propre état de santé. Par suite, ce moyen doit être écarté. M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En deuxième lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en lui faisant obligation de quitter le territoire français, moyens que M. C... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau en fait et en droit.
10. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est, en tout état de cause, inopérant à l'encontre de la décision d'obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas pour objet ni pour effet de contraindre M. C... à retourner dans son pays d'origine.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. En premier lieu, la décision fixant le pays de nationalité de M. C... comme pays de son renvoi mentionne sa nationalité azerbaïdjanaise et précise que celui-ci n'établit pas que sa vie privée ou sa liberté sont menacées dans son pays d'origine ou qu'il y serait exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, elle est suffisamment motivée en fait et en droit. Par ailleurs, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucun autre élément du dossier que cette décision aurait été prise sans un examen particulier de la situation personnelle de M. C... en particulier au regard des risques encourus dans son pays d'origine.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. (...) ". Il résulte des termes de l'arrêté préfectoral, qui fait notamment référence au rejet de la demande d'asile de M. C... par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 mars 2021, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 26 février 2013, puis au rejet de la demande de réexamen par le même Office le 17 février 2022, que l'administration a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé.
Le préfet de la Loire-Atlantique n'étant pas compétent pour se prononcer sur une demande d'admission au statut de réfugié, que M. C... n'a pas obtenu comme il vient d'être dit, il n'avait pas à examiner la situation de M. C... au regard de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
14. L'appelant soutient que sa sécurité serait menacée s'il devait retourner dans son pays d'origine en raison de son militantisme politique au sein du Front Populaire Classique d'Azerbaïdjan. Toutefois, et alors que M. C... a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations de nature à corroborer l'existence d'un risque actuel et personnel de subir un traitement inhumain et dégradant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
15. Enfin, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en fixant le pays de destination, moyens que M. C... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Penhoat, premier conseiller ;
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 février 2024.
Le rapporteur
A. PENHOATLe président
J.-E. GEFFRAY
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°23NT01504 2
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